Chapitre 18 : Médée

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P.D.V : Médée

Les remords sont une chose bien désagréable. Se traduisant sous forme d'urticaire invisible, parsèment le corps de sa victime pour la pousser à ressentir une démangeaison viscérale, lui coupant autant l'appétit que le sommeil.

Voilà le problème quand l'on possède un esprit qui suranalyse tout et qui repasse en boucle tel un magnétoscope chaque scène de votre existence. Cherchant à décortiquer chaque réaction, parole, geste que les acteurs jouent dans la pièce. Pour ensuite en modifier les paramètres et supposer un scénario différent. Une fâcheuse habitude reposant sur des spéculations inutiles tant que je n'aurais pas trouvé le moyen d'utiliser le carburant temporel en machine à voyager dans le temps autre que par les gènes. Mais pour l'heure, rester allongé dans mon dressing à observer le projecteur astral suffit à apaiser mes tensions de 23,56 %.

Discrètement, je pus sentir la présence de Sebastian s'allongeant à mes côtés. Je pense qu'il n'a jamais compris en quoi cela pouvait m'apaiser, pour lui seul, occuper son esprit peut être perçu comme une émancipation de notre réalité. Une pensée que je partage, néanmoins cette habitude me venait de Phèdre. Une forme de ficelle me retenant à ce passé aussi doux que tragique.

— Vous avez agi de manière impulsive hier, cela ne vous ressemble pas ? Sa question détournée finit par briser mon petit havre de paix.

— Pourquoi ne pas m'avoir prévenue de la présence de la reine hier ? ignorant magistralement sa remarque.

— Telle était la volonté du maître, je me dois d'y obéir.

Son mensonge aurait passé avec une autre que moi, ce qu'il comprit au vu de son petit sourire.

— Il était important qu'il se rende compte des enjeux, mais surtout de votre situation, du fait que comme eux, vous êtes pieds et poings liés, l'entendre dire ses mots ne fait que confirmer ma sottise pour cause de fierté mal placée.

— Donc le traptnar sembler être à tes yeux l'option la plus adaptée des solutions, soupirais-je, blesser par sa méthode qui me rappelle une fois encore sa manière de me couvée.

Phèdre faisait de même. M'enfermant dans une bulle d'illusion pendant qu'elle tira toutes les ficelles autour de moi. Ce qui a fini par lui coûter absolument tout.

— Je t'interdis formellement de recommencer à prendre de telles décisions à ma place, me suis-je bien fait comprendre ? Ce timbre d'outre-tombe est sûrement celui que je n'utilise qu'en cas de grande nécessité, appartenant à mon rôle d'Agrippine, froid, autoritaire et sanguinaire.

Sebastian connaissait chacun des rôles que je concevais en m'inspirant de mes pièces de théâtre préférées. Par conséquent, comme tout bon confident, sa manière de s'adapter à mes caprices lui vient aussi rapidement que de respirer.

— Vos désirs sont les miens mademoiselle, finit-il par approuver ma demande tout en restant là avec moi encore quelques heures, rêvant de ce qu'auraient été nos existences si nous n'étions pas des personnages de tragédie

Après l'entrée en scène de ma version de la vilaine, une envie soudaine de renouveler mon stock de costumes me prit. M'apprêtant avant de me rendre chez Lady De Maintenon accompagné de Magda, je vis le soldat me suivre dans la voiture avant de la refermer sur nous sans un mot. Partageant un regard interloqué avec ma gouvernante, j'attendais une explication qui ne sembla pas venir.

Reculant dans son siège pendant qu'il joue de ses mains à la recherche d'une manière d'évacuer toute la tension accumulée dans son corps. Le souvenir de ce qui s'est passé dans ma chambre jaillit dans mon esprit si vivement que j'en sentis presque ses mains presser contre mes hanches. Nickolai Macklovitch est un géant autant en taille qu'en muscles, sportif de haut niveau, il a passé toute son existence à tailler son corps avec hargne. Tout en lui respirant un brasier infernal dont rien ne pouvait l'éteindre, cependant la violence gratuite lui fait horreur Devenue vegan depuis maintenant plusieurs années, refusant de se battre pendant son adolescence hormis pour défendre ceux qui ne le peuvent. La raison de cela me parait évident, avec une enfance comme la sienne, j'imagine très bien les expériences traumatisantes qu'il a dû subir. Ce paradoxe ne fait que le rendre plus séduisant encore. Si nous nous étions rencontrés dans d'autre circonstance, que je n'étais pas celle que je suis, je suis sûr que j'en aurais été éperdument amoureuse.

Acte 1 : pour la main de Médée ( reverse harem )Où les histoires vivent. Découvrez maintenant