Chapitre 18

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Théodora

— Adrian, emmène-moi à Moscou.

La voix de Baz avait brisé le silence, comme un coup de tonnerre. Allongé contre Paolo, il s'était levé brusquement, déterminé.

Depuis plus de deux heures, nous étions tous assis dans l'herbe, encore choqués. Nous avions quitté nos maques et capuches, de toute façon tout était trempé de nos larmes. La clairière était restée calme, aucun signe de ces enfoirés de sanguins ou tout autre membre du haut conseil ou de la garde. Ce rendez-vous avec coordonnées GPS était un date avec la mort, un aller simple pour l'horreur.

Le soleil se couchait lentement, teintant le ciel d'un rouge aussi sombre que notre colère. Julie s'était endormie dans les bras de Johan, épuisée par ses pleurs. Les autres étaient dans un état second : certains pleuraient, d'autres pensaient en scrutant les couleurs du crépuscule, l'herbe ou la montagne plongée dans la pénombre. Mais personne ne parlait, pas un seul son ne sortait d'entre nos lèvres. En même temps, qu'aurions-nous pu dire ? Il n'y avait rien à dire. Audrey était morte, Jodie aussi. Et avec elles, une partie de nous encore s'en était allée. La souffrance de Baz résonnait avec la nôtre, comme un funeste écho.

Paolo fixait Baz, incrédule. Je pouvais lire la panique dans son regard. Baz parlait-il de l'entrepôt ? Un souvenir bref de ce lieu, où j'avais eu besoin de me retrouver pour me ressourcer après Chloé, me revint en mémoire. Chloé, Viktor... Et maintenant Audrey. Pourquoi me sentais-je si détachée, si anesthésiée ? Est-ce à force de perdre des amis ? Est-ce qu'on s'habituait à la mort ? À la perte des êtres chers ? Je secouai la tête. Non... Quelque chose ne tourne pas rond chez moi depuis tout à l'heure.

Adrian se leva à son tour et épousseta son manteau, un air grave sur le visage. Il ne dit rien et il fixa notre télépathe, lui posant surement des questions que lui seul entendait. Lorenzo, sur qui j'étais calée depuis tout à l'heure, se redressa. Figé, il semblait à l'affut de ce qu'il se passait, prêt à intervenir.

— Emmène-moi, c'est tout, poursuivit Baz d'une voix sombre. J'ai besoin de temps. Je veux être seul.

Mon gorille hocha la tête, posa une main sur l'épaule de Baz. Le télépathe croisa mon regard, comme un dernier au revoir, puis tous deux disparurent dans la pénombre. Je vis Paolo se lever brusquement et faire les cent pas comme s'il attendait le retour d'Adrian avec impatience. Je le sentais bien trop angoissé. Je voulus me relever pour aller le rejoindre, mais Julie, qui était réveillée, me devança. Elle s'approcha de lui et entama une conversation à voix basse. Il chuchota, faisant des grands gestes dignes d'un italien. Je fronçai les sourcils : pourquoi Paolo semblait si agité ?

Adrian réapparu dans un nuage de ténèbres et notre italien lui fonça dessus. Je me levai, inquiète.

— Emmène-moi aussi ! lui hurla-t-il.

Adrian le jaugea, le surplombant de deux bonnes têtes.

— Il t'arrive quoi ? gronda-t-il à Paolo, ses yeux lançant des éclairs.

— Ad ! Je ne plaisante pas ! siffla Paolo, acerbe. Téléporte-moi auprès de Baz, tout de suite ! Il va faire une connerie !

— Comment ça ? demandai-je, inquiète.

Je m'approchai et le regard de Paolo passa de moi à Adrian, puis à Julie qui venait de s'avancer vers eux également. Le reste du groupe commençait à se lever, anxieux.

— Je n'ai jamais ressenti ça chez Baz, expliqua Paolo en fixant Adrian de ses yeux paniqués. Il était... Il est comme mort à l'intérieur. Quand tu l'as transporté, quand il a regardé Théo... Il n'y avait pas de colère, ou de tristesse, ou de résignation... Rien ! Il n'y avait que du vide ! Un immense vide !

LES AFFRANCHIS - T2 : L'équilibre. 🔞Où les histoires vivent. Découvrez maintenant