Chapitre 25 : Nos saisons ensemble

7 2 0
                                    

Ils finirent par se relever et poursuivirent leur chemin en montant au Niveau 10. Myosotis et Loxias flânèrent un moment entre les étals, main dans la main. Au contact de sa peau, la jeune femme sentait une douce chaleur se diffuser dans son corps et observait le marché pour ne pas croiser le regard du voleur.

Ici, une femme vendait des fleurs en pot de mille couleurs et odeurs. Là-bas, un marchand agitait des cornets de frites. Des effluves dhuile de friture parvenaient à leurs narines. Un homme hélait les passants depuis son kiosque et leur proposait des hologrammes avec les nouvelles du jour ou bien des billets pour le prochain concert de la chanteuse Astella. Un écran dévoilait les élus qui partiraient à la conquête de Vénus. Non on loin de là, leurs visages luisaient doucement sur les avis de recherche.

Soudain, la pluie se mit à tomber. Une goutte, puis deux, puis trois. Myosotis leva la tête, laissant les larmes du ciel lui rafraîchir le visage. Elles coulèrent le long de ses joues, et finirent leur course aux commissures de ses lèvres. Elle apprécia leur goût un peu acre. Une cyber-moto passa, projetant un jet d'eau qui les éclaboussa entièrement. Ils poussèrent un même cri de surprise.

La jeune femme soupira. Elle était trempée. Ecartant les bras, elle se mit tournoyer sous l'averse, exécutant des mouvements rapides des bras et des jambes. Tout son corps ondoyait au rythme dune mélodie quelle était la seule à entendre. Son monde se changea en un tourbillon de couleurs, de sons et d'odeurs, alors elle se focalisa sur Loxias pour ne pas avoir le vertige. Puis, voyant qu'ils commençaient à attirer l'attention, elle bondit dans une flaque à pieds joints, aspergeant son ami avec malice.

‒ Hé ! s'exclama-t-il.

Elle détala, riant à gorge déployée, et il lui courut après. A cet instant, elle ne se souciait plus de rien.

Frigorifiés, trempés de la tête au pied, ils se réfugièrent sous les halles du marché.

Tandis que la pluie résonnait sur leur abri de fortune, Myosotis s'approcha d'un étalage qui exposait des pierres semi-précieuses et autres bijoux de pacotille. Un petit objet attira son attention : il s'agissait d'un coquillage large de couleur crème, aux rainures dorées. Elle le caressa du bout des doigts.

‒ Tu te souviens quand nous allions à la salle de réalité virtuelle ? dit-elle à Loxias. La vie était si simple, à l'époque. Je me souviens que tu adorais le décor maritime, il t'apaisait.

‒ Toi, c'était les cratères de la Lune que tu préférais, lui répondit-il avec un sourire.

Elle émit un petit rire. Il n'avait jamais compris ce qui l'attirait sur ce satellite inhospitalier et couvert de poussière.

Une vendeuse aux cheveux grisonnants plutôt costaude s'avança vers les deux compagnons.

‒ Ce coquillage vous intéresse, les amoureux ? lança-t-elle.

La jeune femme rougit et détourna la tête. La commerçante s'approcha deux pour les dévisager et elle fit un pas en arrière, effrayée. Ils s'amusaient et avaient relâché leur vigilance.

‒ Ça alors, fit-elle. Loxias, cela faisait un bon bout de temps que je ne t'avais pas vu dans les parages.

‒ Bonjour Nerissa, s'écria-t-il.

Elle se tourna vers la jeune femme.

‒ Et elle, ça doit être la petite Myosotis, déclara-t-elle. J'ai entendu que tu avais quitté la Milice. Je ne crois pas à toutes ces histoires qui prétendent que vous êtes des terroristes, mais vous devriez faire plus attention. La récompense sur vos têtes est assez élevée pour faire saliver tous les chasseurs de primes du coin.

La dénommée Nerissa leur sourit et se saisit du coquillage.

‒ Jai une surprise pour vous, annonça-t-elle.

Elle ouvrit une vieille boîte en bois et en sortit de fins instruments. Se penchant sur le coquillage, elle empoigna un stylet à la pointe dorée. Quelques minutes, plus tard, elle le leur tendit.

Myosotis l'attrapa et admira le travail. Leurs noms étaient gravés dessus en lettres d'or.

‒ Merci, bredouilla-t-elle.

A côté d'elle, Loxias sortit son porte-monnaie et lui tendit une poignée de pièces. La marchande repoussa sa main.

‒ Non, non, vous ne me devez rien. Ça me fait plaisir.

Ils la remercièrent chaleureusement et s'éloignèrent. La jeune femme tendit le coquillage à son compagnon. Il l'observa un instant puis le lui rendit.

‒ Garde-le, ça te fera un souvenir.

Elle le glissa dans une poche de sa veste, pensive. A qui pourrait-elle bien le montrer ? Elle n'avait plus d'amis. Et de toute manière, elle n'avait pas besoin de ça pour se remémorer cette journée. Elle n'avait jamais possédé grande chose qui ait de la valeur à ses yeux, à part peut-être son collier.

A cet instant, elle aperçut une troupe de soldats vêtus d'uniformes militaires. Elle agrippa Loxias par le bras, et lui montra du doigt la petite unité qui patrouillait dans les rues, arrêtant des gens au passage.

Ils disparurent dans la foule, prenant garde à ne pas paraître suspects, et regagnèrent le bout de la plateforme pour descendre dans les niveaux inférieurs.

***

Assise sur le rebord de la terrasse d'une maison à moitié effondrée, au beau milieu du Niveau 0, Odessa observait les alentours. La vue s'ouvrait sur les rues sordides d'Ascian. Des corbeaux volaient sur les fils électriques qui serpentaient entre les habitations. Des enfants jouaient avec un ballon crevé sur un chemin terreux.

Une petite radio diffusait une chanson triste qui lui rappelait Meri. Elle ne savait pas que lorsqu'elles s'amusaient sans penser au lendemain, elles étaient en réalité en train de construire des souvenirs. Et elle pleura en pensant aux instants qu'elles navaient jamais vécus, aux moments qui n'arriveront jamais. Aux nouvelles chansons d'Astella que Meri nécouterait jamais, à son sourire qui ne s'étirerait plus sur ses lèvres.

‒ Je veux rentrer à la maison, murmura-t-elle.

Mais elle n'avait plus de chez elle. Le vaisseau avait explosé, réduisant son monde en cendres. Elle se sentait si seule dans cet univers trop grand.

La jeune femme n'avait plus revu les nightbreed depuis quils avaient fui les révolutionnaires après la mort de Nesh. Ils l'avaient sans doute oubliée. Elle avait retrouvé la Brigade Rouge qui lui avait confié une mission cruciale et elle avait accepté. Il n'y avait pas de retour en arrière.

Un sanglot s'étouffa dans la gorge. Il y avait une part d'elle qui était enterrée avec Meri, morte à tout jamais. Mais elle vivrait dans sa mémoire et dans son cœur pour toujours. Ne vieillissant pas. Ne changeant pas. Ne revenant jamais à la maison. Pour toujours dans les étoiles. Elle était amoureuse d'un fantôme.

Odessa sortit le billet froissé de sa poche. Il ne servait plus rien maintenant que Meri s'était envolée pour d'autres horizons. Elle réalisa que de toute manière, la mercenaire naurait jamais voulu s'exiler sur une lointaine planète, à l'air toxique et au climat bien trop chaud, confinée dans des bâtiments et engoncée dans des inconfortables combinaisons spatiales. Elle ne l'aurait pas non plus abandonnée derrière elle. Leur vie était certes difficile, mais elles étaient ensemble, et c'était tout ce quil comptait. Bien que la voleuse n'ait pas regardé les résultats du tirage, elle se doutait que la méga corporation avait dû trafiquer la loterie. Elle avait été bien naïve.

Elle se surprit à regretter ces temps où elle était encore innocente et confiante.

Dans le crépuscule candide, le soleil saignait au rythme de sa longue agonie spectrale. Les feuilles des rares arbres viraient déjà au pourpre.

Odessa aimait l'automne. Cétait une belle saison car il s'agissait du moment où la nature s'enflammait dans un dernier balai mortel.

‒ Oh Meri, je mènerai l'automne jusqu'à toi. Je ferais un feu si grand qu'octobre s'envolera vers l'au-delà !

Vous avez atteint le dernier des chapitres publiés.

⏰ Dernière mise à jour : Feb 19 ⏰

Ajoutez cette histoire à votre Bibliothèque pour être informé des nouveaux chapitres !

Le brasier des étoiles [EN RÉÉCRITURE]Où les histoires vivent. Découvrez maintenant