CHAPITRE 74 | Je souhaite...

49 6 5
                                    




- Chapitre 74 -


JE SOUHAITE...


Jakes se tenait en haut des escaliers qui dominaient le grand salon, songeur. Ses mains serraient la balustrade à l'entrée du couloir tandis qu'il observait les hommes en contrebas. Le baron aux cheveux blancs avait commandé un piano à queue magnifique pour le bal de Noël.

Deux livreurs, vêtus plus sobrement que les domestiques du vieillard, étaient en train de manœuvrer l'instrument massif à travers la pièce.

Le sniper, d'ordinaire indifférent à ce genre de préparatifs, avait l'air absorbé par cette scène. La présence du piano semblait réveiller en lui des souvenirs enfouis.


- Ici, ce sera parfait ! s'exclama Vignolle avec enthousiasme.


Des images du Levi qu'il avait connu au XXIe siècle remontèrent à la surface.

Il le revoyait, chantant dans la salle du studio Ele'ns. Il le revoyait, assis devant son piano, ses doigts glissant habilement sur les touches.

Jakes se souvenait de chaque détail, pour avoir observé le brun jouer un certain nombre de fois à son insu. L'Ackerman qu'il avait côtoyé à cette époque était bien différent de l'homme monotone qu'il connaissait aujourd'hui.

Mais le manipulateur, loin d'être mélancolique à cause de cette perte tragique, était méfiant.

Il redoutait que le piano ne ravive chez l'ancien caporal une étincelle de vie, un besoin de retrouver sa liberté, une envie d'être autre chose qu'un militaire. Sa léthargie l'horripilait parfois, mais il la préférait à la possibilité qu'il ne lui échappe.


- Stop, c'est bon !


Jakes posa sa joue contre son poing en levant les yeux au ciel. Le piano venait d'être posé au fond de la pièce, sur une immense marche de marbre semblable à une estrade.

Sans savoir pourquoi, il se remémora un jour précis du passé, celui où il avait écouté Levi jouer Red Swan derrière une porte entrebâillée.

Ce matin-là, le manipulateur avait consigné dans son carnet toutes ses impressions. Il avait écrit que l'artiste lui avait semblé particulièrement serein en composant, ce qui l'avait intrigué.

C'était le jour où Levi et Erwin avaient prévu de se retrouver au Solstice, rendez-vous que le brun n'avait jamais honoré à cause du thé à l'arsenic que Jakes lui avait servi.

L'homme aux mèches châtains se souvenait avoir noirci des pages entières de son journal après avoir vu l'expression de Levi lorsqu'il avait aperçu Erwin sortir du café avec Gisèle. Un mélange de désespoir et de stupéfaction.


- Merci, merci infiniment, répéta le baron en serrant tour à tour la main des livreurs.

Les Vestiges du Passé [Eruri]Où les histoires vivent. Découvrez maintenant