Chapitre 5

15 2 0
                                        

L'air était chargé de tension alors que nous traversions le portail, pénétrant dans un monde qui, pour l'instant, semblait calme. La lumière du jour baignait le paysage d'une teinte éthérée, et l'absence de créatures hostiles nous offrait enfin un répit.

Sophia ajusta son arc, scrutant les environs. "On dirait que Maxwell nous a envoyés dans un coin tranquille pour une fois." J'ai eu beau chercher le coin tranquille dans mes poches, tout ce que j'ai trouvé, c'était un vieux chewing-gum. Je l’ai gardé au cas où la situation deviendrait trop stressante et que j'aurais besoin d'une pause sucrée.

Un sourire étira les lèvres d'Alexandre, arme à feu à portée de main, un outil qu'il n'avait jamais utilisé et n'avait aucune intention de dégainer. "Je ne vais pas m'en plaindre. Peut-être que pour une fois, on n'aura pas à affronter des monstres géants."

Je hochai la tête, partageant leur sentiment de soulagement temporaire. “ Mais de toute façon, ils n’ont rien de monstrueux, n’est-ce pas”.

Nous marchions à travers des paysages silencieux, presque désertiques, des arbres dépourvus de feuilles, une atmosphère presque figée. C'était comme une oasis, une trêve dans la guerre que se livraient ces différents mondes.

Pourtant, la quiétude apparente fut brusquement interrompue. Le sol commença à trembler, des fissures s'ouvrirent dans la terre, et un rugissement sourd emplit l'air. Nous étions pris au piège dans une tempête de terre.

Des pensées tumultueuses tourbillonnaient dans mon esprit, luttant contre le rugissement du vent. J’aurais voulu leur crier de se mettre à l’abri mais la terreur me figeait, nous n’avions suivi aucune formation suite à notre engagement. Alexandre est techniquement encore étudiant et moi jusqu’au basculement j’étais en formation pour devenir pilote mais avec des portes qui virevoltent dans tous les sens et vous envoient dans une autre dimension, l’aviation n’est plus vraiment recommandée.

Les secousses s'ajoutèrent aux tourbillons de poussière, nous enveloppant dans un nuage opaque. Des rochers se détachaient des parois menaçant de nous écraser. Nous étions tous désarmés face à cette nature déchaînée.

"Trouvons un abri !" ordonna Sophia, sa voix étouffée par la poussière.

Nous courûmes, cherchant désespérément un refuge. Les rochers tombaient comme une pluie destructrice, et chaque pas devenait un défi dans ce chaos tourbillonnant.

Soudain, une silhouette massive émergea de la poussière. Un énorme rocher, déséquilibré par les secousses, roulait dangereusement vers nous.

"Attention !" hurla Sophia en nous tirant vers le sol.

Le rocher passa au-dessus de nous, manquant de justesse de nous écraser. La tempête continuait de faire rage, mais cette fois, la menace ne venait pas de créatures, mais de la nature elle-même.

Accroupis derrière un amas de rochers, mais la tempête refusait de se calmer. Les éléments étaient déchaînés, des rochers dégringolaient de toutes parts, chaque seconde était cruciale. Sophia cria quelque chose, mais le rugissement du vent dévorait ses mots. Un rocher, plus imposant que les autres, roulait vers nous à une vitesse effrayante. La terreur m'envahit alors que je réalisai qu'aucun abri ne nous protégerait cette fois-ci.

"Écartez-vous !" hurlai-je, mais le grondement de la tempête étouffa mes paroles.

J’en profitais alors pour lancer une des nouvelles armes fournies par Maxwell, une grenade pour nous épargner l’écrasement, mais pas les multiples débris de roches ni la puissance de la détonation qui nous souffla dans des directions opposées. Mais à travers la poussière, je ne les voyais plus.

Malheureusement, la tempête persistait, les éléments semblaient vouloir nous anéantir. Et ils auraient réussi sans une main forte qui saisit mon bras. C'était Alexandre, le visage marqué par la détermination. Malgré la tempête en furie, il parvint à crier quelque chose que je ne pouvais entendre. Il pointa derrière moi, signalant un danger imminent. Je me retournai pour voir une tornade qui arrivait, et ne présageait rien de bon, les arbres alentour étaient déjà fragilisés par les éboulements de la falaise, des vents plus puissants ne pouvaient signifier que notre perte.

Nous avons donc essayé de courir aussi vite que possible, en espérant ne pas avoir été trop déboussolés, dans la direction supposée de la porte. La violence des vents nous frappait de plein fouet, les débris volaient, on devait être dans un sale état.  Même dans ces mondes en apparence calmes, le danger pouvait surgir de n'importe où. Tout autour de moi, des cailloux qui virevoltant, des branches qui nous aggripaient, des poussières qui nous brûlaient, et parmi tout ça, pas un seul bouton "arrêter la tempête" de disponible. Foutu monde.

A mesure que l’on s’approchait de notre seule chance de survie, je ne sais pas si c’est à cause de l’adrénaline ou des poussières qui obstruaient ma vue, mais j’avais l'impression que notre chemin se resserrait, qu’il était de plus en plus étroit. Nous étions déjà engagés quand je compris ce dont il retournait. Les arbres dont nous craignions tant les chutes, formaient une allée vers notre porte, en fait c’était plus un tunnel. Ces arbres se déplaçaient, et ils nous protégeaient du vent et des débris, grâce à leurs feuillages qui se développaient sous nos yeux. Nous avons profité pour ne surtout pas ralentir, en les remerciant silencieusement.

Jamais les choses ne sont comme nous l’espérons. Ce tunnel s’épaissit, vite, très vite, puis devint un buisson de ronces, et il devenait de plus en plus difficile d’avancer. Surtout pour Sophia même si elle ne voulait pas le montrer. Nous étions pris au piège par ces arbres qui nous protégeaient des vents, l’instant d’avant. Si les explorations m’ont appris une chose, c’est que l’avenir est inconnu mais que l’inconnu nous permet rarement de survivre.

J’essayais d’aider Sophia qui boitait encore un peu, en essayant de ne pas entendre ces commentaires. Mais au fond, elle cherchait juste à cacher sa nervosité. J’avais du mal à voir Alexandre qui pourtant était seulement 3 pas devant nous la seconde précédente, en train de nous couper un semblant de passage.

Je devinais malgré tout la lueur blanchâtre de la porte au travers des feuillages qui nous engloutissaient un peu plus chaque seconde. A chaque pas, nous sentions l’étau se resserrer, nous comprimer, et notre vue s'obscurcir. Nous étions dans l’antre maléfique d’un arbre doué de conscience. Plus effrayant que de voir Maxwell un lundi matin. On ne connait pas ce monde, mais on est pris au piège. Je ne sais pas comment l’arbre va nous tuer, je sais juste qu’il le peut. Et je manque d’air. Peur. J’ai dû mal à respirer. Je voudrais crier pour remplir mes poumons. Suffocation. Je ne vois plus rien. Je ne vois plus Alexandre. Je sens Sophia s’effondrer sur le sol, à mes côtés. Incompréhension. Je suis dans l’estomac d’un arbre qui me sauvait d’une tempête. Tout tourne et rien n’a de sens. Impuissance. Peut-être juste une illusion à cause du manque d’oxygène. Pourquoi manquerais-je d’oxygène ? Je m’effondre aussi.

Réalité, imagination, tout se mélange. Un dinosaure violet mange une pomme, c’est très poétique. Mais il a été interrompu par une forte détonation, ou un flash dans l’obscurité. Détonation. Flash. Et encore. De nouveau. Et le rythme s’accélére, mon coeur s'emballe, et tout s'arrête, d’un coup. Le vent à repris un peu et les arbres étaient toujours là. Alexandre aussi. Il venait de tirer sur les racines de l’arbre, avec une détermination que je n'avais jamais vue auparavant chez lui, pour priver la plante de ressource, et l’empêcher de nous tuer. Je ne sais pas combien de temps il lui suffira pour se remettre de cet événement mais je préfère ne pas savoir et m’en aller avant. Nous nous sommes relevés, nous avons titubé et essayé de courir avant d’atteindre enfin cette porte, la marquer et partir. Le plus vite possible. 

Alexandre nous a sauvé la vie.

DédaleOù les histoires vivent. Découvrez maintenant