Chapitre 16 : Le serpent parmi nous

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Il y avait fort longtemps que le petit groupe ne s'était pas réuni au Red Moon Pub, sous la lumière tremblotante des néons. Mais Myosotis jugeait que c'était le dernier endroit sûr qu'il leur restait.

‒ Alors, de quoi tu voulais nous parler ? la pressa Nero, trépignant d'excitation.

Il se tut en voyant sa mine grave.

‒ Tu es bizarre depuis ta dernière permission, remarqua Carter en glissant un bras dans le dos de la capitaine. Est-ce que tu vas nous raconter ce qu'il s'est passé ?

Un silence se fit autour de la petite table un peu à l'écart. Derrière eux, des habitués bavardaient avec une serveuse, les entourant d'un pas bruit de voix étouffées.

‒ Je me suis introduite dans les bureaux de la SI, s'exclama d'un coup la capitaine.

‒ Quoi ?! s'écrièrent à l'unisson les membres du petit groupe, à l'exception de Venatrix, qui garda un visage calme.

‒ Calmez-vous, elle plaisante sûrement, lança cette dernière à la cantonade.

‒ Non Venatrix, ce n'était pas une plaisanterie, la détrompa Myosotis. Je... J'ai découvert des secrets jalousement gardés par la méga corp...

Carter tapa du poing sur la table, faisant trembler leurs verres. Plusieurs clients se retournèrent, captivés par la scène.

‒ Mysti, tu vas trop loin ! chuchota-t-il furieusement en foudroyant les curieux du regard. Tu as ordre de capturer les terroristes par n'importe quels moyens, et tu te laisses séduire par leurs idées ?

‒ Mais écoute, Carter, ce n'est pas ce que tu crois...

A ce moment-là, Kitaro se leva.

‒ J'en ai assez entendu, cracha-t-il. Je suis loyal à la méga corporation, et je continuerais de t'obéir aussi longtemps que tu seras dans la Milice. Mais là, ça ne me regarde pas.

Il fit volte-face et sortit de la taverne.

‒ Je suis d'accord avec lui, renchérit Venatrix. Tu t'aventures sur un chemin dangereux.

Pourtant, elle ne fit pas un mouvement pour se lever. La capitaine soupira, et leur fit le récit de ce qu'elle avait découvert. Puis, elle se tourna vers Nero. Le jeune homme, né dans une petite ville industrielle de la Zone, avait rejoint la Milice pour la changer de l'intérieur. Ce qu'elle venait de dire risquait de bouleverser sa vision du monde. Peut-on à ce point chercher à sauver un navire en flammes ? Peut-on vouloir se jeter dans le nid de serpents pour les vaincre ?

‒ Nero, je...

‒ Je sais ce que tu t'apprêtes à dire, la coupa-t-il. Mais ça ne change rien pour moi. Je monterais en grade et ferais évoluer les choses. Les grands changements ne se font pas dans la violence et la rapidité, mais petit à petit dans l'ordre et la loi.

Myosotis hocha la tête. Elle espérait que son rêve ne resterait pas qu'une chimère, une vaine utopie.

***

Les mains pressées contre son visage, accroupi dans une ruelle pour fuir les révolutionnaires, Loxias poussa un cri de douleur. Il ne cessait de voir son amie, encore et encore. Elle hantait ses visions embrumées par l'Arcanum. Un spasme le secoua. Le jeune homme se roula au sol, trop souffrant pour se soucier de quoi que ce soit, et se mordit la langue pour ne pas crier. Un gout métallique envahit sa bouche. Les graviers s'enfoncèrent dans sa peau, mais il ne s'en soucia pas. Il ne voulait pas mourir, pas comme ça, pas tout seul. Malgré l'air tiède, il grelottait de froid.

Mais il y avait bien pire. Dans ses hallucinations, ses mains étaient maculées d'un liquide rouge et visqueux. Le sang collait sous ses ongles, coulait le long de ses doigts, tachant ses manches. Il y en avait trop, beaucoup trop. Il laissa échapper un nouveau hurlement. Qui avait-il tué ? Pouvait-il seulement se soustraire à son destin ?

Son nouveau pouvoir lui semblait n'être qu'une terrible malédiction.

***

Une sonnerie retentit dans la tête du colonel. Il soupira, leva la tête de son écran et décrocha, s'enfonçant dans sa chaise. Cela devait être une communication urgente pour qu'on vienne le déranger ainsi. Le numéro de la puce qui l'appelait ne s'affichait pas dans son esprit, ce qui était inhabituel.

‒ Allo ? Est-ce que je suis bien en contact avec le colonel Adder, de la Milice de Neo Paris ? s'écria une voix inconnue.

‒ En effet, répondit le militaire. Qui êtes-vous et que désirez-vous ?

‒ On ne nomme l'Informateur, reprit la voix. J'ai des informations pressantes à vous transmettre. Cela concerne la Brigade Rouge.

Le colonel sursauta. Une source anonyme avait réussi à pénétrer le système et à trouver son numéro de puce d'identification. Est-ce qu'il s'agissait encore d'un piège, comme lors de l'attentat Almas, ou était-ce réellement un ennemi des révolutionnaires qui le contactait ?

‒ Je vous écoute, balbutia-t-il.

‒ Les terroristes ont prévu de s'infiltrer dans l'Institut Aton demain soir. Ils cherchent à dérober des tableaux afin de les revendre pour s'acquitter de leurs dettes.

Le haut gradé déglutit.

‒ Très bien, j'enverrai une patrouille.

‒ Une dernière chose. La Brigade Rouge s'est alliée avec un petit groupe de voleurs, les nightbreed. Ils ont été contraints de travailler avec les terroristes. Je vous demande de tous les épargner.

La voix s'interrompît.

‒ Je compte sur vous, insista-t-elle.

Le colonel fronça les sourcils. Pour qui se prenait cet Informateur ? Est-ce qu'il faisait partie de ces criminels, les nightbreed, pour vouloir les sauver ainsi ?

Il appela le lieutenant Bold et lui fit un bref récit des évènements.

‒ Convoquez-moi un technicien spécialisé en puce de communication, ordonna-t-il. Je veux découvrir qui se cache derrière cet Informateur.

En réalité, le colonel savait que la procédure allait sûrement échouer. Si la puce avait été greffée clandestinement sur un criminel du Niveau 0, il y avait peu de chance qu'elle soit recensée. Mais il devait à tout prix éviter une nouvelle tragédie.

Le brasier des étoiles [EN RÉÉCRITURE]Où les histoires vivent. Découvrez maintenant