I. Un deal pour une vie.

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Les barreaux de ma cage sont froids et je sens mes petits pieds se geler malgré la température de la pièce, comme à chaque hiver. Je me suis arrêtée de compter à six, c'était trop déprimant. Nikolaï m'a autorisé à aller me laver seulement ce matin. Pendant cinq heures et dix minutes exactement, j'ai dû garder le liquide collant et immonde de ces hommes sur ma peau. Mes cuisses, mes fesses et mon dos avaient été touchés. La drogue n'avait pas fait effet longtemps, je me suis donc réveillée en plein milieu de leur ébat solitaire, encore, c'est la trentième fois. Leurs mains immaculées, bien que si sales à mes yeux, essayent de me toucher à chaque fois. Je ne le veux pas, alors je me recroqueville comme je le peux au fond de ma cage aux barreaux dorés, mais les chaines à mes chevilles et mes poignets ne me permettent pas d'aller très loin. Heureusement, ils n'arrivent jamais à m'atteindre, ça leur est interdit de toute façon, c'est la première et seule règle : Faites-lui ce que vous voulez, mais aucuns contacts directs.

Je suis « entreposée » dans le bureau du maître, comme il aime que je l'appelle. Seuls les clients les plus riches ont l'autorisation de jouer avec moi. Mon corps est réservé à un fantasme bien particulier, la frustration. Plus on les empêche de me toucher, plus ils sont excités. C'est terriblement malsain, mais je n'ai pas le choix, mes nombreuses tentatives d'évasion se sont soldées par des punitions dont je me rappelle douloureusement et qui sont ancrées dans mes cauchemars les plus violents. Aujourd'hui Nikolaï paraît anxieux, depuis vingt minutes il est dans son bureau et ses pieds chaussés de ses richelieus noirs impeccablement cirés tournent en rond sur son tapis en peau d'ours devant moi. J'ai cru comprendre qu'il avait un rendez-vous important, mais je n'ai rien voulu savoir de plus, je ne serais pas à ma place et de toute façon, je ne parle presque plus.

Midi trente, c'est bientôt l'heure de mon repas et je vais encore me faire hurler dessus parce que je ne mange pas assez. Je n'aurais qu'à me boucher les oreilles. Nikolaï dit que je dois manger plus pour être plus attrayante auprès des clients, mais je n'ai jamais vraiment faim.

Dix-sept heures vingt-trois exactement, deux groupes d'hommes se sont servis de moi aujourd'hui, sous le regard attentif du maître, et je n'ai pas pu me doucher pour l'instant, mon corps me dégoûte, je suis poisseuse. Nikolaï me tend à mon grand étonnement une couverture pour couvrir mon corps habillé de cette nuisette rouge habituelle. Je ne comprends pas cet élan de bonté, mais ce geste tendre, si on peut le qualifier comme ça, mêlé à la douceur de la couverture noire épaisse crée une boule de chagrin dans ma gorge. Je suis fatiguée et cela faisait si longtemps que je n'avais pas pu cacher mon corps comme je le voulais, que je pleure de douleur ou de joie, je ne sais pas, un peu des deux sûrement. Les larmes ne cessent de couler sur mes joues lorsque le maître me dit de me taire puisque des personnes importantes arrivent.

Lorsque ce que je suppose être des clients entrent dans le grand bureau, je me recroqueville sur moi-même sans les regarder, le maître est bizarre. Peut-être que cette fois ces personnes vont me toucher. Je sers fort la couverture sur mon petit corps et la remonte jusqu'à mon menton. Nikolaï ne serait pas content que je cache mon visage qu'il trouve « si joli ». D'ailleurs, j'entends sa démarche claudicante faire son entrée dans la pièce à la suite de ses invités.

– Alors, qu'as-tu à proposer, Nikolaï ? Lance une voix forte et dure qui me fait sursauter.

J'ouvre les yeux, trop curieuse, deux hommes se tiennent debout, droits et menaçants, dos à moi. L'un observe les environs d'un air curieux, il est très grand, comme l'homme brun, mais paraît moins mauvais avec ses cheveux blonds frisés. Son regard bleu azur se balade sur le mur derrière moi et tombe inévitablement dans le mien. J'ai peur, je n'ai pas le droit de regarder un homme dans les yeux, mais il n'a pas la même expression dégoûtante que je vois d'habitude. Elle a l'air horrifiée. D'un coup de coude, il fait signe à son ami de regarder dans ma direction. Celui-ci se retourne vers ma cage, je ne le regarde pas, lui me fait peur. Je me sens misérable, assise enfermée dans cette cage dorée enroulée dans ma couverture noire.

Un silence lourd s'abat sur la pièce.

– C'est ça qu'on prend, on la prend, elle. Dit une voix que je devine être celle du blond. Je me fige, ils vont me violer.

– Non ! S'écrit Nikolaï. Elle est ma plus grosse source de revenu ! C'est Hors de question !

– Youri ! NON ! Hurle la voix du brun avant qu'un bruit de casse ne retentisse.

En ouvrant les yeux, tremblante, j'observe le maître tomber à la renverse inconscient devant son bureau, le nez en sang.

– Milo ! On l'emmène avec nous ! Rugit le blond, son collègue semble réfléchir.

– Bien, on la prend, ça sera ta punition pour avoir essayé de nous voler.

Punition

Punition

Punition

Punition... Lui aussi donne des punitions, je ne peux pas partir avec lui. Je ne suis en sécurité nulle part, j'ai peur, je suis en transe.

J'entends la porte de ma cage s'ouvrir et des bras puissants attrapent ma taille pour m'obliger à en sortir. Mon corps refuse de bouger, de me défendre, alors je hurle, je hurle aussi fort que je le peux, quitte à m'en broyer les cordes vocales. Mes jambes endolories ne me permettent pas de rester debout et je m'écroule au sol sous le regard des deux hommes. J'ai honte. J'ai tout juste la force de garder ma petite couverture douce contre moi. Des cheveux effleurent mon front avant que des bras larges entourent mon corps pour me porter. Une odeur inconnue emplie mon nez avant que je ne m'évanouisse, d'épuisement et de terreur.

Qu'adviendra-t-il de moi maintenant ? 

Nos Ombres Rouges - TOME 1 ( Corrigé )Où les histoires vivent. Découvrez maintenant