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J'appréciais la forme et l'attitude de Lyana. Elle avait une palette d'émotions que je ne manifestais pas toujours, allant de la provocation ouverte à l'ingénuité la plus totale. Je jouais moins la naïve la plupart du temps. Je ne me battais pas pour mes idéaux. Elle, contrairement à moi, avait le temps et les occasions de le faire.

— Je n'étais pas invitée non plus. À ce que je sache, jusqu'à aujourd'hui, vous n'avez étendu d'invitation officielle à entrer à Stronstall que pour Kalyan de la Maison de Thor.

Le nom provoqua un murmure dans la salle. Je poursuivis avec un sourire :

— Je n'ai jamais eu d'invitation officielle non plus. Pourtant je suis là, à partager vos banquets, à dormir dans votre suite. Qu'est-ce qui me différencie de lui ?

— Ton sang, ma chère fille, soupira Ankri en s'efforçant de paraître aussi paternel que possible.

Je vis la manière dont il essayait de tourner cela en une absurde discussion père-fille où j'étais l'adolescente rebelle et inconsciente. Je l'esquivai élégamment :

— Et si je vous disais que c'est son sang qui m'a sauvée, il n'y a pas si longtemps ?

— Je te demanderais de le prouver.

Je me tournai vers l'intendant, lui murmurai quelques mots à l'oreille, et il fronça le nez mais ne répondit rien, se contentant d'approuver. Je me redressai, me tournai à nouveau vers Levi :

— Tu voyageais avec deux autres demi-divins quand on t'a croisé dans les collines de Jorstrand. De quelles familles étaient-ils ?

Le regard de Levi s'assombrit dans la réflexion, puis s'éclaira d'un bref sourire, et je priai soudain qu'il réponde correctement. Il était capable de tout.

— Un Njörd et une Freyja, annonça-t-il bravement.

L'intendant ne put que hocher la tête à la question muette de son souverain, qui dut se tourner vers Kalyan.

— Tueur de Dragon, est-ce la vérité ?

Kal hocha sombrement la tête, n'appréciant probablement guère d'être mêlé à tout ça.

— Je le connais, repris-je dans le silence maussade qui s'installait. Enfin, non, probablement pas, parce qu'il ne m'a certainement pas dit son vrai nom. Mais... pourquoi aurait-il forcément de mauvaises intentions, s'il m'a aidée ?

— Le chaos qui aide la foudre ? releva Ankri. Ce serait bien la première fois en des siècles.

Je dus me retenir de laisser échapper un rire en songeant à Kalyan et moi, et me contentai de garder le menton levé, et de reculer d'un pas. J'avais fait le maximum que je pouvais faire sans agir directement. Je n'étais pas certaine que ça suffise, mais je ne pouvais pas non plus me permettre de tout compromettre sur un coup de tête.

J'aurais eu besoin de plus de temps pour me préparer. Maintenant, il ne restait plus qu'à attendre et espérer que le chahut de la salle serait suffisant pour influer sur l'humeur d'Ankri, qui s'était encore assombrie depuis mon intervention. Songeur, il sondait la foule du regard, les sourcils froncés, la main toujours refermée sur la garde de sa lame. Les intendants, dont celui que j'avais pris à parti, murmuraient entre eux, mais n'osaient pas influencer la décision. Dans la politique dvargen, il n'y avait pas de premier ministre, de main du roi, de décisionnaire secondaire, qui murmurerait à l'oreille du souverain. Ce dernier avait tout pouvoir, et sa voix pouvait élever au plus haut rang de la noblesse comme envoyer au fond des mines ou sous la lame du bourreau.

Alors que je désespérais d'obtenir une réponse, même si c'était la pire, il finit par se tourner à nouveau vers moi.

— Il t'importe tant que ça, cet étranger dont tu ne connais même pas le véritable nom ?

Le Cycle du Serpent [III] : L'Hiver des MaisonsOù les histoires vivent. Découvrez maintenant