Chapitre 5

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Théodora

Nous étions rentrés depuis maintenant quatre heures de l'Afrique. Une fois revenus à Belgrade, nous étions tous allés dans le salon de tatouage où nous avions rendez-vous, pour marquer notre peau en souvenir de nos amis... Après une bonne douche et tenue confortable enfilée, composée d'un short de sport et d'un débardeur, je m'étais allongée sur mon lit pour me reposer. J'avais dû m'assoupir, car je venais de me réveiller dans la semi-pénombre et avait constaté avec sidération qu'il était déjà presque dix-neuf heures. Je fixai le plafond, la tête exempte de toutes pensées, mon corps et mon esprit tous deux vidés de leur énergie. Cet enterrement avait été horrible, malgré le sourire des proches de Chloé. Comment peut-on fêter la mort d'un être cher ? J'avais encore du mal à m'y faire. Et je n'avais pas osé pleurer face à ces chants et danses, de peur de paraitre étrange ou déplacée. Qui étais-je, moi la jeune sorcière à peine débarquée dans sa vie il y a quelques mois ?

Pour Viktor, c'était différent : il ne voulait pas de cérémonie. Il l'avait demandé à Adrian, il y avait bien longtemps : une crémation sans public, un cercueil le moins cher possible, pas de fleurs, pas de poème, pas de musique triste ou de gens qui se lamentent. Lorenzo m'avait expliqué qu'il disait souvent « Laissez donc aux autres les fleurs et les cotillons ! » Il ne croyait pas à toutes ces conneries : la seule chose qu'il voulait, c'était que ses cendres soient répandues dans un moment « fun et important » et avec le sourire, c'était ses consignes, d'après notre chef. À nous de trouver maintenant ce moment. Il fallait qu'il soit mémorable. En attendant, son urne reposera dans le salon des frères, il restera à nos côtés lors de nos futures soirées téquila. On avait d'ailleurs prévu d'en faire une ce soir, pour boire un coup à sa santé. On en avait bien besoin, après toutes ces émotions.

Je roulai sur le côté en soupirant et repliai mes jambes. J'entourai mes genoux de mes bras et ravalai difficilement la boule d'angoisse qui montait au creux de ma gorge : hors de question de pleurer encore ! J'avais bien trop versé de larmes ces derniers jours, il était temps de m'endurcir ! Lorsque je les voyais tous si forts, si combatifs, j'avais l'impression d'être une vraie loque à leurs côtés. J'attrapai mon téléphone, et vérifiai le message que j'avais reçu quelques minutes auparavant, le vibreur l'ayant déplacé sur la table de nuit : On est tous en haut, tu viens quand tu veux miss. P.

Paolo avait senti que j'avais besoin d'un peu de temps, alors il avait dû faire barrage auprès des autres pour éviter qu'ils débarquent pour prendre de mes nouvelles. Je me levai en étirant mes muscles courbaturés de ma position allongée qui s'était trop éternisée, puis passai par la salle de bain pour un coup de brosse à cheveux et un peu de maquillage, histoire d'avoir l'air un peu moins malade. Dans le miroir, je caressai de mes doigts la peau encore endolorie sous ma clavicule, qui était marquée de mon premier tatouage. Nous avions tous fait le même : un djembé et une clef de sol, pour que Viktor et Chloé soient pour toujours en nous. Souriant tristement, je retournai dans ma chambre pour me changer, mais finalement me décidai à garder mon short et mon débardeur, puisque nous restions à l'immeuble ce soir. Une fois sortie de l'appartement, je grimpai deux à deux les marches qui menaient à l'étage du dessus et passai la porte sans même toquer. Dès le couloir, les rires parvinrent à mes oreilles. Lorsque je fus en vue du salon, je me figeai sur place, ahurie.

— Mais qu'est-ce que vous foutez ? m'exclamai-je, hilare.

Au milieu de la pièce, Baz était attaché à une chaise, en caleçon. Son corps, qui présentait encore les marques des tortures de Damien, était recouvert sur certaines zones de chantilly.

— Ah ben tu tombes bien toi ! pouffa Baz, ne pouvant me voir à cause de son bandeau qui dissimulait ses yeux.

— On a décidé de faire un traitement de choc à notre ami, susurra Julie, armée d'une bombe de chantilly.

LES AFFRANCHIS - T2 : L'équilibre. 🔞Où les histoires vivent. Découvrez maintenant