Chapitre 30

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Je n'avais allumé que la lampe au-dessus de mon miroir. Je lorgnais mon reflet, je me trouvais sale. Mon visage était recouvert de sang coagulé, celui de William. Mes yeux, perdus dans le vague, n'exprimaient que le néant de mon esprit. Mes traits étaient tirés et, dès que j'essayais de bouger mes lèvres, un rictus malveillant prenait forme. Je ne pouvais qu'appuyer la décision de Chris. Je m'étais laissé consumé par ma rage. Il avait été témoin de « mon vrai visage » une fois de plus, une fois de trop. Qui pourrait aimer quelqu'un comme moi ? Sûrement pas lui. Lui qui symbolisait le calme et la droiture. J'étais son contraire, son négatif. J'avais été présomptueux.

Je ne pourrais jamais oublier son regard lorsqu'il avait mis fin à notre relation. Tristesse et peur s'y mélangeaient. La dernière chose que je souhaitais c'était lui inspirer de la crainte et pourtant, je le réussissais si bien. Depuis le début, je savais que ce moment allait arriver, que j'allais tout gâcher. Une évidence, même Lydia m'avait prévenu. Je m'étais obstiné à garder la raison, à me détacher, malheureusement, je m'étais laissé séduire par un avenir improbable. Je l'avais entrevue, ce futur où je ne marchais plus seul, où il restait à mes côtés. J'en étais si proche, j'avais touché le bonheur de la pulpe de mes doigts. C'était bien plus que ce que je pouvais ne serait-ce qu'espérer. Après tout, ces quelques mois m'avaient procuré un second souffle.

Non, je n'allais pas abandonner aussi facilement. Non je n'allais pas tourner le dos à ce nouvel objectif. J'avais couru après le pouvoir pendant des années, ne laissant aucun obstacle ternir ma détermination. Il en était de même ici, si je devais recommencer à zéro, je le ferai. S'il devait encore me détester, grand bien lui fasse. Je ne m'avouerais pas vaincu, j'avais besoin de son sourire, de ses yeux tendres, de sa douceur. Je le connaissais, il ne pouvait pas balayer nos échanges charnels aussi facilement. Si je me trompais, si, pour lui, rien de tout ça ne comptait alors, je… Je le laisserais. J'avouerais ma défaite. Je partirais de cette foutue ville pour qu'il y vive en paix. En attendant, dès demain, je reprendrais contact avec lui pour m'excuser de tout.

Décidé, je me glissai sous la douche. De l'eau chaude, presque brûlante pour laver mon corps et, je l'espérais, mon âme. Je grattais les croûtes de sang avec mon savon en revivant les événements du soir. Après m'être fait rejeter, Malia m'avait reconduit jusqu'ici. Elle avait gardé le silence, aucune question, aucune remarque. Chris, quant à lui, était reparti avec Scott et Isaac. Derek, Stiles, Alexis et Liam étaient restés sur place, pour « nettoyer ». Le reste m'importait très peu Je n'avais pas retrouvé mon statut et j'avais perdu ce qui me faisait vibrer.

« Bien jouer Peter, tu as rarement fait si fort en quelques heures. » me moquai-je de moi-même à haute voix. L'eau reprit sa teinte translucide, m'indiquant ainsi que j'étais aussi propre que possible. Je sortais de ma salle de bain, le corps toujours bouillant. Ça recommençait. Je vacillais jusqu’à mon lit, une fois devant, je m’y effondrai. Je tendis la main tremblante vers mon téléphone, je devais le joindre. Il n’y avait que lui qui pouvait calmer l’ouragan qui se déchaînait en moi. Je le suppliais intérieurement de répondre. Juste l'entendre respirer ou râler, peu importe, du moment que sa voix résonnait. Il ne décrocha pas, me laissant en tête à tête avec son répondeur, et merde. Je ne pouvais compter que sur moi pour cette fois.

« Christopher, aide-moi. » susurrai-je avant de sombrer dans un sommeil désastreux.

Je me retrouvai, de nouveau, devant mon ancien manoir, le loup me fixait toujours. Il était assis, attendant sûrement que je vienne à sa rencontre. Peut-être que je pouvais m’approcher, je n’avais plus grand chose à perdre. Je fis deux pas en sa direction avant d’apercevoir de la neige grise dégringoler du ciel. De la neige grise ? J’ouvris les doigts et des flocons se perdirent sur ma paume. Ils ne fondirent pas. Si ce n’était pas ça alors… Je fis volte-face, la maison familiale des Hale se faisait dévorer par les flammes. Des cendres, des parties de mon passé. Et j’en avais partout sur moi. Plus j’essayais de les enlever, plus il en pleuvait. Je ne voulais plus être ce témoin impuissant. Je cherchai désespérément de l'aide, me tournant vers le canidé qui n'avait pas bougé. Il semblait me juger. Soudain, dans un silence de mort, des voix résonnaient. Des cris de douleur. Leurs cris. Je ne voulais pas les entendre. C'était trop pour moi, c'était ma souffrance qu'ils véhiculaient. Le loup se révéla, fit demi-tour et s'enfonça dans les bois, me laissant seul. J'étais bloqué, immobile. Je ne pouvais que les écouter. Je tombais, les mains sur les oreilles. J'y restais longtemps, dans leur sadisme, les minutes se déguisaient en heures. Mon enfer se termina et j'étais de retour dans ma chambre.

Destins croisés / PetopherOù les histoires vivent. Découvrez maintenant