Chapitre 2

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Stanley :

J'avale difficilement le contenu inconnu de mon assiette qui est pourtant mon seul repas de la journée. J'en viens à regretter le petit déjeuner que j'ai refusé de prendre ce matin.

Toujours cette bouffe infecte à chaque déjeuner, cette ambiance déprimante liée aux bruits assourdissant des couverts en métal raclant les assiettes, les conversations de lycéens autour de leur repas qui finit dans la poubelle.

Je n'ai jamais aimé l'école, mais je crois que le lycée c'est encore pire, sûrement parce que je ne rentre pas dans les cases, leurs foutues cases qui déterminent si t'est fréquentable ou non, ou alors si l'on peut être ami avec toi, des conneries tout ça.

– Je peux m'asseoir ?

Je sursaute en entendant une voix perchée s'adresser à moi, une fille aux yeux bleus presque turquoise et aux longues boucles blondes qui tombent en cascade sur ses épaules me fait face avec son plateau en main.

Elle attend vraiment une réponse là ?

Je la fixe à mon tour, elle est pas mal, mais absolument pas mon type.

Je me demande ce qu'une fille comme elle vient foutre dans un lycée pourri du Queens, elle n'est clairement pas dans son élément, les murs délabrés contrastent avec sa robe à fleurs qui semble neuve.

Et voilà que je réfléchis, comme ces connards qui me servent de camarades, à la placer dans une catégorie sans même la connaître.

– Euh ouais si tu veux.

À peine ai-je fini ma phrase qu'elle pose déjà son cul sur le banc face à moi avec un grand sourire victorieux.

– Je m'appelle Amorie.

Je la fixe quelques secondes me demandant si elle est sérieuse. Je n'ai pas manger avec mes amis car j'avais besoin d'être seule aujourd'hui, ce n'est surement pas pour discuter avec madame parfaite manucure.

–Je ne t'ai pas demandé ton blase, tu m'as demandé si tu pouvais t'asseoir, pas si tu pouvais faire la conversation, mais au cas où je te le dis tout de suite, je ne fais pas dans les sentiments ni dans les relations, et quand je mange, je veux du putain de calme, compris Apolline ?

Je peux voir son visage se décomposer malgré la tonne de maquillage qu'elle a appliqué, certainement ce matin en arrivant au vu de la mauvaise qualité de son estompage..

– MOI C'EST AMORIE ESPÈCE DE CONNARD ! Elle me regarde une seconde attendant probablement des excuses sans savoir que je cherche justement à la faire dégager, elle se lève, jette son plateau par terre dans un geste probablement plus impulsif qu'intentionnel et part presque en courant de la cantine. Je peux déjà voir son mascara couler et s'effriter sur les cils et ses joues recouvertes de fond de teint.

Les élèves autour de moi me dévisagent, d'autres rient. Je ne peux m'empêcher d'esquisser un sourire à mon tour, elle a raison, je suis un connard, mais je ne l'ai jamais caché.

– Stanley !

Mon rire se stoppe immédiatement, mon père, le directeur de ce cirque, fait irruption dans la pièce. Je me retourne et le vois face à moi, il porte son éternel costume trois pièces, le silence est revenu dans la pièce et mon père me fait signe de le suivre, il prend cet air sévère devant ses étudiants, mais lui comme moi savons à quel point il se retient de rire.

Nous traversons les couloirs de casiers jusqu'à l'administration, je salue la secrétaire et suis mon père dans son bureau.

Il ferme la porte derrière moi et me fixe un moment avant de secouer la tête tentant de camoufler un sourire en coin que je ne connais que trop bien.

– Non mais qu'est-que tu lui as fait à celle-là ? Me demande-t-il en tentant de paraître sérieux.

– Je lui ai juste dit la vérité, ce n'est pas ma faute si les filles de ce lycée exagèrent toujours sur la drogue. Il commence à rire et moi aussi, c'est quelque chose que j'apprécie avec lui, je peux tout lui dire et tout lui confier, il ne me jugera jamais.

– Oh bordel Stan, tu es vraiment un p'tit con, un p'tit con insupportable et mal élevé. Finit-il par lâcher entre deux fous rires. Son visage redevient sérieux après quelques secondes et je devine à son expression que la fuite de cette fille n'est pas la raison pour laquelle je suis là.

– Au fait, il faut que je te parle de ton stage.

Et j'avais visiblement raison de m'inquiéter. Le truc avec ce bahut, c'est qu'ils veulent s'assurer que les étudiants savent quoi faire de leur diplôme.

Sur le principe je n'ai aucun problème avec ça, j'aimerais faire un stage dans un cabinet d'avocat mais, ça fait deux ans que je me tape des stages merdiques à cause des critères à remplir pour ce genre d'expérience. Qu'est ce que je disais déjà sur le fait de rentrer dans des cases ? Ah oui, ce n'est pas mon cas.

– Il a quoi mon stage ? dis-je dans un soupir qui lui fait froncer les sourcils.

– Tu as été refusé dans le cabinet d'avocat des Collins, mais avant que tu t'énerves, je tiens à te dire qu'après avoir discuté avec Monsieur Collins, nous avons fini par te trouver autre chose.

J'ai envoyé ma demande de stage il y a plusieurs mois déjà, les avocats de Collins sont les meilleurs, mais ils ne m'ont jamais répondu. Je sais déjà que ce refus va m'envoyer dans un stage de stockage qui ne m'intéressait pas le moins du monde. Je devine à l'avance que je vais devoir faire comme si j'étais heureux de ma présence devant le patron alors que mes chances d'aller en fac de droit s'amenuisent à chaque refus.

– Et c'est où le super stage que tu m'as trouvé ?

Je m'imagine déjà porter un tablier dans un café au coin d'une rue à Manhattan. Mon père esquisse un sourire en coin, le genre qu'il fait quand il a un truc à me dire et qu'il sait que ça ne va pas me plaire.

Il fait le tour de son bureau et s'assied sur son fauteuil qui grince péniblement sous son poids. Il est évident qu'il essaie de gagner du temps, l'info qu'il va me donner ne va pas me plaire.

– Le cabinet Cooper.

Je mets du temps à réaliser ce qu'il est en train de me dire. Au bout de quelques secondes à le fixer, je finis par comprendre.

– Quoi, mais tu te fous de moi là...

– Écoute Stanley, ton stage commence lundi et ce sont les seuls ayant répondu présent à ta candidature. C'est un cabinet d'avocat comme les Collins, même plus réputés qu'eux, je ne comprends pas ta réaction.

Ce que je déteste le plus avec les Cooper, c'est qu'avec eux tout est une question d'image, le père achète un hôpital et les médias s'agglutinent, pas plus tard que ce matin, je les ai encore vus à la télé parce que soi-disant la fille part à Monaco ou je sais pas où, je ne serais pas surpris de voir ma tronche à la télé dès lundi midi. Le droit n'est même plus leur principale occupation à tel point que seuls les gens vraiment huppés peuvent ne serait-ce qu'espérer voir un Cooper se pointer à son procès.

– Je refuse. Dis-je catégoriquement à mon père qui ne semble pas me laisser le choix.

– Tu n'as pas le choix Stan, il te faut ce stage pour valider tes frais d'inscriptions à la fac, et puis avec un peu de chance, ils te recommanderont dans les meilleures facs. Ces gens sont connus dans le monde entier.

Pourquoi il refuse de comprendre que c'est justement ça le problème? Je vais faire tâche dans le décor, on ne verras que moi et quand les journalistes habituels se pointeront ils ne me louperont certainement pas.

– De toute façon ce n'est pas comme si j'avais le choix. Finis-je pas répondre comprenant que je suis coincé. Mon père me rappelle d'arrêter de me plaindre, comme quoi, il y a pire que de passer un mois dans un cabinet d'avocat quand on veut être avocat. La sonnerie annonçant la reprise des cours retentit me libérant de ce tête à tête interminable.

My dear internOù les histoires vivent. Découvrez maintenant