VI. Givre et colère.

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Et vais me coucher dans un silence de mort.

...

Cinq jours se sont écoulés depuis ma tentative de... Je suis incapable de le prononcer, ce mot, comme ce prénom. Même mon cerveau en a peur, puis j'ai des phases où j'ai l'impression de m'observer de haut. Je fais des cauchemars, beaucoup de cauchemars où elle est là, elle m'attend alors que Milo n'a pas pu me rattraper à temps. Les réveils en sueur dans le lit après avoir eu l'impression de tomber dans le vide, ils me fatiguent tellement, je ne me rendors jamais.

La soirée prévue par le blond a été repoussée à ce soir puisque j'avais la « grippe ». Il est quinze heures et je suis allongée dans mon lit à regarder le plafond, ma couverture noire et le livre que j'avais choisi dans la bibliothèque de mon nouveau maître à côté de moi sur l'oreiller. Il ne m'adresse plus la parole d'ailleurs, ni ne me regarde. Comme s'il ne me voyait pas, j'ai eu peur au début d'être vraiment morte et que je sois devenue une sorte de fantôme qui n'accepte pas son départ. Mais mes craintes se sont évanouies quand Youri m'a adressé la parole après deux jours sans nouvelles. Il s'en voulait terriblement de m'avoir entraîné dans ses bêtises, je l'ai bien sûr rassuré en lui confirmant que j'étais tout de même très heureuse d'avoir fait cette sortie. Son visage s'est illuminé, j'adore quand il est comme ça, et m'a pris dans ses bras. J'ai mis du temps à lui rendre son étreinte, mais il n'a fait aucun commentaire. Je me lève lentement, il faut que je bouge et que je me dégourdisse les jambes. Après des années assises dans une cage et peu d'occasions de marcher, je devrais adorer ça, je devrais, mais je n'en ai pas la force, pas l'envie. Une seule chose me motive sincèrement, la prise de mes médicaments. Ils me soulagent et je ressens les effets du sevrage chaque fois que je les oublie.

Arrivé dans la cuisine, je trouve un post-it blanc collé sur l'îlot.

« Je reviens dans 20 min, sors pas. »

Milo

Quelle attention ! Ce n'était pas la peine de me prévenir, je remarque à peine sa présence et c'est en grande partie à cause de lui. Ces heures entières passées dans son bureau et sa détermination à m'ignorer, partagée, y sont pour beaucoup. Un verre à la main, je fixe le morceau de papier en finissant d'avaler mes cachets. Et si je répondais ? Ni une ni deux, j'attrape le stylo qu'il a sûrement utilisé et note simplement « D'accord ».

Il a une écriture vraiment affreuse.

Du salon, j'observe la grande baie vitrée qui donne sur le jardin. L'herbe est givrée, il a l'air de faire froid dehors, mais j'ai très envie d'y faire un tour, juste un petit tour. Quand il dit « sors pas », ça ne concerne sûrement pas son propre jardin. Deux minutes après, sweat enfilé et baskets aux pieds, c'est Youri qui les a choisis, je fais coulisser la vitre. Le vent frais s'engouffre par l'ouverture que je m'empresse de refermer pour ne pas faire baisser la température chaude de la maison, l'herbe crisse sous mes semelles, c'est une sensation dont je n'avais plus connaissance, c'est amusant, mais de courte durée. J'entends une voiture dans l'allée, c'est sûrement Milo. De nouveau dans la maison, je regrette déjà la fraîcheur piquante de l'extérieur. Je retire à la hâte mes baskets blanches pour ne pas mouiller le parquet et quelques gouttes tombent au sol. Ça me rappelle le premier jour, quand je suis sortie en serviette de la chambre. Mais cette fois-là, j'étais tombé sur le blond. J'appréhende, je ne voudrais pas qu'il s'énerve sur moi. La clé tourne dans la serrure et laisse entrer Milo. Le mur séparant en partie l'entrée du salon ne lui permet pas de me voir, mais je n'ose pas bouger. Il avance dans la cuisine et pose un sac de sport sur le comptoir avant d'observer le post-it, avec ma réponse. Un sourire en coin étire sa bouche tandis qu'il le décolle de la surface du bois pour le mettre dans sa poche.

Nos Ombres Rouges - TOME 1 ( Corrigé )Où les histoires vivent. Découvrez maintenant