Chapitre 6

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Je suis réveillé par les rayons du soleil qui pénètrent par le vasistas de l'entrée. Je suis toujours dans le canapé, tout est en place. Une seule chose manque à l'appel : Louisa.

Je le savais, c'était impossible qu'une femme ait réellement envie de tout ça avec moi. Elle voulait peut-être tout simplement du sexe pour un soir, chose que je ne lui ai même pas offerte. Enfin bref, j'aurais eu le mérite d'essayer de nouvelles choses.

Mon volet étant fermé, la luminosité reste faible dans la pièce et je ne distingue pas l'heure indiquée par l'horloge accrochée sur le mur d'en face. Je me lève alors par dépit et les ouvre. La lumière soudaine m'aveugle et il me faut quelques instants pour m'habituer à cet éclat de clarté.

Je me tourne vers ladite horloge. Elle m'indique qu'il est 11 heures. 11 heures !? Je regarde alors mon téléphone, je dois être harcelé par le bureau. Mais finalement il n'y a qu'un simple message de Marie, la secrétaire :


Bonjour Louis,

Tu as l'air d'avoir opté pour le télétravail ce matin. N'oublie pas que nous avons une réunion à 14 heures et que la présence de tout le monde y est souhaitée.              

Bonne journée.


Avoir opté pour le télétravail ? Moi ?

Je me dirige dans ma chambre et, Dieu merci, hier soir j'ai laissé mon ordinateur déverrouillé et branché sur secteur sur l'intranet du cabinet. Voilà pourquoi on m'y voit en ligne.

J'ai le temps alors. Il faut que je fasse un petit peu de ménage et que je taille ma barbe, ça devient nécessaire. Je me lance alors, au programme : passage d'aspirateur, douche, brossage de dent, rasage et puis on verra bien !

En sortant de la salle de bain, il n'est que 11 heures 45. J'ai le temps de descendre la poubelle et de remonter, elle est presque pleine et je n'ai pas envie d'empester mon appartement si durement nettoyé avec une odeur de déchets.

En ouvrant la porte, je croise Luc, mon ami d'enfance et voisin de palier. Je m'avance vers lui et nous nous « checkons ».

- Mec ! », dit-il impatiemment, « c'est qui cette bombe qui est sortie de ton appartement ce matin ? 

Il aurait donc croisé Louisa ?

- Quoi !? Elle est partie à quelle heure ? Elle avait l'air mécontente ou plutôt joyeuse ? Ou alors normale ?? Dis-moi 

Il recule et écarte les bras en souriant à pleines dents. C'est sa façon à lui de détendre l'atmosphère.

- Calme mec... T'inquiète pas elle m'a fait un grand sourire, elle avait l'air de bonne humeur. Sinon, il devait être 7 heures et demi... pas plus en tout cas. Mais tu m'avais pas dit que t'avais une meuf. 

- C'est pas ma copine, enfin je sais pas. Je sais rien en fait. 

- Ouais je vois, t'es rentré totalement défoncé et tu sais pas qui c'est ? 

Je réfléchis quelques instants. Il m'a ouvert une brèche là, il faut que je m'y enfonce pour me soustraire à son interrogatoire. Je préfère qu'il pense que j'étais totalement saoul plutôt que d'avoir à lui expliquer la réalité, je préfère la garder pour moi.

- C'est exactement ça, mais j'osais pas le dire.

Il rigole et s'avance vers l'ascenseur. Et merde... j'ai pas envie de descendre 8 étages avec lui, il va certainement me poser des dizaines de questions, je le connais. Pas le choix, je me dirige vers les escaliers, malgré le poids de la poubelle qui me creuse douloureusement la main.

- On se capte plus tard mec, dit-il en me voyant m'éloigner de lui.

Je lui réponds d'un signe de la main amical accompagné d'un faux mais grand sourire et m'empresse de descendre les premiers escaliers pour me dérober à sa compagnie.

Je dépose mes poubelles dans le local dédié à cette occasion et remonte, tout peinard. Mes idées noires ressurgissent. J'aimerais simplement savoir : pourquoi ?

Je dois bien prendre cinq bonnes minutes à monter les escaliers. En arrivant en haut, je claque ma porte et déambule dans l'appartement sans savoir quoi faire. Je me rends compte d'une chose, c'est que quand je ne suis pas au boulot, ma vie n'a aucun sens.

Puis vient l'heure du midi. Je dois manger assez tôt, la réunion est à 14 heures et j'ai un peu de route. Ce midi c'est plat réchauffé, ça fait bientôt deux semaines qu'il était au fond du frigo, et je n'ai clairement pas la tête à faire la bouffe.

Le micro-onde sonne. Robotiquement, je l'ouvre, sors le plat, prends des couverts, m'assois et m'apprête à manger. Un grand silence règne dans l'appartement, la télé n'étant pas allumée, et mon téléphone étant loin de moi... Une fois est sûre, ce silence n'est pas le même qu'hier. Je dirais même qu'il a la saveur opposée. Il est fade et frustrant.

En attrapant mon verre d'eau, je remarque un bout de papier posé sur la table. Qu'est-ce ? Oui, je l'avoue, je suis bordélique, mais la présence de papier est anormale. J'ai, en effet, succombé à la révolution technologique et la feuille de papier est pour moi ce qu'un papyrus est à mon grand-père.

Intrigué, je le déplie, il y a dix colonnes avec dans chacune d'elles, un nombre de traits différents. Je mets mon plat de côté et me prête totalement au jeu mis en place par Louisa. Mais en fait, est-ce vraiment Louisa ? Aucun doute, personne n'a accès à mon appartement, et aux dernières nouvelles je ne suis pas somnambule.

Elle agit sur moi comme une dose de dopamine. J'en ai conscience, je ressens des choses que je n'ai jamais connues auparavant.

À la manière d'un inspecteur, je me lance dans la recherche de la réponse. Cela me fait penser à mes plus jeunes années, quand je rêvais encore de droit pénal afin de pouvoir devenir enquêteur, comme dans les films et séries américaines. Son énigme est bien trop simple et trop peu poussée pour un détective de mon acabit.


Un numéro de téléphone est constitué de dix chiffres, le nombre exact de cases. Et les chiffres vont de 0 à 9, ce qui étaye ma théorie.

Il ne me faut que quelques minutes avant de pouvoir recomposer son numéro, et m'empresser de lui envoyer un message. J'avais bien son numéro, mais ce n'était que celui de son téléphone professionnel. Impossible alors de se parler intimement puisque les conversations y sont consultables et contrôlées, aussi bien de son côté que du mien. 

De la même façon qu'un écrivain cherche les plus beaux mots, les plus belles expressions et les meilleures tournures de phrase pour écrire son oeuvre, j'étudie chaque terme qui composera mon message, il doit être parfait. Je m'arrête finalement sur un petit texte, assez bref, joueur, mais qui a le mérite de lui faire comprendre ce que j'attends de la suite.


Douce Louisa,

C'est moi, Louis. Ton absence ce matin a été le plus grand vide que je n'ai jamais connu. Peut-être voulais-tu te débarrasser de moi, mais ce n'est pas avec une énigme aussi futile que tu le pourras.

Je t'embrasse.


J'ai tellement bien voulu faire que je n'en avais pas vu les minutes défiler. Il faut que je parte. J'attrape mes clés, un manteau et pas de temps à perdre : direction le bureau.

Sur la route, une notification qui vient de mon téléphone apparaît sur l'écran de contrôle de ma voiture :


Louis,

C'est bien Louisa ! Tu m'as fait peur à mettre autant de temps à m'envoyer ton message ! J'ai cru que tu avais mal pris que je me sois enfuie sans te prévenir, je suis désolée mais je devais travailler... Si tu es d'accord, j'aimerais énormément te revoir (en dehors de nos rendez-vous pro).

Je t'embrasse également, à bientôt. 

MienneOù les histoires vivent. Découvrez maintenant