Chapitre 16

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   Oui, d'accord, j'ai accepté de continuer à donner des cours à Thomas.

A : Pour qu'il me lâche la grappe.

B : Parce que j'ai besoin d'aide en chimie.

C : Ça m'évite de penser constamment à ma sœur qui me lâche des nouvelles au compte-goutte.

D (et le plus important) : Je me suis promise de gagner à son petit jeu mesquin.

   Il y a quand même des limites à ma gentillesse. Pour quelqu'un qui se montre si entreprenant, il va falloir revoir les bases.

   Ça fait déjà dix minutes que je l'attends devant le lycée. La ponctualité, il connaît ? Il mériterais que j'annule tout. En attendant, je me plains pour la énième fois à Dylan sur WhatsApp. Le pauvre va finir par en avoir marre de moi.

   Mes mains tremblent de froid. Début octobre et on se croirait déjà en hiver. Le paysage caractéristique de l'automne est lui aussi en avance. Les feuilles se comptent par milliers au sol, laissant les arbres presque entièrement dénudés. Sauf qu'il est censé faire bien plus doux pour que je puisse en profiter. Ma peau est si sèche à cause de l'air glacial que ça en devient irritant.

   Je vais le tuer.

  Le pire, c'est que je reste aux aguets. À deux reprises, je l'ai presque confondu avec deux joueurs de basket du bahut. C'est leur démarche qui m'a fait comprendre que ce n'était pas lui. Qu'est-ce qu'ils peuvent transpirer l'arrogance ! Avec un tel physique, je me demande encore d'où peut bien sortir Thomas.

  Il a absolument tout pour lui. Les gens ont vraiment du mal à le détester malgré ses multiples rejets. La plupart des gars le jalousent mais aimeraient se le mettre dans la poche. Il restera naturellement cent fois plus viril qu'eux peu importe tous leurs efforts. Alors pourquoi pas ?

   Vu qu'il est différent, les filles de leur côté le poursuivent de loin. Après avoir reçu une centaine de refus, elles n'ont pas vraiment le choix. Ça ne les arrête pourtant pas. Son côté mystérieux et réservé les rend encore plus folles de lui.

   J'adore voir la dynamique du lycée changer par sa simple présence. C'est un sacré divertissement, il faut se l'avouer. En plus, ça donne du boulot à Cass qui me laisse tranquille pendant ce temps.

   C'est gagnant gagnant. Alors, j'ai arrêté de le haïr. Maintenant, on se voit presque plus qu'avec le reste de mes amis.

   Ça fait toujours bizarre de me dire que j'en ai.

   En y réfléchissant, je n'arrive pas à m'imaginer une réalité dans laquelle il ne serait pas là. L'année serait bien fade.

   Ça y est, je recommence. Beaucoup trop gentille. Foutu cerveau ! Bon, ça devient long là, qu'est-ce qu'il trafique ?

   Je vais devenir un glaçon. Même mes mouvements de sur-place ne suffisent plus. J'aurais dû mettre un manteau plus chaud. C'est ça, de vouloir privilégier le style. Bien fait pour moi.

   Mais faut se l'avouer, je suis classe aujourd'hui, non ? J'ai troqué mes baskets de sport pour des bottines montantes compensées (comme si j'étais pas assez grande – pas assez pour Thomas).

   Ok, le collant c'était un peu trop suicidaire. Mais je le croyais assez épais, pour ma défense. Le short en cuir, euh, qui en met encore à cette époque de l'année ? Au moins, je me rattrape avec mon pull en laine bordeaux (qui va soit dit en passant super bien avec mon rouge à lèvres). Enfin, à moitié vu qu'il est court. J'ai quand même un tee-shirt en dessous ! Ça vaaa.

   Lorsqu'il débarque enfin, je suis prise de court. Le froid n'est plus qu'un lointain souvenir. Je bouillonne. Il m'a laissée mourir ici pendant vingt minutes pour une de ces filles qui se pendent aux pieds du premier venu ? Sérieusement ?

Dans l'ombre des étoilesOù les histoires vivent. Découvrez maintenant