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Je finis par retrouver Levi dans la petite antichambre de notre suite. Il s'était affalé sur le fauteuil confortable qu'on lui avait fourni, construit dans un étrange mélange de style royaliste midgardien et de futurisme dvargen. Lignes épurées et coussins rembourrés, une forme esthétique agrémentée d'ornements discrets, creusés dans les profondeurs du bois plutôt que dépassant sur les extrémités. C'était dans la veine de tout ce qui était construit ici : tous les meubles avaient un aspect dystopique, se fondaient dans le décor intérieur de la chambre, disparaissaient presque à la vue. Mais, si on prêtait un peu attention, on remarquait les délicates gravures, les dorures élégantes qui n'apparaissaient qu'avec un certain angle de réfraction de la lumière.

— Salut.

— Salut.

Nous nous fixâmes un moment en chiens de faïence, conscients que nous ne pouvions pas parler librement ici.

— Merci de m'avoir sorti de là.

— C'était ta tête qui était en jeu, éludai-je avec un haussement d'épaules.

— Et on sait comment Loki et ses enfants finissent lorsque leur tête est en jeu chez les nains, rétorqua-t-il avec un fin sourire.

Je pouffai. Loki avait parié sa tête aux fils d'Ivaldi pour créer une nouvelle chevelure d'or à Sif, qu'il avait tondue à ras, et s'était retrouvé avec les lèvres cousues en perdant son pari. Néanmoins, notre père étant notre père, il s'en était sorti en gardant au moins la tête sur les épaules, ce qui semblait au départ compromis.

— Ils finissent mal, ricanai-je.

Un silence gênant tomba quelques instants, puis Levi reprit :

— Je pensais qu'on vous avait tous les deux perdus après... la dernière fois.

— J'y ai cru aussi, admis-je.

Au simple souvenir du combat contre Thor, une nuée de frissons remonta dans mes épaules,

— Et pourtant...

— C'est...

— Compliqué. Oui, je sais. Il m'a expliqué.

Je fronçai un sourcil. Il ? Qui était avec lui quand il s'était enfui, qui avait pu le retrouver et lui expliquer une partie de ce qui s'était passé ? Åke ? finis-je par formuler du bout des lèvres, prise d'un doute soudain.

Levi se contenta d'un bref hochement de tête. Je le fixai, stupéfaite, cherchant la rancœur, l'amertume, la haine et le déni. C'était trop simple qu'il l'accepte aussi facilement, sans protester, sans se demander si c'était la vérité.

— Je ne...

— Ouais.

Aucun de nous ne savait réellement quoi dire. Après une grimace, je finis par lui proposer :

— Je te fais visiter ?

— Avec plaisir. À moins que mon repos ne soit uniquement confiné au périmètre de ce fauteuil... pas très confortable, d'ailleurs.

Je lui tendis la main pour l'aider à se redresser, et en se relevant, il s'arrêta pour m'observer de haut en bas. L'habituelle pointe de moquerie qui illuminait son regard en permanence était étouffée, tamisée par un calme que je ne lui connaissais pas.

— Ça te va bien. Tu as l'air bien.

Et pourtant... réalisai-je avec une grimace intérieure. Dans mon esprit, c'était perpétuellement le chaos. J'étais aussi confuse sur mon rôle, mon titre et ma puissance que mes objectifs. Je chassai les pensées obscures qui me happaient quand j'étais seule et que je prenais le temps de considérer ma position actuelle, et fis un signe de tête à Levi.

Le Cycle du Serpent [III] : L'Hiver des MaisonsOù les histoires vivent. Découvrez maintenant