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Un moment, j'en restai sans voix. Figée, stupéfaite. Puis, ma surprise se mua en un fou rire imprévisible qui m'obligea à m'appuyer contre le battant qui venait de se fermer, hilare.

J'avais l'habitude d'extorquer des actes, des promesses, des objets. Je négociais pour avoir ce que je voulais, je marchandais, je promettais et je mentais.

Mais qu'on vienne me supplier de continuer était une première dans toute ma carrière. Je n'étais même pas certaine que ce soit déjà arrivé à Ekrest.

— Pardon, soufflai-je en retrouvant ma respiration et en chassant une larme dûe à mon fou rire.

Veiri me fixait, mi-perplexe mi-renfrogné par ma réaction, ce que je comprenais.

— Je n'ai... pas l'habitude qu'on en redemande après que j'aie fait du mal à quelqu'un.

— Si vous pouvez éviter de me crever un œil à chaque commande, ce serait appréciable. Je n'en ai plus qu'un, et les bioniques coûtent une fortune.

Les bioniques ? relevai-je intérieurement. Pour moi, ça relevait davantage du domaine de la science-fiction... mais après tout, les dvergr étaient certainement la population qui s'en approchait le plus d'un point de vue technologique. Je décidai de ne pas relever, préférai me concentrer sur le cœur de la discussion. Une nouvelle commande.

— Je suis loin d'avoir les fonds pour vous payer une série de commandes comme celle-ci, maître forgeron, éludai-je en cherchant à déterminer jusqu'à où il était prêt à aller.

Il recula d'un pas, les sourcils haussés et les lèvres étirées en une moue de perplexité qui lui donna un instant un air de personnage de dessin animé.

— Une fille du chaos qui veut me payer ? Ce serait bien la première fois.

Je secouai la tête, réprimant un nouveau rire.

— J'essaie de compenser pour les clichés mais vous ne me facilitez pas la tâche, pouffai-je.

Veiri se fendit à son tour d'un sourire :

— Je n'en aurais pas tant attendu.

Un silence passa, guère désagréable, que je ne pouvais pas laisser s'attarder trop longtemps. Mais je réfléchissais.

— Je suppose que pour forger, vous avez besoin de matériaux rares ?

— Ça dépend de la demande. Mais ce que je n'ai pas, je pourrai me le procurer.

— Passons un accord, alors. Si vous ne voulez pas que je vous paye, je vous finance au moins les matières premières.

Il sourcilla, puis hocha lentement la tête avec un sourire.

— Très bien, jeune demoiselle. Si vous insistez tant pour rattraper la réputation de votre fratrie...

Je souris, laissai aller ma tête en arrière en réfléchissant à la proposition.

— Que voudrais-je ? Quelque chose qui dépasse l'imagination, qui ne se trouve pas aux quatre coins des mondes...

Souvent, j'aimais la simplicité. Surtout quand je n'avais pas d'idée. C'était une demande qui était trop immédiate, qui ne me laissait aucune préparation. Alors, je me réfugiai dans ce que je connaissais bien. Les armes.

— Une arme... une arme comme vous n'en avez encore jamais forgée, et comme personne n'en a forgée avant vous.

Veiri haussa un sourcil, l'air à la fois perplexe et légèrement dépité :

— D'autres spécifications ?

— Puis-je en ajouter ? Est-ce que ça ne va pas bloquer votre créativité ? relevai-je.

Le Cycle du Serpent [III] : L'Hiver des MaisonsOù les histoires vivent. Découvrez maintenant