Acte 1 : pour la main de Médée ( reverse harem )

Chapitre 6: Médée

Pdv: Médée

Farfouiller les données de la police et des services secrets mondiaux était la spécialité de Mimi. Comme elle le dit si bien, "un secret n'en est pas un pour moi". La voir trépignante sur sa chaise comme une adolescente devant son premier amour était assez amusant, je dois dire. Magda roula des yeux, consternée par son attitude. Il faut dire que les deux étaient à l'antipode l'une de l'autre et pourtant, je sais qu'elle l'aime comme si elle était son enfant. Dans le salon, je pouvais entendre le soldat jurer en russe, concentré sur ses notes. Tout comme moi, il porte des lunettes lorsqu'il doit lire ou être sur un écran longtemps. Sa manière de froisser les sourcils alors qu'il se concentrait, ses boucles tombant négligemment sur son visage, le rendait particulièrement beau à observer. À l'inverse de ses jumeaux, celui-ci ne se cache pas derrière un masque, une dose d'authenticité à l'état brut. Son poing qu'il serre et desserre pour se détendre, sa respiration lourde, cette flamme dans ses yeux verts transcendant l'air ambiant, le rendant aussi brûlant que lui.

Remarquant que je l'observais avec une attention toute particulière, il releva les yeux pour rencontrer les miens. Nullement gêné d'avoir été démasqué, je le soutiens avec un petit sourire amusé. Malheureusement pour moi, cela dut l'agacer, car il prit ses affaires et quitta la pièce presque en claquant la porte.

— Cela doit être un de vos talents cachés de savoir agacer avec tellement de hargne les gens, annonça un timbre de voix que je n'avais pas entendu depuis un moment.

— Aussi étonnant que cela puisse paraître, je ne le fais même pas exprès, précisais-je en tournant la tête vers mon interlocuteur qui reposait gracieusement sur le fauteuil à côté de moi.

— Ce n'est clairement pas ce qu'il croit, continua-t-il en nous versant à tous les deux du thé.

— Il m'imagine en grand méchant loup attendant le bon moment pour vous dévorer, poursuivais-je son propos.

— Je dirais plutôt en sorcière qui enferme les pauvres petites âmes que nous sommes dans des fioles en verre, rectifia le Lord en me tendant ma tasse.

— Je ne suis pas un être très adepte de la spiritualité, le remerciai-je d'un signe de tête.

— Pour des gens tels que nous, ce qui est du ressort de la croyance ne nous intéresse pas, ou alors il faudrait assumer le fait que l'on ne peut pas tout contrôler, exposa ce dernier sa thèse avant de tremper ses lèvres dans ce thé au noté de cannelle et de clou de girofle.

— Touché, conclus-je avec un petit sourire en coin que j'essayais de dissimuler derrière ma tasse de thé

— Aimez-vous l'escrime ? changea le prince de sujet.

Intrigué, je penchai la tête et lui sourit pour en savoir plus.  Mais au lieu de me répondre, il me tendit la main tel un gentleman, avant de me guider vers la voiture. Il donna des indications aux jumeaux qui hochèrent la tête en accord, puis il me rejoint à l'arrière de la limousine.

— J'espère que votre majordome en chef ne le prendra pas comme un affront ? Question rhétorique à laquelle je répondis quand même.

— Il a dû s'absenter quelques jours.

Et puis, vu qu'il n'y a même pas deux jours, je m'étais enfuie sans escorte avec la reine, j'imagine que cela est plus dans les goûts de Sebastian.

William Stuart, héritier de sa lignée, est l'incarnation même du gendre par excellence. D'une beauté britannique absolument renversante, des manières des plus exquises et pourtant en lui sommeiller une des personnes les plus manipulatrices et calculatrices qui soient. Chaque geste d'attention, chaque mot est analysé par une sorte de programme dans son esprit. Lui en tenir rigueur serait hypocrite de ma part, mais fait de lui le plus coriace de mes adversaires.