Chapitre 13 : L'œil de l'araignée

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Myosotis lâcha l'organe lacéré ainsi que le gant, puis s'essuya le front, y laissant une trainée de sang. Tâchant de reprendre son souffle, elle se tourna vers Odessa.

‒ Bien joué, bougonna-t-elle.

La voleuse se mit péniblement debout.

‒ Cest toi qui as fait presque tout le travail. Maintenant, nous devons partir, et vite.

La jeune femme fit volte-face pour observer les statues gelées des gardes du corps de l'administrateur.

‒ Maintenant que l'arcaniste est morte, ils vont peut-être sortir de leur prison de glace, reprit-elle. Enfin, s'ils sont toujours vivants.

C'est alors que la militaire sentit quelque chose passer au-dessus de sa tête. Odessa poussa un cri.

‒ Là-haut !

Lhomme-insecte bondit du plafond et happa sa jambe gauche. Myosotis laissa échapper un gémissement de douleur. Il enfonça ses mandibules dans sa peau, faisant couler le sang. Mais la capitaine, épuisée par les combats, était trop affaiblie pour résister. Elle avait baissé sa garde, et voilà qu'elle le payait cher. Elle aurait dû se douter que l'homme n'avait pas seulement la capacité de monter aux murs, mais aussi l'incroyable résistance des insectes. Le poison s'infiltra lentement dans ses veines, et elle se sentit sombrer dans un doux sommeil. Elle lutta pour ne pas fermer les yeux, car elle savait qu'elle ne se relèverait plus jamais.

Soudain, quelque chose frôla sa jambe nue. Loxias, affalé derrière un pilier, tirait avec un pistolet à fléchettes pour tenter de l'aider. Malheureusement, il était mauvais tireur. Lhomme-insecte resserra sa prise. Elle se mordit la langue pour ne pas crier. Les tirs du jeune homme finirent par faire mouche, le touchant en pleine tête. Odessa se baissa et tira sur les mandibules en grimaçant de dégoût. Elle finit par réussir à dégager la jambe de Myosotis, qui s'écroula d'un coup.

Loxias se précipita vers elle et la secoua.

‒ Hé, Myo, réveilles-toi ! la supplia-t-il.

La rousse le repoussa.

‒ Laisse, je m'en occupe !

Puisant dans ses dernières forces, elle lui envoya une violente gifle. La capitaine ouvrit les yeux et fronça les sourcils en apercevant Loxias penché sur elle.

‒ Rappelle-moi ton nom ?

Il eut un mouvement de recul.

‒ Voyons Myo, ça fait plus de dix ans qu'on se connaît ! s'exclama-t-il.

‒ Alors comme ça, je m'appelle Myo, murmura-t-elle en passant une main sur son visage.

Loxias se tourna vers la voleuse.

‒ Tu es sûre que tu ne l'as pas frappée trop fort ? s'enquit-il.

Elle secoua la tête.

‒ Non, je pense qu'il doit s'agir d'un pouvoir qui s'active après la mort, répondit-elle, pensive. Peut-être celui du chef des mercenaires.

‒ Quoi qu'il en soit, nous devons quitter cet endroit, décida Loxias. Je connais un homme qui pourra nous soigner.

Il passa son épaule sous le bras de Myosotis pour l'aider à se relever. Odessa désigna la militaire.

‒ Tu es bien certain de vouloir l'aider ? Elle t'a poignardé, après tout !

‒ Je refuse de la laisser derrière nous ! s'emporta le jeune homme. Elle nous a sauvé la vie !

‒ Très bien, c'était juste une question ! rétorqua la rousse.

Ils s'extirpèrent tant bien que mal du parking surélevé. Un ronronnement de moteur résonna au loin. Ils se mirent à courir dans les rues de Neo Paris, puis s'élancèrent sur la plateforme, descendant les marches à toute vitesse pour atteindre les niveaux inférieurs où ils pourraient se cacher.

‒ Pas si vite ! piailla une voix.

Le petit groupe s'arrêta, figé par la peur. Ils se retournèrent lentement et firent face à l'administrateur Dravier, qui pointait une fusil-requin dans leur direction.

‒ Vous allez vous rendre sans opposer de résistance, sinon...

Le vrombissement des moteurs des soldats de la Milice bourdonnait dans leurs oreilles. Ils seraient là d'un instant à l'autre. Loxias jeta un œil à Myosotis. Elle tenait à peine debout, et Odessa n'était pas en meilleur état. Elles ne pourraient jamais se battre. Il serra les dents. Si seulement il n'était pas blessé lui aussi, il aurait pu tenter quelque chose ! Mais c'était sans espoir.

‒ Partez, bredouilla la jeune femme rousse en essuyant une goutte de sang qui perlait sur sa lèvre inférieure. Je vais essayer de le retenir avec mes illusions.

‒ Mais tu nes plus en état de te servir de ton pouvoir ! s'opposa Loxias.

Elle le repoussa avec plus de force qu'il ne l'en aurait cru capable.

‒ Partez, je vous dis !

Jetant un dernier regard en arrière, le voleur dévala les marches qui menaient à la basse-ville. Il entendit plusieurs coups de feu, puis plus rien. Même si la rousse les avait vendus à la Brigade, prenant Nesh en otage, il admirait son courage. Il pria pour qu'il ne lui soit rien arrivé.

Niveau 13. Il voyait les vaisseaux des privilégiés raser les bâtiments à vive allure, brassant l'air et ébouriffant ses cheveux. Vêtus de sublimes vêtements, ils se pressaient devant les clubs ou les holo-cinémas en s'abritant sous de larges drones-parapluie. Loxias passa sans s'arrêter devant ce monde rempli de faste.

Niveau 10. Le marché nocturne grouillait de monde. Ici, dans la ville qui ne dormait jamais, il n'était pas rare que les boutiques et échoppes restent ouvertes toute la nuit, proposant des marchandises raffinées ou des services recherchés. La pluie dégoulinait le long des tentes et des toiles tirées au-dessus des étals, coulant le long des rues.

Niveau 9. Les frontières de Neo Paris, avec ses bâtiments simples et ses immeubles aussi gris que le ciel. Cétait là que Myosotis avait grandi. Mais ils n'avaient pas le temps de sarrêter.

Niveau 6. Les habitations étaient de plus en plus humbles. Les asciens, pour la plupart des travailleurs pauvres, vivaient entassés dans leurs minuscules appartements. Le jeune homme entendit une femme le héler, proposant des tatouages mouvants bon marché. Il ne tourna pas la tête, et l'orage qui grondait couvrit sa voix.

Niveau 3. La vue de Loxias s'assombrit, laissant place à un brouillard de néons tremblotants. La pluie se fit plus forte, fouettant son visage, trempant ses cheveux.

Niveau 2. Des taches noires constellaient son champ de vision. La militaire pesait lourd sur son épaule, mais il ne la lâcha pas. Ses vêtements humides collaient à sa peau.

Niveau 1. Chaque pas envoyait une flèche de douleur dans son corps. Il était presque arrivé au Niveau 0, dans les entrailles de la basse-ville. Les badauds encapuchonnés qui erraient entre les hangars délabrés le dévisageaient, mais aucun ne s'approcha deux.

Soudain, deux silhouettes bondirent devant eux. Ils se stoppèrent net. Le voleur plissa les yeux pour les reconnaître, priant pour qu'il ne s'agisse pas d'ennemis.

‒ Vous voilà ! s'écria une voix féminine.

Loxias perçut le timbre dOdessa. Elle avait dû s'en tirer.

‒ Cet homme m'a aidée en attaquant l'administrateur par-derrière, reprit-elle.

‒ Je vois que je vous ai encore tirés d'une mauvaise passe, déclara leur sauveur.

‒ Professeur ! s'égosilla le jeune homme, soulagé.

‒ Vous le connaissez ? s'étonna Odessa.

‒ Oui, fit Loxias tandis que la pluie battait à ses oreilles, c'est l'homme dont je vous parlais tout à l'heure. C'est un vieil ami.

Le brasier des étoiles [EN RÉÉCRITURE]Où les histoires vivent. Découvrez maintenant