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Kalyan haussa les sourcils encore plus haut dans un simulacre de course à qui attendrait le premier la racine de ses cheveux, et je lui adressai un simple pouce en l'air. Il secoua la tête, blasé, et je souris.

— Trop bieeeen ! On va pouvoir aller prendre un café et sortir plus souvent ! Je viendrai squatter chez toi !

— Tu y es en ce moment ? relevai-je.

— Ouais, j'ai déménagé en mars.

Je fis un calcul rapide, essayai de me rappeler où j'en étais dans ma vie en mars dernier, puis soupirai. J'en étais encore à ma simple vie d'Élite de la Confrérie sans histoires. La belle époque. Enfin, avec le recul, c'était surtout l'époque de l'ignorance, et je ne savais pas ce qui était pire entre ma situation d'avant et celle d'aujourd'hui.

— Sympa. Et tu fais quoi, toujours la gestion de l'agence de ton père ?

— J'en ai repris trois sur six, annonça-t-elle fièrement.

— En voilà une qui grimpe les échelons ! Félicitations !

— Merci, merci.

Elle affectait un ton quelque peu hautain et moqueur, mais je voyais d'ici le large sourire sur ses lèvres.

— Bon, pour le transport, je peux te récupérer directement à l'aéroport d'Istanbul, ça t'irait ?

— Impeccable, répondis-je immédiatement pour m'empêcher de dire qu'on saurait se débrouiller.

C'était difficile d'accepter de l'aide en sachant qu'il n'y aurait pas de paiement en retour ; j'avais l'impression de me sentir endettée. Remarque, c'était difficile d'accepter de l'aide tout court.

— T'es malade ? releva Elisa avec un rire.

— Ouais je crois.

— Ok, tu me raconteras ça. Bon j'envoie le jet vous chercher, je te donne les heures d'arrivée dès que possible. Et je t'attendrai directement à l'aéroport !

— Merci Elisa, soufflai-je. Sincèrement.

Elle balaya les remerciements d'un simple rire.

— T'occupe. À toute, je file m'occuper de la paperasse.

Et elle raccrocha. Je me laissai retomber dans mon fauteuil, retirai mes écouteurs avec l'impression d'avoir essayé de me battre contre une tornade. Elisa était le genre d'énergie canalisée mais inépuisable. Elle pouvait parler pour dix, et agir en même temps. Elle était un véritable typhon, et je l'adorais autant qu'elle m'éreintait.

— Singapour ? releva Kal, perplexe.

— Singapour, oui.

— T'avais pas moins... Je sais pas, chaotique ? Pas une mégapole ?

— Écoute, soupirai-je, moi je prends les options qu'on me propose. Et on est assez gentil pour me l'offrir. Donc non, j'avais pas vraiment moins chaotique.

— Carrément.

— Et on bouge pour Istanbul du coup.

— Mmhm. Ça va être long.

— Ça le serait moins si tu pouvais voler, narguai-je avec un rictus.

— Eh !

Il m'envoya en riant une volée d'étincelles au visage, et je les détournai d'un geste vers la plante la plus proche, qui frémit sous la décharge électrique.

— Tu as vu ce que tu me fais faire ?

— Terrible... soupira-t-il. Pauvre plante. Bon, je suppose qu'il va falloir qu'on se mette en route.

Le Cycle du Serpent [III] : L'Hiver des MaisonsOù les histoires vivent. Découvrez maintenant