LES AFFRANCHIS - T2 : L'équilibre. 🔞

Chapitre 4

Théodora

Lorenzo remonta lentement ma fermeture éclair, puis posa ses lèvres chaudes dans mon cou, dans un doux baiser. J'avais une étrange impression de déjà vu, des bribes de souvenirs de cette salle de bain et de cette cabane le soir du bal, où les deux frères avaient eu ce même geste tendre. Pourtant, y repenser ne m'aidait pas à aller mieux. Non. Rien ne m'aiderait aujourd'hui.

La mine sombre, je fixai ma robe noire. Elle était superbe, je ne pouvais pas dire le contraire. Après une nuit agitée, où j'avais dormi seule dans cet appartement vide, Audrey m'avait aidé à choisir ma tenue ce matin dans une boutique ne centre-ville. Les manches de la robe en dentelle noire, sa taille marquée, sa longueur juste au-dessous des genoux, tout en elle était symbole d'élégance.

J'attrapai ma pince à cheveux et les relevai dans un chignon strict, puis je glissai mes pieds dans mes escarpins sombres, sous le regard attentif de Lorenzo qui s'était rassis sur le lit. Lui aussi était très beau. Vêtu d'un pantalon noir, d'une chemise du même coloris et de chaussures si cirées qu'elles reflétaient la lumière du lampadaire de la chambre, la seule touche de couleur chez lui était le violet de ses iris.

— Tu es prête ? me questionna-t-il, sa lèvre inférieure tressautante d'émotion.

Je me dirigeai vers la commode et récupérai la barre de céréales. Je la contemplai longuement, silencieuse.

— Maintenant oui, déclarai-je. Allons-y.

La cérémonie, qui rassemblait uniquement des sorciers, fut très belle et à mon grand étonnement, colorée et musicale. La majeure partie des amis de Chloé étaient revêtus de tenues qui mêlaient du rouge, vert bleu ou encore doré. Ils jouèrent du djembé et de nombreux autres instruments de musiques dont quelques-uns m'étaient inconnus. Certains hommes chantèrent. Sa maman aussi, les joues baignées de larmes. Cinthya était si belle ! Ses cheveux roux et bouclés, ses yeux violets, Chloé était le portrait craché de sa mère, bien que celle-ci soit plus grande et plus musclée.

J'appris qu'une première mise en terre avait eu lieu la veille, avec un cercueil vide, pour permettre aux humains d'assister à l'enterrement sans qu'il y ait un risque, pour eux ou pour nous.

Adam, une fois le groupe aux yeux violets et dorés au complet, était sorti de sa maison, habillé d'une tenue de cérémonie, si humble et stoïque malgré son deuil. J'avais voulu essayer de lui parler, mais mon ancien instructeur m'avait soigneusement évité, comme si ma présence l'incommodait. D'abord estomaquée par son attitude, je fus rassurée quand Cinthya m'avait soudain chuchoté à l'oreille :

— Il est très attaché à toi Théodora. Te parler va le faire craquer, alors il te fuit. Ne lui en veux pas, je t'en prie.

J'avais hoché la tête, surprise et touchée de comprendre la raison de l'attitude de mon instructeur au grand cœur.

Après de multiples chants, danses, poèmes et récits, après des lamentations des anciennes du village et des prières, le cercueil de Chloé fut mis en terre. Nombreux jetèrent de la terre, des fleurs ou des papiers avec quelques mots inscrits dessus. Quant à moi, je lançai ma barre de céréale en murmurant, les larmes ruisselant sur mes joues :

— Fais attention à ne pas avoir faim où tu es maintenant ma belle.

J'eus besoin de m'isoler un moment, alors j'allais marcher quelques minutes, observant les gorilles en cours de convalescence dans des secteurs grillagés. Puis revenant auprès de tous, je surpris Adrian, reconnaissable entre tous avec son large torse moulé dans son tee-shirt noir, discuter avec Adam longuement. Il se tramait quelque chose entre les deux.

— Il veut recruter Adam, m'expliqua Baz alors qu'il glissait un bras autour de ma taille.

Ce contact me fit du bien. Aucun des frères n'avait eu de geste tendre envers moi. Ils luttaient bien trop, tous, contre leur propre douleur. Comment leur en vouloir ? Moi, finalement, je ne la connaissais que peu comparée à eux ! Alors pourquoi tu fais encore ton égoïste hein ?