Nos Ombres Rouges - TOME 1 ( Corrigé )

XXVI. Le marionnettiste

Ce gala rassemble toutes sortes de gens habillés magnifiquement, chacun joue le jeu du parfait gentleman ou de la parfaite femme d'affaires. Mais derrière ces sourires faux, je devine aisément la sournoiserie et la dangerosité des convives. Je ne suis pas à ma place, mais Milo l'est. Depuis deux heures que nous sommes ici, il passe de conversations en conversations comme s'il avait fait ça toute sa vie. En même temps, c'est le cas, si je ne me trompe pas.

Comme prévu, il me présente comme sa femme et j'acquiesce. Je ne prends pas part aux discussions, mais j'écoute, au cas où le nom d'Isaac serait prononcé. Puisque je ne l'ai pas encore aperçue et que cela me paraît bizarre. La mère de Milo, dont le prénom est apparemment Isabelle, s'est présentée avec son ami Marshall, tout aussi pompeux qu'elle, il y a une demi-heure. Elle ne m'a pas adressé la parole, si ce n'est quelques remarques désagréables auxquelles je n'ai pas accordé d'attention ; trop absorbée par l'arrivée imminente d'Isaac.

– On va chercher à boire. Milo s'excuse avant de me tirer avec lui.

Nous éloignant de la foule, j'appréhende la question qu'il va me poser, puisque je ne compte pas lui répondre.

— Qui ? demande-t-il avec aplomb.

– Qu'est-ce que tu veux dire ? Je réponds sans oser croiser son regard accusateur.

— Me mens pas. Tu surveilles la porte depuis deux heures, Nikolaï ne sera pas là ce soir, il se terre dans son trou depuis des mois.

– Oui, je sais bien, mais ça m'inquiète quand même. Je mens.

Sans attendre plus de moi, il attrape deux coupes de champagne et m'en tend une en buvant une gorgée de la sienne.

– Ne bois pas, je ne suis pas apprécié par tout le monde ici.

J'acquiesce et fais semblant, comme lui, de prendre une gorgée. J'observe une fois de plus la porte et soudain mon cœur rate un battement.

Il est là.

Isaac avance confiant jusqu'au milieu de la salle où il ne tarde pas à se joindre à une conversation. Ses yeux bleus, teintés de folie ballaient la pièce à leur tour. Je m'empresse de baisser la tête, mais trop tard. Il m'a vu. Des tremblements de terreur me font replonger dans les expériences traumatisantes que j'ai pu vivre en sa compagnie.

J'avais imaginé beaucoup de scénarios : me cacher, prendre l'arme de Milo et la pointer sur Isaac en lui disant qu'il ne me faisait plus peur. Mais rien de tout ça ne me vient. Figée, mon regard ne peut se détacher du sien, noirci par le désir de retrouver son jouet. La voix lointaine de Milo m'appelle, mais je ne peux pas lui répondre.

Isaac me tient et il le sait, je transpire la terreur et nul doute qu'il le sens depuis l'autre bout de la salle. Je me retourne lentement vers Milo et fais tous les efforts possibles pour me raccrocher à lui, il me protège.

– Ne le laisse pas venir jusqu'ici. Je lui demande d'une voix tremblante.

Pas besoin de demander de qui je parle, il l'a repéré au moment même où je l'ai vu.

– T'as rien à craindre. Ce n'est pas Nikolaï. Tente-il de me rassurer.

– Elle est bien pire que Nikolaï. Il est prêt à tout pour me récupérer.

Je le sens sur de lui, mais contrarié par la situation, je lui ai menti. Et surtout, je lui ai caché que je serais plus en danger ici que dans n'importe quel autre gala stupide. En faisant ça, je le mets lui aussi en difficulté, Isaac n'hésitera pas une seule seconde à le tuer.

– Je suis à lui. Je continue complètement en transe.

Incapable de réfléchir, je m'efforce de trouver une solution.