La fenêtre

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L'ambiance des trajets en bus scolaires est toujours spéciale : trop scolaire, trop folle, trop silencieuse, trop bruyante. Ces trajets changent de particularité. Et c'est ce qui nous permet de regarder par la fenêtre. Parce qu'on a une pause dans le vacarme, pour penser. Et là, c'est le calme. Alors je pose mes yeux sur l'horizon méditerranéen.

L'ombre des arbres s'alternent avec la lumière dans mes yeux. Une larme coule sur ma joue. Je suis assis seul. Personne ne me voit pleurer. Alors je me lâche. Parce qu'aujourd'hui, ça fait un an. Trois cent soixante-cinq jours. Tout autant de regrets.

J'avais essayé de me tuer. Je m'étais taillé les veines. Mes parents m'avaient trouvé dans notre baignoire. Je baignais dans mon sang. J'ai failli mourir. J'étais mort. Pendant 54 secondes. Et j'ai survécu. J'ai rouvert les yeux. La lumière de l'hôpital me brula doucement la rétine. J'ai rapidement cligné des yeux. Les infirmières sont venues et sont reparties. Tout allait très vite.

Mais le pire, c'était mon entourage. La pitié. Il me regardait avec pitié. Et ça me dégoutait. Je ne voulais pas être pitoyable. La pitié, on la donne aux faibles. Je n'étais pas faible. Sauf face à mes harceleurs.

Oui, j'ai été harcelé. Pendant trois ans. Et donc j'ai essayé de me tuer. Parce que je n'en pouvais plus. Je suis resté une semaine à l'hôpital.

La police m'a interrogé. J'ai tout avoué. Un vieux monsieur notait ce que je disais sur un carnet en cuir. Et une femme m'interrogeait. Ils étaient deux. La femme me regardait durement. Je l'ai bien aimée cette femme. Elle n'avait pas pitié. Elle savait que j'étais fort. Alors elle n'avait pas de pitié.

Mais le vieil homme, lui, était triste. De temps en temps, il essuyait une larme. Puis il se mouchait. Ça faisait beaucoup de bruit. Alors la femme claquait sa langue et reprenait. « Clap ! ». Et, venus de on-ne-sait-où, plein d'autres petits « Clap ! ».

Je sortais de ma rêverie. J'applaudissais avec mes camarades. Pourquoi ? Aucune idée. Je m'en fichais. Je me concentrais sur la musique en fond. Rihanna : Umbrella. Je me lève et commence à chanter. Les professeurs me prient de m'asseoir. Je les ignore.

J'aime la vie. A ce moment, j'aime la vie. Chanter avec toutes ces personnes, c'est drôle. Alors je ris. Fort. Et tout le bus ris avec moi. Je m'assois dès la fin de la chanson. Je replonge mes yeux dans la mer italienne.

La mer. J'adore m'y baigner. On se sent léger. On se sent flotter. Et on est heureux. Parce qu'on ne sent plus le poids du monde. Alors on sourit. C'est bien de sourire. Comme de rire.

Alors pleurer, c'est mal ? Non. En pleurant, on savoure mieux les rires. Je souris. Parce que j'aime la mer. Et un garçon a fait une blague. Je l'ai trouvée drôle. Alors j'ai pouffé.

Mon amie m'a appelé. Elle est derrière moi. Mais je réfléchis. Alors je ne l'ai pas entendu. Donc elle m'a frappé les côtes. J'ai ri. Parce que j'avais mal. Et quand on a mal, on rit. Par réflexe.

Je me retourne. Elle dit quelque chose que je ne comprends pas. Mais je ris. Parce que je n'ai rien compris, et que je ne voulais plus l'écouter. J'ai encore regardé dehors. J'ai séché ma larme.

Un an. J'ai dix-sept ans. Et je vais survivre. Longtemps. Je le promets au Soleil. Et j'admire le monde, de l'autre côté de la fenêtre.

Les Contes de la LuneOù les histoires vivent. Découvrez maintenant