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Keirv et Miri, changés eux aussi pour l'occasion, nous guidèrent dans les couloirs jusqu'à la passerelle la plus proche, qui nous amena dans la large tour qui servait de zone de réception au palais. Il était déjà tard, et nous fûmes rapidement redirigés par les intendants vers une grande salle, plongés dans un long flux constant qui créait un véritable courant de mouvement dans le palais.

Autour de moi, je voyais de belles robes richement décorées comme la mienne, des habits d'apparat mêlant acier poli et cuir lustré, fourrures épaisses et mailles fines. Heureusement que j'étais habillée par le palais lui-même, car sinon je me serais sentie déplacée dans la foule. Il y avait presque autant de dvergar que d'humains parmi les invités, et comme à chaque fois, je m'étonnais du nombre de demi divins exilés dans ces terres qui nous étaient plutôt hostiles, si proches du royaume des géants. Certains avaient si peu de sang divin dans les veines que leurs yeux avaient une couleur purement normale : c'étaient les descendants de familles depuis longtemps établies ici. D'autres, comme Aaron, Esil et Alice, que je reconnaissais devant nous, étaient seulement de passage, envoyés ici pour être formés ou pour une mission.

Nous fûmes bousculés jusqu'à passer les portes d'une immense salle en principe austère, qui avait été si richement décorée que rien ne semblait à sa place. D'immenses lustres chargés de pierres précieuses aussi limpides que de l'eau de roche pendaient du plafond, illuminés de leur propre bioluminescence, réverbérant l'éclat de l'or des anneaux. De longues tables ovales avaient été dressées pour un repas à cinq services, la coutellerie en argent massif avait été sortie. Partout sur les murs de pierre noire pendaient des soieries, des tapisseries ou de lourds tableaux encadrés de bois précieux.

Un intendant court sur pattes accourut avec une précipitation non feinte pour nous placer. Il avait des cheveux roux aussi longs que les miens, ramenés en une tresse complexe plaquée contre son crâne, et il marchait en tanguant légèrement sur ses jambes arquées. Il nous guida droit jusqu'à la seconde table la plus proche de l'estrade, nous indiqua nos sièges, et Kalyan me tira la chaise dans la plus pure courtoisie formelle. Je me permis un bref sourire, son côté chevalresque étant aussi nécessaire ici qu'inutile au quotidien. Ailleurs, notre entente était si simple... mais ici, nous formions un couple selon les normes sociales. Et aujourd'hui en particulier, le repas paraissait plus formel que les banquets auxquels j'avais déjà assisté.

— Non, mais je vous assure. Si un jour l'un de ces satanés rejetons du chaos parvient à rentrer dans mon atelier, je renonce à ma forge, car l'honneur des fils d'Ivaldi aura été bafoué et traîné dans la boue.

Je haussai un sourcil, interpellée, levai la tête vers Kalyan, qui venait de s'asseoir. Il secoua lentement la tête avec un air blasé. Son expression, mélange d'appréhension et d'expectative, me tira un grand sourire.

N'essaie même pas, articula-t-il en silence.

Oh que si.

— Excusez-moi, interpellai-je en pivotant vers les deux dvergar qui étaient déjà assis à notre arrivée, ai-je entendu correctement ? Vous êtes un fils d'Ivaldi ?

— Absolument, ma jeune demoiselle. Et vous, vous êtes la petite protégée de... ah, Hamershot ! C'est un honneur de vous revoir, Tueur de Dragon.

Kalyan sourit nerveusement, n'appréciant certainement pas le titre autant que quelqu'un d'autre l'aurait fait.

— Vous me flattez, noble forgeron. Cela fait un moment que je ne vous ai pas vu. Lily, je te présente...

— Veiri, pour vous servir.

Le dvergr fit le geste d'abaisser un chapeau immatériel – ou était-ce un casque dans les traditions locales ? Ce n'était pas impossible. Je lui rendis un large sourire, accompagné d'une salutation bien trop formelle :

Le Cycle du Serpent [III] : L'Hiver des MaisonsOù les histoires vivent. Découvrez maintenant