Les Immortels

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La mort.

Pour beaucoup, c'est une fatalité, une fin inévitable. On doit tous finir notre course par cette étape. Dieu a créé la vie pour l'enlever après. Alors il faut vivre tant qu'on le peut. Parce que la mort viendra.

Mais moi, je vois défiler les siècles devant mes yeux depuis huit siècles. J'avais entendu ma mère priait les cieux pour ma vie. Je l'avais entendu crier sous la douleur, je m'étais entendue pleurer. Mais avant tout ça, avant que les bonnes sœurs ne me prennent dans leurs bras, j'avais vu.

J'avais vu Dieu. Mon corps minuscule était surplombé du sien, immense. Sa lourde voix se fraya un chemin vers mon âme. Je compris des paroles qu'il n'eut jamais prononcé. « Ma Fille, la mort te fuira. Seul un autre de ton sang pourra te la donner. La vie, à jamais, restera à tes côtés. ».

Qui étais-je ? Quel était "mon sang" ? Tant de questions auxquelles je n'ai jamais eu de réponse.

Sur le trône avaient défilés Louis XII, François 1er, Charles IX, Louis XVI, François Hollande, et j'en passe. J'ai aperçu des complots, des meurtres, des drames. J'ai bu du vin avec Catherine de Médicis, avant de regarder tomber les corps des protestants. J'ai aimé des rois, été leur maitresse. J'ai dénoncé des adultères. J'ai été accusée d'être une sorcière. J'ai tout vu, tout vécu.

Je n'ai vieilli depuis mes trente ans. Mon apparence est restée semblable à celle d'une jeune femme. Alors j'ai continué de vivre. J'ai vu mourir mes enfants sous mes yeux, des générations entières.

Et puis je l'ai rencontré. Anubis. Un grand homme, magnifique. Ses grands yeux bleus me dévoraient dès qu'ils se posaient sur moi. Mais ses cheveux noirs, ses traits tendus et sa mâchoire parfaitement définie avaient un air qui m'était familier.

Au détour d'une discussion succédant à une nuit où nous avions échanger notre amour, j'ai compris : c'était aussi un Immortel. Dans une de ses anciennes vies, lui et moi nous étions follement aimés. Et il était mort au combat, pendant la révolution.

Et mon père, Dieu, l'avait sauvé. C'était devenu un Immortel. Comme moi. J'étais Lisa, une Immortelle, et j'en aimais un autre. Qu'aurait-il bien pu arriver ? Eh bien, la fatalité. Elle revint sur nous telle une comète, plus grande que la Terre sur laquelle nous vivions.

« Seul un autre de ton sang pourra te la donner. ». Là étaient les paroles de mon père. Anubis était cet autre de mon sang. Devant nos yeux s'était alors dévoilée l'affreuse vérité : l'un de nous devait périr. Nous devenions gravement malades, et je ne pouvais me réduire à l'assassiner. Alors j'ai mis une lame dans son poing, et lui ai demandé de frapper. Je lui avais tendu mon sein, et prier de planter son couteau dans mon cœur.

Après de adieux larmoyants et de longues hésitations, il m'avait tuée. Mon corps s'était désintégré, et j'avais revu mon père. « Adieu, ma fille. ». Voilà ses seules paroles.

J'entends les cris de ma mère, mes pleurs. Je suis Constance. Ma mère s'appelait Harmony, et mon père Anubis. Drôle de prénom, mais qu'importe. Devant moi se trouvait le chemin de la vie, et l'arrivée : la mort. C'est une fatalité. Non ?

Les Contes de la LuneOù les histoires vivent. Découvrez maintenant