Chapitre 1

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Mardi 9 janvier 2024. 8h15, Palais de l'Elysée.


Gabriel Attal tapait nerveusement du pied sous la table. 

Voilà déjà près d'une bonne vingtaine de minutes qu'il attendait le Président de la République, qui l'avait invité en personne à prendre le petit déjeuner avec lui. Mais qui manifestement n'était pas pressé pour honorer son rendez-vous. En tout cas, Gabriel n'était pas dupe. Toute la sphère politique était en émoi depuis le passage de la loi immigration. 

Depuis la rentrée, on lui parlait de remaniement toutes les heures, sur tous les plateaux, dans tous les couloirs, entre chaque réunion. Qui allait remplacer Elisabeth Borne ? Qui allait couler avec elle ? Avait-il des informations ? Gabriel ne répondait jamais, du moins il ne faisait que répéter l'excuse bien apprise, la phrase du bon serviteur, « le Président sait qu'il peut compter sur moi et je serai son homme jusqu'au bout ». 

Il faut dire qu'il n'était pas spécialement inquiet pour son maintien au sein du gouvernement. Il incarnait tout ce dont la macronie et la France avaient besoin : jeune, dynamique, éloquent et brillant, il excellait dans son ministère de l'Éducation et avait fait plus de choses en 5 mois que ses prédécesseurs en 5 ans. Il était poli en toutes circonstances, aimait aller à la rencontre de ses électeurs, se montrait préoccupé par leurs demandes et surtout il présentait bien. Il avait ce visage angélique, ces bonnes manières et ce sourire qui plaisaient aux Français. En bref, il était un ministre exemplaire et l'un des favoris du président.

Non, ce qui l'inquiétait, c'était ce petit déjeuner. Parce qu'il savait très bien ce qu'il signifiait. 

La Première Ministre actuelle, Elisabeth Borne, allait être remerciée. Son travail, remarquable sur les dernières années, était entaché par une utilisation massive et excessive de 49.3, un dédain assez farouche envers les parlementaires, et une absence totale de compassion pour les classes moyennes. Tout ce dont la France ne voulait pas et n'avait plus besoin. Non, la France, se disait Gabriel, avait besoin de quelqu'un pour apporter un vent de fraicheur. Préparer le terrain pour les européennes de 2024. Pour affronter la menace de l'extrême droite incarnée par Jordan Bardella, brillant, éloquent, jeune. Comme lui. Et c'était là tout l'enjeu. 

Il le savait, Emmanuel Macron le savait. Tous les ministres le savaient. Au fond d'eux, un seul choix paraissait évident : celui de Gabriel Attal. Et ce petit déjeuner le concrétisait.

La porte s'ouvrit. Gabriel releva la tête. Le Président se tenait devant lui, costume impeccable, mine réjouie, le bras tendu pour le saluer. Très informel. 

Il était toujours impressionnant quand il enfilait son masque de président, qu'il ne quittait que rarement. Gabriel avait déjà eu l'occasion de passer quelques soirées de travail en sa compagnie, sur des dossiers urgents. Il avait eu la chance, il estimait que c'était de la chance, de le voir quitter cette image de président, pour revêtir celle d'Emmanuel. Un homme drôle, intelligent, fin observateur et surtout charmant. Il incarnait cette France modèle, ouverte sur l'Europe et sur le monde, profondément préoccupée par les questions internationales et écologiques. La France de demain, entrainant la France d'hier vers la France du futur, celui des grandes multinationales, de l'intelligence artificielle et des énergies. La France d'Emmanuel, c'était celle de Gabriel.

– Je t'en prie, rassieds toi Gabriel, lui intima Emmanuel Macron. 

Gabriel n'était pas habitué à ce tutoiement. Le président le tutoyait depuis un long moment mais le jeune ministre ne s'y était jamais fait, comme si cela brisait une barrière qu'il s'était empressé d'ériger autour de lui et qu'il s'était interdit de franchir. Il continuait de le vouvoyer et cela sans broncher. Parce qu'il y avait cette hiérarchie entre eux, un respect mutuel et de l'affection. Gabriel tenait à garder ces distantes entre eux, même si au fond de lui son cœur se serrait. Il fallait tenir bon et rester calme. Posé, calme, rester lui-même. Il parvenait à l'appeler Emmanuel mais toujours en le vouvoyant. Disons qu'il tenait au moins l'une de ses promesses.

–Merci beaucoup de m'avoir invité Emmanuel. Je sais que vous avez sûrement d'autres préoccupations en ce moment. 

Emmanuel eut un sourire étincelant. Il était déjà rayonnant alors que l'horloge n'avait même pas sonné 9 heures. Cet homme était décidément impressionnant.

– Bien au contraire, lui répondit le président. Ma préoccupation principale en ce moment c'est toi Gabriel. Et ce depuis plusieurs semaines déjà.

Le cœur de Gabriel rata un battement. Il ne sut que répondre pendant quelques secondes, surpris par les paroles du président. Ce dernier ne le quittait pas des yeux, un sourire en coin, attendant sa réaction. Gabriel reprit ses esprits rapidement.

– C'est-à-dire ? 

Il retint tant bien que mal sa voix de trembler. Le moment approchait, celui qu'il attendait depuis des mois déjà, quand il avait vu se profiler à l'horizon la possibilité, peut-être, éventuellement, de...

– Je souhaite que tu deviennes mon Premier ministre. Aujourd'hui.

TENTATIONS - Emmanuel Macron x Gabriel AttalOù les histoires vivent. Découvrez maintenant