Chapitre 18

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Pendant des jours, nous avons traqué chaque porte inscrite sur la maudite liste de Maxwell. Et à chaque fois, nous ne pouvions que constater des créatures déchainées qui en sortaient, et rugissaient dans une cacophonie où se mêlaient les cris déchirants de la population. Nous pouvions les aider, ou limiter les dégâts, mais ce n’était pas le pire. Les portes d’où elles surgissaient avaient déjà été fermées et marquées. Je voudrais pouvoir dire que c’est impossible mais depuis longtemps, je crois que ce champ  s’est élargi. Avec Sophia, nous n’avions même pas le temps de comprendre ce qui se passait, ou de réfléchir, nous ne faisions que courir d’une porte à l’autre espérant éviter le massacre. L’objectif sauver le monde était un échec total jusqu’ici. Le cauchemar ne prenait jamais fin. Chacune de nos tentatives de secours se révélait vaine, aussi efficace qu’un parapluie en papier mâché.
J’ai tenté de contacter Nina, espérant un éclaircissement sur ces absurdités et avec l’espoir qu’elle reste une alliée, mais elle ne nous a jamais répondu. Elle nous a simplement précisé l’envoie de l’équipe 115 en renfort. Cette mission n'avait rien d’officiel, il ne viendrons jamais. Ce serait un trop gros risque pour eux ? Etre à l’encontre des règles. Et puis, une fois que nous serons arrivés au bout de la liste, qu’allons nous faire ? Regarder nos familles se faire déchiqueter ? Admirer Maxwell sirotant tranquillement son thé ? Je sais qu’il est derrière tout ça, que cette liste n’est qu’un piège, mais pour l’instant, nous ne pouvons rien faire d’autre que protéger ce qu’il reste de population, tout en essayant de comprendre comment arrêter ce carnage et enfermer ce fou à lier. 
Le crépuscule éclaboussait le ciel de teintes oranges et violettes alors que nous nous dirigions à toute vitesse, essoufflés, sales et tremblants de fatigue vers la prochaine porte. Clémence et Alban apparurent, tels des sauveurs, nous remettant de nouvelles munitions, sans prononcer un mot. A leur place, j’aurais ajouté une cape à la panoplie du petit explorateur héroïque, juste pour l’effet dramatique. Et ils se lancèrent alors dans une bataille avec une créature draconique aux écailles ardentes, crachant des flammes dévorantes, déterminés et toujours en silence, laissant à Sophia et moi-même un peu de répit. J’étais rassuré de savoir qu’ils étaient là pour nous aider, eux les meilleurs explorateurs toutes catégories confondues. Mais même avec leur aide, la folie persistait.
Alban brisa le silence, “Le docteur Galilei qui nous a briefée sur votre situation,” dit-il en nous tendant un sac de matériel avec une feuille d’instructions, que d’habitude je prends pas le temps de lire, puis il continua “ c'est pour vous. Dans quelle galère vous êtes-vous empêtrée tous les deux, pour vous mettre Maxwell à dos”.
Ce n’était pas un reproche, juste une constatation. Bien que ni lui, ni Clémence n’en ai parlé, ils ne semblent pas beaucoup apprécier Maxwell. Mes yeux glissèrent alors sur les lignes manuscrites, révélant une situation plus sinistre qu’escompté, je n’y aurais jamais cru, si ne l’avais pas lu une dizaine de fois.
“ Portes fermées récemment, nouvelles fioles trafiquées, pas de corrosion du mécanisme, énervement créatures, Maxwell parti ”
C’est Clémence qui me sortit de ma stupéfaction, en assénant un coup violent dans la jugulaire de la créature, qui se contenta de tituber sur quelques pas avant de cracher de nouvelles flammes. “Je ne sais pas ce qu’il cherche à faire, mais il a empêché la fermeture des portes tout en laissant l’agent colorant, et a ajouté un mécanisme émettant des ultrasons dans le bouchon de la fiole en cas de choc, donc dès qu’on les utilise. Enfin de ce que j’ai compris. Galilei nous a aussi précisé qu’elle ne comprenait pas pourquoi Maxwell voudrait libérer ces animaux, et les pousser à nous attaquer à cause de ce bruit infernal.”
Ce que je comprenais, c’est que Maxwell cherchait à nous éloigner, à nous engloutir dans le chaos qu'il avait déclenché. Alors que tous les yeux étaient rivés sur les monstres qui semblaient autant souffrir que nous de la situation, il en avait profité pour s’évaporer. Ce que je ne comprends pas, c’est son intérêt. Donner la moitié de la population de la ville en pâture à des créatures dont il a lui-meme planifié la torture, ne lui cause donc aucun problème éthique ? C’est simplement l’idée qu’il se fait d’un mardi après-midi ? Que devons nous faire ? Je sens l'urgence de la situation peser sur mes épaules. Massacrer ces pauvres bêtes pour protéger la population ? Les guider vers les portes et les fermer derrière-elles ? Traquer Maxwell pour qu’il mette lui-même fin à ce carnage ? Aucune de ces solutions n’est satisfaisante, il y aura toujours des sacrifices.
La nuit s'installait, mais notre détermination, elle, ne faiblira pas. Je m’en fait la promesse, pour toutes ces vies perdues.

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