Chapitre 23 : Mourir avec des souvenirs

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Silena envoya son poing dans le mur. Des échardes et de la sciure volèrent dans tous les sens. Une trace d'impact se dessinait dans le bois de la cloison.

‒ Putain, c'est pas possible ! cria-t-elle.

Ses compagnons étaient assis derrière elle, dans le grenier d'une masure où ils s'étaient réfugiés. La tête appuyée sur sa main, Loxias réfléchissait aux évènements de la nuit. Comment avait-il pu être aveugle à ce point ? Dans sa vision, le visage de Lychnis n'était pas déformé par la douleur, mais par la haine ! Il soupira et se leva.

‒ J'arrive pas à y croire, reprit la transmutée. Qu'est que deviennent les nightbreed ? On a un mort, un mec à la solde de la SI et un traître !

‒ Timber n'est pas un traître, objecta Loxias. Je pense vraiment qu'il voulait vendre la Brigade Rouge en échange de notre salut. Il n'a jamais accepté qu'on s'allie à eux.

‒ Pense ce que tu veux de ce connard. S'il avait une once d'intelligence, il aurait su que la méga corp ne tiendrait jamais sa promesse.

Le jeune homme renonça à argumenter. Silena était sous le choc d'apprendre que Lychnis, qui était comme leur frère, avait rejoint les rangs de la Milice. Sans compter la disparition du petit hacker qui restait présente dans leurs esprits.

‒ De toute façon, intervint Acheron, on peut maintenant arrêter de travailler pour les révolutionnaires. Nesh est mort, ils n'ont plus aucun moyen de pression sur nous.

‒ Il faudra juste éviter de les croiser, ajouta Loxias.

‒ Si seulement j'avais su plus tôt que vous ne travailliez pas volontairement pour les terroristes, ça aurait tout changé, murmura Myosotis.

‒ On ne peut pas changer le passé, dit le voleur en se levant.

Il ouvrit la trappe qui menait à la salle principale de leur pauvre chaumière et commença à descendre les marches de l'échelle.

‒ Vous m'excuserez un instant, déclara-t-il.

Silena soupira et se laissa glisser à terre. Elle sortit ensuite un paquet de cigarettes de sa poche.

Arrivé en bas de l'échelle, Loxias jeta un œil aux alentours. Il se trouvait dans une maison en ruines au beau milieu de la basse-ville, pas très loin de la décharge. Le sol et les meubles étaient couverts d'une épaisse couche de poussière. Avec regret, il songea qu'ils avaient dû abandonner leur repère car Lychnis connaissait sa position. Ainsi que Timber, bien quil ne sache pas ce qu'il est advenu de lui. Il se demanda pourquoi le transmuté n'avait pas vendu la mèche avant. Il avait sans doute préféré les surprendre lors d'une mission. Malheureusement pour lui, les nightbreed avaient contrecarré ses plans, et le directeur de la prison était sans doute à l'hôpital dans un état critique.

Le voleur poussa la porte fissurée et sortit à l'extérieur. Il vit une ombre disparaître brusquement, comme si quelqu'un les épiait, mais il s'agissait sûrement que d'une illusion. Le soleil venait à peine de se lever, nimbant Ascian et ses environs d'une lueur dorée. Il se dirigea dans une allée obscure où traînaient des déchets. Un bidon d'essence se vidait lentement sur le sol. Il glissa sa main dans sa poche et en sortit la fiole d'Arcanum vide. Il la jeta à terre et la piétina.

Rebroussant chemin, il fut pris d'une violente quinte de toux. Crachant ses poumons, il mit sa main devant sa bouche. Quand il la retira, il vit qu'elle était maculée de sang.

Sa perception devint floue, et il s'écroula. Le jeune homme rampa avec difficulté et parvint à s'asseoir dos contre un mur. Il prit de grandes inspirations, appuyant sur sa poitrine, cherchant désespérément de l'air.

‒ Loxias, est-ce que ça va ?

Il tourna brusquement la tête en direction de la voix, confus.

‒ Myo ? balbutia-t-il.

‒ Tu ne revenais pas, alors je suis venue voir ce que tu faisais. C'est là que je t'ai entendu tousser, expliqua la jeune femme.

‒ C'est rien, mentit-il en essuyant sa main sur son pantalon. Je voulais juste prendre l'air.

Son amie le regarda d'un air dubitatif et l'aida à se relever.

‒ Je suis désolée, souffla-t-elle. Je ne savais pas que l'Arcanum aurait un tel contrecoup sur toi. Ce produit te détruit littéralement le corps...

‒ Ce n'est pas ta faute, soupira-t-il. Si les choses avaient vraiment mal tourné, je serais mort cette nuit-là, sur le toit.

‒ Mais...

‒ Je le referais mille fois ! s'écria-t-il. Je pense que mon pouvoir est né de mon désir de voir l'avenir... pour pouvoir sauver les nightbreed. Peu m'importait la maladie ou l'addiction. Je sais que nous sommes déjà tous condamnés à cause de la pollution qui ronge nos corps... Je voulais mourir avec des souvenirs, et non pas des rêves...

Ses épaules retombèrent et il se mit à fixer le sol du regard. Il ne voulait pas qu'elle le prenne pour un faible.

‒ Je voulais juste offrir un semblant de vie confortable au gang... et vivre des aventures avec eux. Malheureusement, les révolutionnaires sont arrivés, et puis...

Il n'acheva pas sa phrase.

‒ Je sais que ça n'a pas dû être facile, déclara Myosotis.

Elle marqua une pause.

‒ J'ai entendu parler d'une organisation secrète qui lutte en secret contre la méga corp. Il paraît qu'ils ont infiltré la SI. Nous devrions chercher à les contacter. Je connais quelqu'un qui pourrait être lié à eux.

Tout à coup, elle sursauta.

‒ Tiens, tu as vu ça ?

Loxias releva la tête. De l'autre côté de la rue, devant la façade d'une taverne, brillaient des hologrammes à leur image. Leurs visages, reproduits par des intelligences artificielles, affichaient des sourires cruels. Ils se regardèrent et éclatèrent de rire.

‒ Regarde l'expression qu'ils m'ont donnée ! s'amusa la jeune femme. Et toi, ils tont fait les yeux beaucoup trop écartés ! Oh, et ce menton !

‒ Avec ça, on ne risque pas d'être reconnus, remarqua le voleur.

Un nouvel éclat de rire les secoua, résonnant dans la petite ruelle. Pour la première fois depuis longtemps, Myosotis s'amusait.

Le brasier des étoiles [EN RÉÉCRITURE]Où les histoires vivent. Découvrez maintenant