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Le reste de l'ascension s'était passé sans grand problème autre que le froid mordant qui s'accentuait avec la hauteur et la fatigue des montures, de lointains descendants de Sleipnir qui avaient encore leur petite accélération magique même s'ils n'avaient plus que quatre jambes et non huit, comme des chevaux normalement constitués. Nous allions donc atteindre la demeure d'Heimdall en fin d'après-midi, comme annoncé par notre loueur de chevaux au pied des montagnes. J'avais contacté Ake$ par transmetteur pour lui exposer l'idée du thing, qui l'avait enthousiasmé. De fait, il m'avait dit que je pourrais compter sur son aide et qu'il rappliquerait rapidement à Midgard pour avoir l'honneur d'exposer les crimes de sa jumelle dans un procès public.

— J'ai un témoin, souris-je en coupant la communication du transmetteur dvargen.

— Cool.

La voix de Kalyan était distante, comme s'il était préoccupé, et je l'entendis immédiatement.

— Qu'est-ce qui t'arrive ?

Il poussa un long soupir en fixant son regard sur le sommet lointain d'Himminbjörg, que l'on commençait à discerner avec plus de précisions maintenant que nous avions dépassé l'altitude des nuages. Peu habituée à ressentir le froid, je m'étais emmitoufflée dans ma combinaison et mes fourrures, incapable de jouer avec ma pyromagie. Mon souffle n'était plus que des volutes de cristallisation, et le simple fait de respirer me donnait l'impression d'avoir les poumons gelés de l'intérieur.

— Je pensais au thing.

— Ne me dis pas que c'est une mauvaise idée maintenant que j'ai commencé à l'organiser, avertis-je.

— Non, là n'est pas la question. Je suis toujours d'avis que c'est ta seule approche qui a une mince chance de réussite, trancha-t-il. Mais la question c'est : et après ?

— Et après ? relevai-je.

Il prit une inspiration qui ressortit sous la forme d'un nuage de vapeur qui gelait en traversant l'écharpe qui lui servait de cache-nez, et expliqua posément :

— Imaginons. Kaiser tombe. Morte, bannie ou emprisonnée à vie, peu importe. Vous êtes tous pardonnés, réintégrés si vous le souhaitez. Qui reprend le commandement de la Confrérie ?

Un instant, je faillis répondre simplement les Élites, puis la réalité me frappa. Les Élites ? Ils précipiteraient la famille dans la guerre et la destruction. Une vendetta contre les Thor et tous ceux qui leur avaient fait du mal un jour ou l'autre. Leur haine n'avait de limite que les frontières des Neuf Mondes, et leur pouvoir à la tête de la Confrérie leur donnerait les moyens de donner à leur conflit une dimension internationale, si ce n'était intermondiale.

— Tu m'as compris, soupira Kalyan voyant mon visage se fermer. Les Élites vont causer un carnage si on leur donne la main sur la Confrérie. Adam est hors-jeu par sa capture si j'ai bien compris, et vous êtes une méritocracie totale. Les plus puissants sont au sommet. Toi ? Tu es certainement la plus saine d'esprit du groupe...

— Je n'ai absolument pas l'expérience, réfutai-je immédiatement. Je veux dire, je sais gérer la famille, ça fait quelques années que je le fais. Je connais les tenants et les aboutissants de nos politiques internes, des conflits et des intérêts de chacun. Mais la Confrérie c'est aussi toutes les filiales et même si je me suis fait la main sur des petits groupes...

Kalyan ne me contredit pas, et j'ajoutai avec un ricanement :

— En plus je n'en ai pas envie ! C'est un bourbier administratif, tout ce que je déteste.

Il pouffa, et je laissai son rire s'attarder tandis que je songeais à la possibilité la plus cohérente mais la moins logique.

— Non, il faudrait une sorte de conseil, un moyen de ne pas retomber dans le pouvoir absolu de Kaiser... mais je vois mal la Confrérie accepter ça. D'autant qu'il faudrait que les différents départements arrivent à travailler ensemble.

Le Cycle du Serpent [III] : L'Hiver des MaisonsOù les histoires vivent. Découvrez maintenant