Il m'a fait dansé

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A toutes les victimes...

Au début, c'était beau. C'était magique. Il m'envoyait des fleurs. Il me parlait comme à une déesse. Je me sentais aimée. Je l'aimais, il m'aimait.

Une nuit. Toute cette histoire était morte en une nuit. Ce soir-là, il m'a détruite. J'étais posée, dans un coin. Il m'a pris la main. Il m'a fait danser. Mais je ne voulais pas danser. Je me souviens. De son corps dans le mien. De sa peau qui glisse sur la mienne. De tout.

Il m'a violée. Une nuit durant. Et je n'ai rien dit. Je ne me suis pas défendue. J'ai pleuré. En silence. J'ai passé un mois. A survivre. Sans rien dire. Et un jour, j'ai craqué. Une simple question. Un "Ça va ?". Et j'avais craqué. J'avais pleuré. Mon meilleur ami me soutenait. Il ne disait rien. Il était sous le choc. Enervé.

J'étais resté avec lui. Je me disais qu'il était désolé. Qu'il m'aimait. Mais rien. Dès qu'il avait fini de me briser, il était devenu froid. Plus de câlin. Plus d'amour. Absolument plus rien. Puis il m'a quittée. Et j'étais rendue à moi-même.

J'ai pleuré. Beaucoup. Trop. Dans les bras de mes amis. Seule dans le noir. J'ai pleuré. Je me suis mutilée. J'avais honte. Je rejetais la faute sur moi. Parce qu'il m'avait détruite. Mes bras mutilés, mes yeux gonflés ; je n'étais plus celle que je voulais.

Porter plainte. Ça parait si simple à faire. Mais trop de choses me retiennent. La peur de ne pas être crue. Qu'on me dise : « Comment tu étais habillée ? », comme si tout était ma faute. Que ça ne mène à rien. Qu'on me regarde avec pitié.

Alors j'ai souffert. Je me suis détestée. J'ai retracé mon histoire avec lui. Et j'ai eu peur. De la recroiser. D'aimer. D'être trahie. D'être moi.

Mon corps. Mon rire. Mon comportement. Rien n'allait plus. J'étais trop grosse. Je rigolais bizarrement. Trop fort, trop peu. J'étais trop colérique. Trop peureuse.

Des années ont passé. Mes amis. Ils étaient là. Certains au moment même, d'autres plus tard. Ils m'ont soutenue, aimée, entendue, crue. Ils m'ont fait redevenir moi. En partie. Alors oui, j'ai peur. Je pleure encore, je me mutile toujours. Mais moins. Et, quand je vais mal, ils sont là. Mes amis de toujours, ceux qui ne sont restés que le temps d'un détour. Ils sont là, dans mon cœur.

L'amour me fait peur. Parce que j'ai peur. De danser encore. D'être forcée à nouveau. D'être à nouveau. Mais pourquoi ? Pourquoi dans leur regard je ne vois pas de pitié ? Pas de jugement ? Tant de soutien ? Et pourquoi, rien qu'en y pensant, une larme coule sur ma joue. Mes lèvres tremblent, forment un sourire.

Mon plus grand traumatisme. C'est peut-être ce qui m'a le plus détruite, mais c'est aussi ce qui m'a fait comprendre une chose : je suis une battante. J'ai survécu. Alors, certes, je suis brisée, fissurée. Mais je suis là. Et j'écris.

Je suis une victime. Parmi tant d'autres. Mais je ne pleure plus. J'ai peur. Mais je ne pleure plus. Je suis belle. Je suis parfaite. Je suis une Aphrodite. Comme toutes les femmes de ce monde. Comme toutes les victimes.

Un viol traumatise. Mais on peut en guérir. Comme j'ai commencé à guérir. Alors merci à mes amis. Merci de m'avoir soutenue. Et bravo à moi. Pour avoir osé. Osé en parler. Osé guérir.

Les Contes de la LuneOù les histoires vivent. Découvrez maintenant