Chapitre 21

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Une fois tous assis autour de la table, je dois quand même les notifier de notre séjour.

- Papa, maman, Charlotte et Océane viennent aussi de Paris et sont de bonnes amies. Ça vous dérange si on reste une dizaine de jours pour qu'elles découvrent l'île ?

- Mon chéri, tu sais que toi et tes amis êtes toujours les bienvenus. Surtout, les filles, ne faîtes aucune manière, vous êtes ici chez vous.

- Merci madame ! S'exclame Océane, avec un respect débordant.

- Hep hep hep, moi c'est Teresa, et lui c'est Ange, dit-elle en pointant du doigt mon père. Et ici vous nous tutoyez, d'accord ?

Océane semble hésiter, peut-être pense-t-elle que ma mère dit cela simplement pour paraître accueillante à ses yeux.

- Merci beaucoup Teresa, dit Charlotte en prenant les devants.

Charlotte a l'air de prendre ses aises, guidée par Luc, qui fait réellement comme chez lui. En même temps, comme je l'ai dit, avant d'être majeur, Luc venait tous les étés avec ses parents et il passait la majorité de ses vacances chez moi, profitant de la piscine et de la plage privée. Il a toujours été un peu gâté, étant enfant unique, et je pense que ses parents ne venaient chez nous que pour lui faire plaisir. En effet, depuis qu'il vient de lui-même, nous ne les avons pas revus, et les seules nouvelles que nous avons d'eux nous parviennent de Luc en personne.

Luc nous dit que ses parents se font vieux et évitent de prendre l'avion. Je pense que c'est vraiment ce qu'ils lui ont dit. Mais de mon côté, je pense que le père de Luc a été clairvoyant et se doutait des activités obscures de mon père.

Mais Luc n'a jamais cessé de venir, je pense qu'il considère vraiment notre villa comme sa deuxième maison, et mes parents comme les siens. Il est donc normal qu'il se comporte comme s'il était chez lui, et qu'il encourage sa copine à le faire.

Je vois qu'Océane observe les moindres mouvements de Charlotte et qu'elle est tentée de l'imiter. Elle doit être partagée entre l'envie de profiter de la réelle hospitalité de la famille et la volonté de rester respectueuse. Je viens alors à sa rescousse.

- Océane.

Elle sursaute un peu, ce qui nous fait rire.

- Prends, allez.

Elle s'exécute et se met enfin à l'aise. Je suis content qu'elle le soit dès la première soirée. Le respect, c'est important, mais après tout nous sommes ici en vacances, pas pour réfléchir à respecter des formalités.

Mon père, de nature inclusive, ne tarde pas à questionner les deux amies, pour les intégrer aux discussions :

- Alors les filles, qu'est-ce que vous faîtes dans la vie ?

Charlotte, plus éxuberante, que dis-je... moins introvertie, prends la parole en première.

- Personnellement j'ai eu mon BTS NDRC (négociation et digitalisation de la relation client) il y a maintenant 3 ans. Et puis ça fait bientôt deux ans que je travaille comme vendeuse en concession automobile. Et puis voilà que très très récemment, j'ai rencontré Luc !

- Très très récemment ? S'étonne ma mère

- Oui Teresa, en toute honnêteté ça ne fait que quelques jours, mais vous savez, l'amour ne trompe pas.

La perche est toute tendue pour mon père qui saute sur l'occasion de faire profiter tout le monde de son humour, parfois lourd.

- Et qu'est-ce que tu peux bien trouver à un gaillard pareil ? Aucune fille ne s'y est jamais aventurée.

Il rit à plein poumon, accompagné par Francesco. Ah, ces deux là, il leur suffit d'un peu d'alcool et la moindre situation ubuesque les fait pleurer de rire. Océane et Charlotte laissent échapper quelques faux rires pour ne pas rendre la situation plus gênante, alors que Nathalia, ma mère, Luc et moi, nous contentons de sourire et d'attendre qu'ils finissent leur gaminerie.

Le silence revenu, tous les projecteurs se tournent vers Océane. Étant il y a encore peu très timide, je perçois les signes du malaise dans son langage corporel, elle n'aime pas être le centre de l'attention. Déjà la dernière fois au bar, elle s'était faite très discrète, contrairement à Charlotte.

On voit bien qu'elle ne sait pas où donner de la tête. Vers sa meilleure amie ? Non, elle est bien trop occupée à s'échanger des délicatesses avec Luc. Vers mon père et Francesco ? Non plus, ils sont encore à moitié en train de rire de leur stupide blague. Vers Nathalia ? Définitivement pas, elle a l'air totalement agacée par son mari. Vers ma mère alors ? Elle essaye, mais ma mère est trop penchée et concentrée sur elle, ça doit la mettre mal à l'aise.

Finalement, elle porte donc son regard dans le mien. Je la regarde, droit dans les yeux, enfoncé dans mon canapé. Par là, je lui montre qu'elle a toute mon attention, sans que je ne l'agresse. Le meilleur là dedans, c'est que je ne feinte pas, je suis vraiment intéressé parce qu'elle va dire, puisque nous n'avons pas abordé la question lors de notre précédente sortie. Son langage corporel s'apaise et son visage se détend enfin.

- Moi, je suis encore une enfant parmi vous puisque je suis encore à l'école. Je suis en Master 2 de droit commercial. Et malheureusement, je ne suis pas prête de rentrer dans la vie active puisque je vais redoubler.

- Pourquoi tu es si sûre de redoubler ? Demande curieusement Nathalia, qui s'est subitement intéressée à la chose.

- Je dois effectuer un stage de 4 mois pour valider ma deuxième année de Master, mais malheureusement l'entreprise qui devait m'accueillir a cessé son activité, et ils m'ont prévenue tellement tardivement que je n'ai aucun espoir de trouver autre chose.

Personne n'est assez calé en droit pour le comprendre, mais le droit commercial est une branche du droit des affaires, je pourrais donc la prendre comme stagiaire. Mais je n'ai pas envie de lui faire une telle proposition publiquement, ça lui mettrait la pression et elle ne pourrait refuser, même si elle le voulait. Néanmoins, je ne peux pas la laisser à la merci du regard insistant de tous les autres, il faut que je la rassure.

- Un ami à moi avait eu un problème similaire, je t'aiderai.

- Vraiment ? C'est très gentil !

La mine de tous les convives redevient souriante, je pense que tout le monde est soulagé de mon intervention. Nous ne sommes pas passés loin d'un moment de blanc bien gênant. La discussion suit de nouveau son cours normal.

Alors que mon père et Francesco s'attellent à la cuisson de la viande, et que ma mère et Nathalia se dirigent vers la cuisine pour aller y préparer une salade de pommes de terre, je propose à tout le monde d'aller chercher les valises toujours prisonnières de mon coffre et d'aller nous installer.

En tant qu'hommes galants, Luc porte les valises de Charlotte, et je le copie avec celles d'Océane. Les mains pleines, aucun de nous ne peut ouvrir la porte, c'est alors aux filles de le faire. Tant bien que mal, elles parviennent à tirer la lourde porte et nous pouvons enfin avancer dans l'entrée.

Celle-ci est agencée parallèlement, c'est-à-dire qu'un escalier en fer-à-cheval est disposé de chaque côté pour monter au premier étage. Pour rester au rez-de-chaussée, il suffit d'aller tout droit. L'objectif étant de s'installer dans les chambres, nous montons à l'étage.

J'attribue une petite suite parentale aux deux amoureux, qui ne se font pas prier pour y poser leurs valises et plonger sur le lit moelleux.

Je me tourne alors vers Océane.

- Tu préfères être dans une chambre limitrophe ou un peu plus éloignée ? Je lui demande en ricanant nerveusement.

J'imagine qu'elle comprend mon sous-entendu.

- J'ai quand même envie de dormir sans entendre les murs trembler, répond-elle avec le même humour, mais je n'ai pas envie d'être isolée dans une si grande maison, je suis un peu peureuse.

- Tu préfères une chambre moins spacieuse alors ?

- Si ça ne te dérange pas, j'aimerais bien.

- Il y en a une juste à côté de la mienne. De cette manière, en cas de problème, je ne serai pas bien loin, ça te va ?

- Ça me va parfaitement, clame-t-elle.

Je la conduis alors jusqu'à sa chambre pour les prochaines semaines, de l'autre côté de l'étage. 

MienneOù les histoires vivent. Découvrez maintenant