XX. Solitude bienvenue.

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09 décembre, 8 h 00, WAGONER.

J'ouvre les yeux, réveillée par la lumière froide du soleil de décembre. Le corps engourdi, j'attrape maladroitement le téléphone que m'ont laissé les garçons. Il indique huit heures du matin, l'heure du petit déjeuner, la faim me tiraille le ventre.

Encore ensommeillée, j'observe la chambre, les événements de la veille me reviennent en tête. Milo et moi, ça a dérapé et ça a très mal fini.

Merde...

Est-ce qu'il m'aurait frappé ?

Comme hier soir, cette question me tourmente : est-ce qu'il aurait pu lever la main sur moi ? Ma tête et mon corps, traumatisés par des années de violence, me répondent oui. Pour mon cœur, c'est une toute autre histoire.

C'était une souffrance nouvelle, mais pas totalement inconnue, ce sentiment de trahison après avoir laissé un homme accéder à mon corps.

J'ai honte.

Honte de moi et de ma faiblesse.

Et cette honte décuple ma souffrance, je n'aurais jamais, jamais dû remettre en doute mes premières impressions sur Milo, dans ce bureau. Il me faisait peur, sa froideur était mortelle et elle l'est toujours, rien n'a changé.
Il ne changera pas son comportement pour moi et j'ai été stupide d'espérer qu'il soit sur la même longueur d'onde que moi.

La place du lit à côté de moi est froide, Milo n'a pas dormi avec moi. Il est endormi sur une chaise, à l'angle de la pièce.
Sa présence hérisse le poids de mes bras, la colère et la souffrance que je ressent ne font pas bon ménage, surtout quand il s'agit de lui.

Je m'extirpe des draps, le corps engourdi, en regrettant les miaulements de Bastet. Il me manque, mais il n'aurait pas été en sécurité ici et je doute que les longs trajets qui nous attendent lui auraient plu.
Sur la pointe des pieds, je rejoins la salle de bain pour me doucher et enfiler de nouveaux vêtements, un pantalon beige fluide, un top et un pull en laine. De quoi me tenir chaud.
Mes traits sont tirés et fatigués, mes yeux sont rouges et bouffis par les larmes, qui ont sûrement continué de pleuvoir dans mon sommeil.

Je sors de la salle de bain assez rapidement, ne voulant pas rester trop proche du brun qui dort toujours profondément. J'ai faim et j'ai repéré le réfectoire de l'hôtel hier soir en arrivant devant l'accueil. Pourquoi ne pas y aller ?
Faire une chose seule, pour une fois. Ça me ferait du bien.

Je récupère mon téléphone laissé sur la table de chevet. Et me dirige toujours à pas de loup vers la porte d'entrée. Cette fois-ci, je prie intérieurement pour que Milo ne se réveille pas. Je n'ai aucune envie de le confronter et surtout aucune envie de lui parler. Il m'a énormément blessé, j'ai toujours honte de lui avoir laissé un accès à moi hier soir.

Ça n'aurait jamais dû arriver...

Sur le couloir extérieur de l'hôtel, je reste aux aguets : les hommes qui nous suivaient en voiture hier ont peut-être pu nous suivre jusqu'ici. J'entends que ce n'est pas prudent de me promener seule, mais j'en ai marre de tout ça, c'est pour ma protection, enfin je le pense, mais j'ai besoin de respirer, vraiment.

Milo m'étouffe, sa présence menaçante m'étouffe. Je veux être un peu tranquille, pouvoir réfléchir et faire quelque chose de mon propre chef. Et descendre prendre mon petit-déjeuner seule dans un hôtel est une première étape.

Le réfectoire a bien été ouvert pour le petit-déjeuner, cinq tables sont déjà prises. J'observe les autres clients prendre leur café et leurs viennoiseries en essayant d'imaginer leur vie. En sachant qu'ils ne pourront jamais imaginer la mienne.
Je les imite en espérant ne pas faire de pas de travers. Mon chocolat chaud et mon croissant en main, je m'installe sur une table proche de la porte, à l'écart des autres résidents.

Nos Ombres Rouges - TOME 1 ( Corrigé )Où les histoires vivent. Découvrez maintenant