Chapitre 20

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Le sol tremblait sous nos pieds, secoué par une force surnaturelle. Les cris stridents des portes se brisant s'entremêlaient dans une cacophonie chaotique. Des éclats écarlates déchiraient le ciel nocturne, et des volutes de fumée colorée s'élevaient, obscurcissant la clarté des étoiles. Le monde lui-même semblait saigner, et dans cette dislocation de la réalité, des ombres monstrueuses surgissaient de tous les horizons.

Maxwell et son fils, tout comme Sophia et moi, nous nous tenions là, frappés par l'incompréhension, assistant à la mise en place d’un tableau apocalyptique. Des créatures qui hantaient nos nuits émergeaient du sol, du ciel, comme si tous les recoins de l'univers crachaient leurs horreurs sur notre monde, fusionnant notre réalité au cauchemar. La terreur était palpable.

"Qu'est-ce qui se passe ?" murmurai-je, mes yeux tentant de percer le voile de l'inconnu.

Aucune réponse ne s'échappa des lèvres de Maxwell. Il semblait tout aussi impuissant que nous face à cette déferlante de chaos. Arthur, blotti contre son père, fermait les yeux, pour ne pas y faire face. Ce n’est qu’un gamin.

Des créatures se matérialisaient de toutes parts, des formes grotesques, des hurlements sans fin, des volutes de fumée sinueuses serpentant dans l’atmosphère, l’air toxique.

Sophia tenta de parler, mais les mots moururent sur ses lèvres. La peur étouffait nos voix, et chaque pas des monstres résonnait comme un glas funèbre, qui n’en finissait pas.

Soudain, un frisson me parcourut, ce n'était pas seulement dû à la terreur du présent, mais aussi à la réapparition de fragments de mémoire oubliés. C’est comme si chaque porte qui explosait, faisait rejaillir en moi des souvenirs, avec une violence insoutenable. Des cris déchirants résonnent toujours dans mes oreilles, une marée démoniaque déferlant sur notre réalité.

Je me tiens là, impuissant, submergé par un flot tumultueux de souvenirs qui me heurtent comme des vagues déchaînées. Des visages, des moments que j'avais enterrés au plus profond de mon esprit refont surface, me secouant jusqu'à l'âme. Comment ai-je pu les oublier ? Rire en niant leur existence ? Mes genoux tremblent.

Sophia, à mes côtés, est elle aussi prise d'assaut par cette résurgence brutale du passé. Des murmures incohérents s'échappent de ses lèvres, des noms s'entrechoquent dans sa mémoire ravivée. Le voile de l'oubli se déchire avec une férocité. Et je me consume.

Et brusquement, au milieu de ce tumulte mental, un éclair lumineux. Je suis transporté. Chez Alexandre. Il nous avait invités pour prendre le goûter en rentrant de mission. Je voudrais rire de son insouciance, mais je ne peux que pleurer le moment où il a été aspiré par cette foutue porte. Il avait préparé un gâteau, mais il était vraiment infect. Son frère était là aussi, à préparer des papiers ou je ne sais quoi pour son mariage. Il refusait qu'Alexandre soit le cuisinier. Mon ami avait même eu l'audace de simuler la vexation. Ses mots résonnent dans ma tête comme une mélodie déformée, son grand frère qu’il admire tant, mais que je n’ai pas réussi à reconnaître, c’est Alban.

Peu importe mes états d'âmes, les créatures poursuivent inlassablement leur danse macabre. Leurs grondements ne sont plus que l'écho d'une réalité qui se décompose.

Le monde vacille, les souvenirs ressuscités tourbillonnent dans mon esprit, mais au cœur de cette tempête, l'absence persiste. La silhouette manquante se refuse toujours à réapparaître. Où es-tu ?

Je dois me reprendre, quoi qu'il arrive, c'est le bordel. Nous ne pouvons pas nous contenter de fermer les portes, elles partent en fumée. Mais peut-on réellement anéantir toutes ces bêtes qui se trouvent arrachées à leur monde d’origine ? Et contre l'environnement qui se modifie par endroits, que pouvons nous faire ? Sommes-nous condamnés à errer éternellement dans ce cauchemar, à jamais prisonniers de ce désastre ?

C'est ce moment de ma réflexion que choisi le destin pour poignarder le sol sous nos pieds, formant une plaie béante, d'où jaillissent des éclats de roches brûlantes dans toutes les directions. Si nous ne sortons pas vite d’ici, les réalités vont s’engloutir les unes après les autres, effaçant tout ce qui pourrait encore nous rester. Nous devons agir. Mais comment ? Au même instant, je cherche du regard, le seul qui puisse m'apporter une réponse. Et il s'enfuit en courant. 

“Il a dit qu’il avait une solution pour nous faire retrouver notre monde comme avant, il ne faudrait pas qu’il meure avant, ça serait dommage. Je ne voudrais pas qu’il cherhce uniquement à protéger ses propres intérêts. Je vais essayer de protéger tes arrières et mettre le plus de monde à l’abri”, s’exclama Sophia qui avait retrouvé ses esprits, mais je voyais tout de même sur son visage des traces de larmes.

Le temps n’est plus aux questions, nous devons agir. Je m'élançai sur les traces de Maxwell à travers cette foule, ignorant leurs rugissements autour de moi. Sophia me suivait de près, déterminée à protéger les autres. Je voudrais me souvenir de tous ces visages, qu’ils ne meurent pas dans l’indifférence, mais même si je souhaite réellement leur survie, ils ne sont plus ma priorité absolue. 

DédaleOù les histoires vivent. Découvrez maintenant