Chapitre 22 : Masque et vérité

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Debout sur son overboard dans l'obscurité de la nuit, Loxias attendait le signal. Tout reposait sur Odessa, qui avait accepté de les aider quand la Brigade Rouge avait refusé. Elle devait s'introduire dans le gratte-ciel qui abritait le quartier général de la SI et accéder à un poste de contrôle. Là, elle pourrait lui dire quel cargo appartenait au directeur de la prison. Ce dernier voyageait anonymement jusqu'à ses bureaux par crainte des révolutionnaires. La voleuse lui avait assuré qu'elle connaissait un moyen sûr de pénétrer à l'intérieur, sans lui en dire plus.

La voix d'Odessa retentit soudainement sur sa puce cérébrale.

‒ Il est là !

Elle indiqua sa position. Loxias enfila un masque respiratoire, des lunettes de protection, et s'élança hors de sa cachette, s'envolant dans les airs. Il se dirigea vers le vaisseau qui volait en altitude en direction du bâtiment principal de la prison de haute sécurité Blue Mountain. Il s'agissait d'un gigantesque anneau qui flottait dans les airs grâce aux générateurs d'antigravité. Une bulle de verre tout aussi immense ondulait dans les airs, au centre de l'arceau.

Dans l'aube naissant, les bâtiments de la prison étaient tout illuminés de bleu.

Filant tel le vent, Silena, Acheron et Myosotis surgirent de l'autre côté de la route et prirent d'assaut le petit cargo. Cette dernière déchargea ses pistolets sur la carlingue argentée, suivie de près par ceux de Loxias. Tandis que le vaisseau filait dans les airs, la transmutée se jeta sur le pare-brise du véhicule et envoya son poing métallique dessus. Après plusieurs essais infructueux, la vitre se fissura.

De l'autre côté, Loxias vit la porte du sas coulisser. Trois membres de la Milice apparurent devant eux. Ils portaient des armures métallisées sur leurs uniformes verts. Ils étaient armés de longs fusils-requins. Un casque dissimulait le visage de l'un dentre eux. On ne pouvait apercevoir qu'une bande de néons jaunes à la place des yeux.

Le jeune homme se figea. Que faisaient là les soldats de la méga corporation à la place des habituels gardes du corps ?

Il n'avait pu s'empêcher de faire appel à une vision avant la mission désapprouvée par la Brigade. Il y avait vu le visage de Lychnis, déformé par la douleur. Le voleur serra les poings. Il ne l'abandonnerait pas, il le lui avait promis ! Il savait que ses visions embrumées d'Arcanum étaient toujours véridiques, mais que leurs interprétations étaient parfois trompeuses. Mais il ramènerait son ami, coûte que coûte !

En face d'eux, les soldats levèrent lentement leurs armes dans leur direction. Le temps semblait figé. Le vaisseau s'arrêta, stationnant dans les airs. La jeune femme aux cheveux bleus devait avoir neutralisé le pilote et arrêté l'engin. Loxias stabilisa son overboard.

Avant qu'ils ne puissent tirer, une porte derrière eux s'ouvrit. Silena tenait un homme par le col et pointait la crosse de son revolver sur sa tête. Ce dernier était blême de terreur et tremblait de tous ses membres. Loxias s'étonna qu'un être aussi faible soit le directeur de la prison la plus redoutée de tous les criminels.

‒ Plus un geste ! Ou je l'abats sur le champ !

Les soldats s'immobilisèrent.

‒ Bien, fit calmement le voleur. Vous allez donner l'ordre qu'on libère le prisonnier A-1969 immédiatement.

Il se tourna vers le militaire casqué et bâti comme une armoire à glace.

‒ Ouvrez les communications en direction de la prison.

‒ Je regrette, nous ne pouvons pas, déclara-t-il d'une voix mécanique. Ce prisonnier ne se trouve actuellement pas dans Blue Mountain.

‒ Quoi ? s'étonna Acheron. Non, c'est impossible ! Il a bien été transféré là-bas ! Ne me dites pas que vous l'avez déjà exécuté ?

Loxias resta impassible. L'homme au casque mentait certainement, cherchant à gagner du temps.

‒ Où est-il dans ce cas ? demanda-t-il prudemment.

‒ En face de vous, répondit le militaire.

Brusquement, le directeur se libéra de l'emprise de Silena en lui décochant un coup de pied. Le bout de ses doigts crépita, et il lui envoya une décharge délectricité. Cette dernière, surprise, le lâcha et poussa un cri de douleur tandis que le courant la traversait. D'un geste, il lui tordit le bras. Un sourire carnassier fendit le visage de l'homme. A cet instant, tandis qu'il se redressait de toute sa taille, il paraissait infiniment plus grand et dangereux, qu'on aurait dit un lion venant de capturer une proie de grosse taille.

‒ Nous vous attendions. Vous venez tout juste de tomber dans notre piège, articula-t-il.

Les deux autres soldats se saisirent de Silena et lui maintinrent les bras dans le dos.

Lentement, l'officier aux muscles larges s'avança et retira son casque avec lenteur. Loxias laissa échapper un hoquet de surprise en découvrant des cheveux blond platine, un visage balafré et une mâchoire carrée. Deux yeux d'un bleu glacial le fixaient avec haine.

‒ Lychnis ! Qu'est-ce que tu fais parmi eux ? sécria-t-il.

‒ Je suis du bon côté de la barrière maintenant, affirma le jeune homme. La méga corporation m'a ouvert les yeux.

Loxias se mit à trembler. Son ami devait avoir subi un lavage de cerveau pour qu'il se retourne contre les siens ! Il fronça les sourcils. Plutôt que de le laisser moisir en prison, la SI avait décidé d'en faire une arme. Comment pouvait-il le sortir de là ?

‒ C'est moi qui ai dit au directeur de Blue Mountain de demander à ce qu'on l'escorte jusqu'à ses bureaux, reprit Lychnis. Je savais que vous essayerez de le capturer pour me faire sortir de prison.

Le voleur serra les poings en pensant à ce qu'il avait dû subir. Lychnis avait encore certains souvenirs de son passé avec les nightbreed. Peut-être qu'ils pourraient le faire revenir à son état normal...

‒ Je sais ce que tu penses, Loxias, fit-il. Je ne partirais jamais avec vous ! Mets-toi ça bien dans la tête ! Je suis un officier de la Milice, à présent.

‒ Je te sauverais, cria le jeune homme en réponse. Même si je dois te tuer, je te jure que tu ne resteras pas à la solde de la méga corp !

Lychnis coinça son casque sous son bras et eut un sourire moqueur.

‒ Tu te crois en position de débiter des âneries ? Je te rappelle que nous la retenons, dit-il en désignant Silena.

Cette dernière laissa échapper un petit rire.

‒ Tu oublies que nous sommes les nightbreed ! s'exclama-t-elle. Nous avons toujours un plan de secours au cas où les choses tournent mal. Et nous avons placé une bombe dans le vaisseau. Si tu ne nous laisses pas partir, nous faisons sauter ce putain de cargo et nous avec !

Myosotis, toujours debout sur son overboard, brandit sous leurs yeux un détonateur.

Lychnis serra les dents.

‒ C'est du bluff, lança-t-il.

‒ Libre à toi de tenter ta chance, le prévint l'ancienne militaire en agitant le petit objet.

‒ Très bien. Libérez-là, enjoignit-il à ses compagnons.

Les soldats lâchèrent Silena, qui bondit en avant. Myosotis envoya le détonateur à Lychnis, qui l'attrapa au vol.

‒ On se barre, cria Loxias.

‒ Poursuivez-les !

Ils s'élancèrent dans les airs et prirent la fuite. Les militaires allumèrent leurs jetpacks et se lancèrent à leur poursuite. Jetant un œil en arrière, Loxias sortit de sa poche un second détonateur et pressa le bouton.

L'avant du vaisseau explosa en une grande déflagration. Un nuage de flammes et de débris incandescents s'abattît sur les deux camps, semant la confusion. Ils en profitèrent pour filer.

Le brasier des étoiles [EN RÉÉCRITURE]Où les histoires vivent. Découvrez maintenant