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À l'expression sérieuse d'Elisa, je compris qu'elle avait malgré tout cerné les enjeux de ma situation. Je lui adressai un sourire rassurant, pris sa main, souris en sentant ses doigts froids. Elle avait toujours les mains froides. Et moi aussi, maintenant que je n'ai plus de pyromagie.

— Si je disparais et qu'on vient te poser des questions, c'est moi qui te recontacterai, mais je ne peux pas te promettre dans combien de temps.

— Ok. D'autres choses ?

Je songeai à tout ce que j'avais envisagé durant le long trajet tout en la détaillant. Elisa avait le même âge que moi, et tout autant de responsabilités, même si elles n'étaient pas du même domaine. Elle portait des lunettes sans verres, uniquement pour le style, qui avec ses mèches éparses adoucissaient la longueur de son visage. Elle était petite, mais ses talons de huit centimètres l'amenaient à ma hauteur lorsqu'elle n'était pas assise.

— Je suppose qu'il y a des systèmes d'alarme ?

— Dernier cri, évidemment, opina-t-elle.

— Tu pourrais me fournir du staff pour surveiller l'appartement si nous ne sommes pas là ? Deux ou trois personnes, juste de quoi occuper les lieux pour prétendre qu'ils sont habités, et vérifier les angles morts.

La formulation la fit pouffer, mais lorsqu'elle hocha la tête, son regard noir était sérieux.

— C'est grave ? osa-t-elle d'une voix mesurée, comme si elle posait une question interdite.

C'était bien une question interdite dans le sens où elle n'avait jamais questionné les ramifications de mon travail. Elle m'avait interrogée et pistée sur mon identité, mais jamais elle n'avait cherché à savoir exactement ce que je faisais, et ce que ça impliquait. Et je doutais que son père lui en ait parlé.

— Plus que ce que j'ai vécu jusqu'à maintenant.

— Plus que Barcelone ?

— Oui.

— Mon père pourrait te...

— Elisa, tranchai-je sèchement.

Elle s'interrompit, ses yeux noirs parfaitement humains, dénués du moindre éclat de magie, rivés sur moi.

— Ça ne sert à rien d'impliquer ton père là-dedans. D'une part parce qu'il risquerait bien plus qu'il ne le pense, malgré tout ce qu'il croit savoir. D'autre part parce que ça ne me protègerait pas. Les gens qui me cherchent ont d'autres moyens pour me retrouver.

— C'est pour ça que tu t'es volatilisée ? releva-t-elle.

— J'ai presque littéralement disparu de la surface de la terre.

Presque était en fait un euphémisme. Je m'étais littéralement évaporée de Midgard, enfuie par le Bifröst. Et j'avais disparu de la surface au sens propre du terme, temporairement, dans les cavernes de Stronstall.

— D'accord... souffla Elisa, légèrement sonnée.

Elle me fixa encore un moment, le regard dans le vague, puis ses yeux dérivèrent sur Kalyan, et je souris en la voyant se focaliser pleinement sur lui.

— Elle a un don pour s'attirer des ennuis, alors protège-la, tu veux ?

C'était moins une question qu'un ordre déguisé, et il n'en prit pas ombrage. Bien au contraire, il sourit à son tour et répondit franchement :

— Je sais. J'essaie. Mais elle fait son possible pour me mettre des bâtons dans les roues.

Elisa se fendit d'un rire légèrement nerveux alors que nous passions sous la barrière levée du souterrain privé d'un immense building.

Le Cycle du Serpent [III] : L'Hiver des MaisonsOù les histoires vivent. Découvrez maintenant