Chapitre 11: William

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P.D.V William

Je suis perfectionniste, le nier serait contre-productif. La symétrie, l'ordre font partie d'un équilibre précieux auquel je tiens tout particulièrement. Loin d'avoir les tocs obsessionnels de Levy, j'avais malgré tout comme lui des séquelles de ce qu'on avait partagé pendant notre malheureux traumatisme, qui marqué à même mon âme. M'imaginant parfois ce que l'on serait devenue tous les cinq sans ce passé offert dans un ruban d'or par nos géniteurs. Mais les regrets sont pour ceux qui se cherchent des excuses.
Laissant le docteur de la maison vérifier une seconde fois ma prothèse pour éviter qu'elle ne me lâche pendant la danse. Le ridicule ne peut être envisagé lors d'un tel événement, surtout pas devant elle.

— Tout est parfaitement ajusté, tu ne devrais avoir aucun mal à danser ce soir, me confirma-t-il en ajustant mon pantalon pour que personne ne puisse la voir.
— Merci.
— Ne force pas trop ou alors, tu risques de sentir la douleur te lancer toute la nuit, me précisa-t-il avant de partir.
— Levy!, le retenais-je, encore quelques secondes.

Son visage me fixa en attente de l'information à enregistrer.

— Je vais découvrir ce soir une bonne fois pour toutes ce qu'elle nous cache, lui promis-je en sachant pertinemment que le manque de solution à son problème le rendait complètement fou, même s'il ne le montre pas.

Ce dernier hocha la tête en réponse puis quitta ma chambre. M'inspectant une dernière fois avant de rejoindre le hall, un bouquet de fleurs dans la main. Chaque détail compte lors d'un rendez-vous galant, qu'il soit vrai ou non. Le choix de la composition, par conséquent, est primordial. Le plus classique étant des roses, chics et traditionnels, clairement pas à l'image de notre petite souris. Le tournesol, en référence à cette tenue jaune, portait lors du rendez-vous officiel avec nos familles, arrivant tel un soleil après une journée pluvieuse. Mais une fois encore, cela ne transmet pas ce qu'elle incarne pour nous. Alors, j'optai pour des lys blanc, noble, fière, un symbole de la monarchie qui utilisait les êtres comme des propriétés. Une composition des plus adéquates. Sachant pertinemment qu'elle comprendrait le message, bien trop maligne pour cela.
Pourtant, quand je la vis descendre les escaliers dans sa robe de mousseline blanche à l'allure d'une ballerine du lac des cygnes, mon cœur rata surement un ou deux battements. Qu'elle soit belle est une chose, mais sa présence, allez au-delà de la beauté. C'était une aura, cette fameuse auréole qui entoure celles et ceux qui se sentent fier et heureux d'être eux-mêmes. Cette attitude à la fois forte et joueuse m'avait directement interpellé lors de notre rencontre. D'autant plus que maintenant, c'est à mon bras qu'elle va parader toute la soirée. Ce sentiment de possessivité me rongea l'estomac, alors qu'il avait envie de clamer son honneur de l'avoir. Un mensonge, on ne possède pas quelqu'un, on le conquiert. Un détail qu'elle a dû oublier lorsqu'elle nous a commandé à nos géniteurs.
Une fois à ma hauteur, sa gouvernante lui posa sa cape sur le dos avant de la lisser. Lui baisant sa main, gantée par automatisme, même si, à mes yeux, c'est l'unique manière de saluer une dame. Ce geste semble lui plaire plus qu'elle n'essaye de le laisser paraître.

— Vous êtes renversante, darling, ne pus-je m'empêcher de lui dire à la fois par politesse, mais aussi, car cela aurait été un affront de ne pas le souligner.
— Un compliment que je vous retourne volontiers, rougissant légèrement en dessous de son blush.
— Milady, lui tendis-je mon bras pour l'accompagner jusqu'à la voiture.

Une fois à l'intérieur accompagné de son majordome, je ne pus retenir mon regard de se poser sur elle à travers le reflet de la fenêtre teinté. Observant les paysages citadins défilant à la lumière des néons. Depuis que Nick nous avait confié ce qu'il avait découvert et fait, mon intérêt pour la complexité de son esprit n'a fait que s'affûter. C'est un être de pure logique fonctionnant sur le raisonnement que toute à une solution et une explication. Un trait de caractère qu'elle partage avec Levy. Son besoin de contrôle étant la raison principale de son processus de sélection de prétendant. Malgré cela, il semblait résonner en elle quelque chose d'intense et de passionnel ne demandant qu'à sortir. Ce même feu régnant dans les veines des jumeaux. Avec ce même talent artistique qu'Eiji. Me faisant émettre l'hypothèse de la raison pour laquelle elle nous avait choisis. Chacun de nous incarnant une partie d'elle.
Arrivé à la réception, une grande partie des regards se tourna mécaniquement sur nous. L'héritier de la famille Stuart avec à son bras la future impératrice des Lancastre, cela avait de quoi faire parler. J'avais l'habitude d'attirer l'attention alors cela ne me fit ni chaud ni froid. Néanmoins, il paraissait évident que ce n'était pas son cas, privilégiant l'isolement pour œuvrer dans l'ombre que les grandes réceptions publiques. Qui le lui reprocherait, se mêler à ses gens sans valeur morale n'est un plaisir pour personne. En tout cas pas pour moi. Mais comme tout bon acteur, il suffit de rentrer dans le personnage.
Cherchant à la rassurer dans une certaine mesure, je me mis à caresser sa main accrochée à mon bras à l'aide de mon pouce. Ce geste tendre la perturba, cependant elle ne laissa rien transparaître à eux, pour ma part, je le voyais dans ses yeux. Ses magnifiques yeux.
Ma famille possède l'art et la manière de se faire voir. Associant la tradition britannique au faste dû à notre rang. Mon paternelle a toujours aimé faire savoir son titre à l'inverse de ma mère qui ne le sort pas à chacune des personnes qu'elle rencontre. Elle n'en a pas vraiment besoin, son allure et ses manières renferme à eux seuls toute la condescendance et la méprise des gens de la haute. Après tout c'était elle la duchesse, pas de méprise, ce dernier est aussi issu d'une famille noble, mais c'est un second fils alors que ma mère est fille unique descendante d'une branche de la famille royale d'Ecosse et d'Angleterre. Le choix fut vite fait.
Le lieu choisi pour la réception était un musée d'art à l'allure de palais style français. Sûrement un immigré francophone venu en Amérique en quête de liberté après les guerres de religion ou pour toutes autres raisons. Les jardins structurés avec une symétrie des plus parfaites à mes yeux, la quintessence de la beauté même. Je suis britannique, mais j'ai une préférence pour les méthodes architecturale et florale des français, plus équilibrées à mes yeux. Ce dernier illuminé par des lanternes lui donnait une allure féerique. Assurément une requête de ma sœur, une grande rêveuse. Une anomalie dans cette famille. Entre moi et mes deux autres frères absents lors de la rencontre maritale et les deux jumeaux jumelles, Daphné est sorti tout droit d'un conte de fée. C'est précisément pour cela que père la méprise plus que n'importe lequel de ses rejetons. S'il devait avoir une préférence, ce serait très certainement le frère qui me suit dans l'ordre dès naissance, sa parfaite copie. Si je n'étais pas l'ainé, alors, je suis sûr qu'il en aurait fait son héritier, mais la tradition le lui impose.

Acte 1 : pour la main de Médée ( reverse harem )Où les histoires vivent. Découvrez maintenant