Les autres vont bien...
Et moi dans tout ça ?
𝔸𝕟𝕘𝕖𝕝 𝕎𝕙𝕚𝕥𝕖
Lorsque mon pied atteint le sol de l'hôpital psychiatrique, j'ai l'impression que le monde se renferme sur moi. Ce n'est pas comme dans les films où tout le monde hurle qu'on les libère ou autre. Je pense que ça doit se faire dans des psychiatries vraiment intenses, mais ce n'est pas le cas dans celui où Neva séjourne quelques jours avant sa sortie. Les gens se baladent comme bon leur semble, et s'amusent entre eux.
Comme Noël approche, le hall est décoré avec un sapin en plastique, des petites boules de neige – en plastique aussi – un peu partout. Pas de guirlandes au risque que les patients s'étranglent avec. Je peux reconnaître « Hey, Hey, Hey Lover » de The Daughters of Eve se jouer dans le fond, avec quelques personnes qui chantent. Un genre de karaoké.
Je fais un signe de la tête lorsque Neva me voit encore dans le hall. Doucement en traînant des pieds comme un zombie, ma sœur s'approche de moi. Quand j'essaye de la prendre dans mes bras, celle-ci recule et je me pince les lèvres afin d'éviter de soupirer ou de dire le fin fond de mes pensées.
Le temps des reproches, c'est terminé. Les psychologues et les infirmiers me l'ont dit, si ma sœur se sent encore contrariée, elle risque de replonger et c'est ce que j'aimerais éviter.
Sans une parole, Neva entre dans une petite pièce intitulée « la salle des familles ». Il n'y a personne d'autre que nous. Je m'assois sur un fauteuil en face de ma sœur qui évite par tous les moyens mon regard. Je ne soulève aucune remarque sur son pantalon d'hôpital qu'elle porte, ni le sac de vêtement que je le lui ai rapporté.
Un silence pesant s'installe dans cette pièce ternie de couleurs, au fauteuil bleu. Seulement un petit lavabo est à côté de moi et aucun autre objet n'est présent. La porte fermée, aucun bruit ne s'échappe de l'extérieur, comme nous ne les entendons pas aussi.
Qu'est-ce que je dois lui dire ? Par quoi commencer ? Je sais qu'elle pensait sortir dès la première nuit, et je ne lui ai rien dit sur ce qu'il allait advenir de son futur en psychiatrie...
─ Tu sais ce que tu vas manger pour Noël ?
Nulle façon d'engager la conversation, mais ce silence commence à peser sur mon moral. C'est déjà le silence complet chez moi depuis que Saphir m'a laissé seul.
─ Du foi gras.
J'acquiesce de la tête sans rien ajouter de plus. Il faut toujours que je réfléchisse avant de parler avec elle et cette fois, c'est pire. Qui sait si je la blesse ? Si elle me blesse ? J'ai envie de rire intérieurement parce que pour me blesser, Neva l'a fait des milliards de fois. Pendant que je m'occupais d'elle à en crever mais qu'elleme le rendait en mal. Et comme si j'avais toujours mérité de souffrir, nous nous retrouvons assis l'un en face de l'autre avec un silence pesant dans un hôpital psychiatrique.
─ Je t'aime, tu le sais ?
─ Je le sais.
Sa grimace me fend davantage le cœur. Ma respiration tremble, mes mains deviennent moites, mes jambes ne semblent plus vouloir rester sur place et mes dents arrachent la peau de mes lèvres.
Est-ce que je devrais vraiment la laisser seule ? Ici ? Sans être un frein pour elle ? La laisser prendre son envol seul et la laisser aimer d'autres personnes que moi ?
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𝐓𝐡𝐞 𝐃𝐞𝐯𝐢𝐥'𝐬 𝐒𝐰𝐚𝐧
Roman pour AdolescentsEt si la rumeur dit vrai ? Que le diable peut se cacher sous des airs d'ange ? Angel White est comme le surnomment ses étudiants en art « l'ange du campus ». S'occuper de sa grande sœur autiste, de ses élèves, de l'argent dont il faut toujours fair...