Chapitre 1 - Mission de routine

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Pauline s'ennuyait.

Elle avait posé son Samsung sur ses genoux, et regardait des vidéos sur TikTok. Il n'y avait pas grand-chose à faire d'autre, dans ce train, avant de parvenir à Périgueux. Elle avait promis à sa grand-mère de passer la voir. Elle aurait dû y aller bien avant, un week-end où elle n'avait pas prévu de sortir. Mais bon, elle avait toujours trouvé quelque chose de mieux à faire. Entre un moment avec Max, ses concerts, son T3 avec le lit KingSize, ou la visite de mamie Rosie, ses chats et ses conseils sur sa vie sentimentale datant du paléolithique, c'était vite vu. Mais nous étions en Juillet, et cette fois, Pauline n'avait pas pu se défiler. Elle contempla son nouveau crop top de chez Jennyfer en se demandant si mamie Rosie allait lui faire une réflexion à ce sujet. Il faisait chaud, dans ce train...

Son regard se posa une nouvelle fois sur le passager en face d'elle. Un homme. 25 ans, ou pas loin. Un brun aux mèches un peu trop longues, avec des yeux intenses, un nez fin qui avait dû être brisé, et une bouche charnue et sexy... Elle craquait aussi pour la cicatrice juste au niveau de son sourcil droit. Pauline retourna à son téléphone. Elle n'avait pas envie de passer pour une mateuse. Rien à voir avec Max, mais bon, cela aurait été plutôt à lui de la regarder, car elle savait qu'elle était jolie. Mais non, il griffonnait sur un carnet comme un mec du 20eme siècle. D'ailleurs, à le regarder de plus près, il avait un style ringard. En tous cas bizarre. Il avait de grosses Dr Martens poussiéreuses. Un jeans noir et fit. Jusqu'ici pourquoi pas, bien qu'il dût crever de chaud. Mais c'était son haut, une chemise noire et un pull col en V. En Juillet, vraiment ? Pauline regarda au-dessus de leurs têtes : il avait déposé un long manteau, noir lui aussi... et une écharpe ?! Il y avait aussi une sacoche en cuir et une canne. Pauline retourna à ses vidéos TikTok. Ce mec était carrément bizarre. Mignon ou pas, elle n'avait pas envie qu'il lui parle. Un bon look de taré, cela voulait souvent dire qu'on était taré, il ne fallait pas toujours chercher la complexité.

Gregor prenait des notes sans trop de conviction. Il cherchait surtout à occuper son esprit. Il se demandait encore ce qu'il fichait là dans ce train. Les instructions de Margot avaient été claires pourtant, bien qu'énigmatiques, comme toujours. Il devait se rendre à la gare de Libourne par le rail. Là-bas, il la trouverait. Il devait se vêtir chaudement, et prévoir de quoi se défendre à l'ancienne car la technologie ne fonctionnerait pas. Ok, pourquoi pas... Une fois à l'intérieur, elle lui avait demandé de récupérer une lanterne d'aspect particulier. Il ne devait pas regarder à travers ni chercher à l'allumer. Comme s'il avait envie de s'en servir ! Gregor savait quel était son boulot, et ce n'était pas d'être curieux.

...En tous cas, il l'était moins que la fille, juste en face de lui, qui lui jetait des regards par-dessus son téléphone. Il lui décocha un petit sourire qu'il espérait cool et séduisant. Mais elle l'ignora et se plongea dans la contemplation de son écran.

On arrivait en gare de Libourne. Gregor attrapa ses affaires et quitta le wagon sans un regard pour la jeune fille. Il était déjà concentré sur sa mission. Seigneur, qu'il avait chaud !

Il s'éloigna rapidement du quai principal et sortit de la gare. Juste après le bâtiment, il s'arrêta et ferma les yeux. Il huma l'air sec et brûlant. Oui. Il la sentait. Elle était bien là. Margot ne s'était pas trompée, comme à son habitude. Les sens en alerte, il se concentra sur son pouvoir. Elle était toute proche. Bien dissimulée, mais présente. En tous cas, elle ne lui échapperait pas. « Entre le gros arbre et les chiottes publics » lui avait écrit Margot, avec le sens de la concision qui la caractérisait. Gregor marchait comme un zombie. Heureusement pour lui, il n'y avait personne. Sinon, il serait passé pour un fou, habillé pour le froid et en train de piétiner les yeux mi-clos. Il la sentait, toute proche. Petit grésillement caractéristique de la faille pourtant habilement cachée. Il se rapprocha de quelques mètres et enfin il la vit. Un trait de lumière pâlichon et bleuté. Il approcha sa main. Il percevait un froid glacial. Il aurait peut-être dû prévoir des après-skis et un manteau plus chaud... Gregor ferma son col, ajusta son écharpe, et se glissa à l'intérieur de l'instance.

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