Chapitre 17-1

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La journée a été épuisante. Je déteste ces grandes batailles, tuer ou mourir, ce n’est pas vraiment un credo que j’affectionne. Arracher la vie de ces monstres me dégoûte, mais nous n’avions pas d’autres solutions viables au vu des circonstances. Comment aurions-nous pu faire autrement ? Tout est allé si vite, il est impossible de prendre une décision raisonnée dans un tel chaos.

Je m’effondre alors dans mon canapé, observant la pièce autour de moi. Elle est toujours aussi vide. À quoi bon la décorer ? J'ai emménagé ici après avoir été reçu dans la formation pour devenir pilote de ligne. J’avais déjà prévu d’accrocher mon diplôme et tout un tas de cartes postales ici et là, mais le basculement est arrivé, et sans avion, difficile de piloter. Alors je suis resté ici, dans mon grand et vide appartement. Et le temps a passé, les journées s’écoulaient et j’attendais juste que le temps suive son cours. Je me suis inscrit au programme des explorateurs, par ennui principalement. Le danger, le frisson que cela procure, c’était ma deuxième source de motivation. J’avais juste envie d’un peu d’action, d’aventure. Enfin ça, c’était avant de commencer, et de comprendre les véritables enjeux de ces missions, et les raisons qui avaient poussé les autres à y prendre part. Je me suis senti ridicule. J’étais celui qui risquait sa vie pour passer le temps. 

Le téléphone se mit soudainement à sonner, me tirant de mes pensées. Je décrochais, ne reconnaissant pas immédiatement la voix de mon interlocuteur à l'autre bout du fil.

"Allo?  J'espère que je ne vous dérange pas, mais nous devons établir le rapport au plus vite, tant que nous avons encore tous les éléments en mémoire." commença la voix, qui se trouvait être celle de Clémence Delauret.

"Non, bien sûr," répondis-je, anticipant déjà le ton critique de notre conversation à venir. “Mais sache que je ne compte pas faire de rapport très complet à Maxwell, moins j’ai de connexion avec ce type et mieux je me porte. Désormais je me contente du minimum, exactement comme lui lorsqu’il nous donne des informations vitales.

"Je vois. Cependant, je veux aussi que vous compreniez tous les deux, que ce que vous avez fait aujourd’hui est impardonnable. Même sans parler du protocole, dont vous ignorez complètement l’existence, vous devez comprendre que vos actes ont des conséquences," poursuivit-elle, sa voix laissant transparaître une certaine désapprobation.

Je sais qu’elle a raison, et que nous avons agit sans réfléchir, mais je ne me crois pas capable de l’admettre, devant quiconque.

"Oui, mais je ne suis pas bien sûr que j’aie quoi que ce soit à dire. Nous avons juste attaqué, sans réaliser d’analyse de terrain, je ne vois pas ce que je pourrais écrire, à part : “Salut, j’ai massacré des créatures inoffensives parce que je n’ai pas réfléchi, bisous”. Mais plus sérieusement, j’allais m’y mettre et travailler dessus" mentis-je, sachant pertinemment que j'avais pris du retard et que je comptais le commencer demain matin, une heure avant de l’envoyer.

"Ces rapports ne servent pas à rien, c’est une trace de nos actes. Certains éléments pourraient se révéler utiles par la suite. Ils sont lus par des personnes qui ont une vision plus globale sur le déroulement des missions, et même à nous, ils nous permettent de prendre du recul pour comprendre les évènements que nous avons vécu. Ne vois pas ça comme de la simple paperasse, s’il te plaît “, elle continuait d’insister. 

"Je comprends, je te le promets. Je sais qu’on a mal géré la situation, qu’on s’est laissé emporter dans le feu de l’action, et vraiment je regrette." répondis-je, conscient de mon propre manquement.

"Bien. J’ai déjà écrit une première version, tu n’as pas besoin de faire quoi que ce soit d’autre. J’espère sincèrement que vous comprenez vos erreurs. Parceque je n’ai pas développé en détail la partie génocide", conclut-elle avant de raccrocher, sans me laisser le temps de répondre quoi que ce soit.

Clémence et Alban ont beau être des robots cachés derrière leur protocole, ce sont les personnes les plus humaines que j’ai rencontrées depuis longtemps. Je sais que je les ai jugés trop vite mais, je déteste me savoir à la botte de Maxwell, je me sens complice de sa folie meurtrière. Et quand on voit ce qui s’est passé aujourd’hui, je me dis qu’il a peut-être plus d’influence sur nous que ce que je pensais. 

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