22 | Dîner chaleureux

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Chère journal, j'aimerais me sentir belle dans les yeux de quelqu'un, un jour.

Mara

J'ai beau regarder, je suis obligée de cligner plusieurs fois des yeux pour être sûre que le prénom qui s'affiche est le bon. Je fais glisser mon pouce sur l'écran et pousse la vignette verte vers le haut.

— Allo ?

— Salut Mara, c'est papa, je vais monter dans l'avion, j'arrive d'ici 13 heures, je me suis dit qu'on pouvait manger ensemble à la maison demain soir ?

Un silence passe. Nous ne mangeons jamais ensemble. Nous ne passons jamais du temps ensemble.

Pourtant, quelque chose né en moi, comme une sorte de petit espoir de passer du temps avec lui. Je suis rancunière, vraiment rancunière, mais quand il s'agit de mon paternel, j'ai toujours l'impression que je lui dois quelque chose. Il n'est jamais là, ni avec moi, ni pour moi, et pourtant je garde de l'amour pour lui, j'aimerais pouvoir arrêter de me sentir redevable envers lui, peut-être même faible, mais non. J'ai toujours cette douleur dans ma poitrine quand je pense à ce vide qu'il laisse.

Encore plus que ma mère. Car mon père était mon pilier pendant des années, puis ma mère est morte et je me suis renfermée sur moi-même, et lui.. Je ne sais pas... il ne m'a pas compris alors il a juste arrêté de m'aimer. Mais s'il y avait un espoir et qu'il le regrettait ?

Je secoue la tête quand il prononce une nouvelle fois mon prénom pour voir si je suis toujours là.

— Euh oui pourquoi pas James.

Il acquiesce puis raccroche.

Au début, je me laisse tomber sur le matelas de ma chambre universitaire et fixe le plafond, puis, j'essaye de me rappeler la dernière fois que j'ai mangé avec mon père, ou même avec n'importe quelle personne qui m'est chère. Je repousse l'idée, je ne vais quand même pas manger avec lui et être à son service. Dix ans sans m'adresser la parole, je ne vais pas obéir comme une fille sage à l'instant où il le demande.

Et s'il voulait encore de moi ? S'il voulait me reprendre ?

Ce n'est pas une bonne idée.

Mais s'il voulait me connaitre ?
De toute façon, il se rendrait compte que je suis une salope, et il me détestera d'autant plus.
Mais s'il y avait un espoir que je lui plaise ?

Après m'être tourmenter pendant les deux heures qui ont suivi, je me retrouve à claquer la portière de ma voiture et d'être devant ma maison. J'aime revenir ici, c'est la seule chose qui n'a jamais changé dans ma vie, la seule qui me rappelle qui j'ai été un moment, elle renferme beaucoup de mauvais souvenirs, mais également des bons. En fait, elle renferme tous les souvenirs où j'ai déjà ressenti quelque chose, c'est comme un ancrage, mon ancrage.

J'ouvre la porte en la refermant d'un pied et ne suis pas étonnée en apercevant Paula en train de passer le plumeau sur le lustre.

— Paul, personne ne te surveille de la journée, tu ne pourrais pas prendre du temps pour toi en secret et aller dans le jacuzzi ?

Elle me regarde de haut, perchée sur son escabeau et je devine ses lèvres se retrousser dans un petit sourire.

— Et toi jeune fille, que fais-tu là?

— James rentre demain, il veut qu'on mange ensemble demain soir.

Elle manque de tomber en arrêtant sa tâche et me regarde m'éloigner vers le frigo. Je l'ouvre et me lèche les lèvres en voyant une petite boite avec des cookies maison. Ceux de Paul sont les meilleurs, le seul écart que je m'autorise quand je ne fais pas une crise de sucre. Je saisis la petite boite et contourne l'ilot pour aller m'asseoir sur le tabouret. L'odeur de cannelle et chocolat blanc qui s'échappe de la boite qui s'ouvre est orgasmique, et quand je croque dans l'un d'eux, je m'oblige à ne pas fermer les yeux.

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