Chapitre 23 🔥

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Théodora

Je n'aurai jamais pensé qu'une simple chemise puisse être aussi désagréable. En grimaçant, je pinçai le tissu au niveau des épaules pour décoller le coton noir de mon dos. Autant le petit tatouage sous ma clavicule avait été facile, autant celui-là m'avait valu trois heures pas très sympas. Je souris, songeant à ses messages. J'avais hâte de le retrouver, heureuse qu'il ait bien voulu m'accorder un moment. Je l'avais contacté en sortant de la boutique de Ludvig le tatoueur, et il avait répondu immédiatement, se rendant disponible comme je m'y attendais.

En progressant dans la rue perpendiculaire à celle de notre immeuble, baignée par le soleil bas de ce début de soirée d'été, j'observai les Serbes qui vaquaient à leurs occupations. Étrangement, j'avais conscience que prochainement nous ne serions plus ici. L'affrontement approchait, et avec lui, toute une cascade d'évènements plus ou moins importants qui nous mèneraient à choisir une nouvelle voix, un nouveau lieu, une nouvelle vie. J'étais un peu nostalgique : je m'étais habituée à ce pays, à cette langue que j'entendais chanter, à cet immeuble. Lorsque je tournai au carrefour et vis l'entrée de notre chez nous, je soupirai. Non, peut-être que c'est une bonne chose finalement. Il y a trop de souvenirs... Ils y sont, eux... Un pincement au cœur me prit, et je secouai la tête comme si ce simple geste pouvait effacer mes pensées, gommer le visage d'Audrey, de Chloé, de Viktor et de Jodie. Peine perdue... La fatigue ne m'aidait pas. J'avais peu dormi, même si je m'étais assoupie rapidement, blottie dans les bras de Lorenzo. Je m'étais réveillée en sursaut bien avant que mon réveil programmé pour le tatoueur ne sonne. Abandonnant mon espagnol endormi entre ses draps, j'avais cherché Adrian en vain. J'avais alors préféré errer dans les rues de la ville avant de me rendre à mon rendez-vous, incapable de rester plus longtemps dans l'immeuble.

Serrant les dents pour que les larmes n'envahissent pas mes yeux, j'accélérai le pas et pénétrai dans le hall en saluant les deux gars de la sécurité qui me firent un léger signe de tête. Je passai par la cage d'escalier et grimpai au premier, maudissant ce fichu tee-shirt qui collait de plus en plus douloureusement à mon dos.

Je toquai et patientai, écoutant les pas résonner derrière la lourde porte en bois. Le battant s'ouvrit et le doux regard violet de Johan se posa sur moi. Un immense sourire illumina son visage :

— Bein dis donc c'est plutôt douloureux, gloussa-t-il. J'ai hâte de voir ça.

Les guérisseurs étaient impressionnants. Sentir la souffrance des autres et la supporter... Alors que je suivais Johan dans l'appartement qu'il partageait avec Julie et Franck, je songeais à ses capacités. Chloé un jour m'avait expliqué leurs ressentis étaient un plus compliqué qu'une simple douleur physique : c'était plus une sensation, une impression dans leur esprit. Mais tout de même... Ne pas ressentir les autres m'allait très bien. Je n'enviais ni Johan ni Paolo. Paolo... Où était-il ? Et Baz ? Leur absence, bien que récente, était une torture pour moi. J'étais si habituée à les avoir auprès de moi, gravitant dans mon quotidien, que les savoir loin de moi m'était insupportable. Surtout en ce moment, secouée par autant de souffrance et les sachant aussi mal. J'aurais voulu les serrer fort, leur dire que tout allait s'arranger. Mais est-ce que ça allait vraiment s'arranger ? Je n'en étais pas si sûre...

Je croisai soudain le regard de travers de Julie, qui était installée dans son grand canapé en forme de U, assise en tailleur avec une bière à la main. Putain c'est quoi encore son problème à elle. Alors que Johan m'indiquait le chemin de sa chambre d'un signe, je ne pus détacher mes yeux de la blonde qui m'analysait en plissant les paupières et pinçant les lèvres. J'ouvris la bouche pour la provoquer, mais me ravisait : Théo, ce n'est pas le moment si tu veux obtenir ce que tu es venue chercher ! Alors à la place, je lui affichai mon plus grand sourire, puis m'engouffrai joyeusement dans la chambre de son petit ami.

LES AFFRANCHIS - T2 : L'équilibre. 🔞Où les histoires vivent. Découvrez maintenant