𝐂𝐇𝐀𝐏𝐈𝐓𝐑𝐄 𝟐 | 𝐓𝐇𝐄𝐎𝐃𝐎𝐑𝐄

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Theodore.

Sullivan, Missouri,
1 pm

Adossé contre le capot de ma splendide Lexus blanche, une cigarette coincée entre mes lèvres, je laisse le soleil éblouir mes sens tandis qu'une brise légère se lève. Malgré l'assaut du vent, la flamme de mon briquet vacille un instant mais parvient finalement à embraser l'extrémité du cylindre de tabac.

Dans ce coin reculé où le temps ne suit que ses propres principes, entre soleil ou pluie, je me dis qu'il serait dommage de ne pas en profiter. Au loin, sur le parking, j'entends des voix. Une famille de quatre personnes s'approche, échangeant des mots dans une langue étrangère, bien que certains dialogues me soient familiers. Je savoure la fumée de ma cigarette, l'enfonçant profondément dans mes poumons avant de l'expirer lentement, la nicotine faisant progressivement son effet.

Un jeune homme, grand et châtain clair, tourne la tête dans ma direction, mais je reste concentré sur le logo rouge du Target en face de moi, tout en laissant les angles d'une vieille photo s'imprimer dans mes pensées. D'un geste nerveux, je déplie une fois de plus cette photo, contemplant mon visage encore juvénile, souriant, enlaçant avec une grimace enfantine un petit blond aux joues rosées, absorbé par son camion de pompier.

Sur le bord de ce cliché, les mots Théodore & Thomas, été 2010 sont inscrits, écrits dans la calligraphie familière de ma mère. Mon cœur se serre à la vue de cette écriture soignée, un rappel poignant de souvenirs d'enfance et des villages isolés de Sardaigne.

Un raclement de gorge me ramène brusquement à la réalité. C'est un jeune homme de mon âge, aux cheveux blonds coupés court et vêtu d'un grand pull malgré la chaleur estivale. Il se passe une main dans les cheveux, un geste familier, puis je lui offre ma fumée comme cadeau de bienvenue, détournant mon regard vers lui. Il esquisse un sourire amusé, apparemment non offensé par mon geste.

— Salut, Théo, tu peux m'en passer une ? demande-t-il d'une voix rocailleuse, mais avec l'accent français que je reconnaîtrai toujours, même après toutes ces années. Un immense sourire illumine mon visage alors que je me lève pour le prendre dans mes bras, nos paumes se frappant bruyamment sur nos dos respectifs.

— Thomas ! Ça fait une éternité, mec, m'exclamé-je, ravi de le retrouver.

— Ouais, c'est fou, j'ai l'impression que tu es devenu un étranger, réplique-t-il avec humour.

Je remarque le changement en lui, la croissance, tout comme en moi finalement.

Je suis sûr que sa simple présence au lycée fera battre le cœur de nombreuses filles dans les couloirs. Elles sont toutes en pleine ébullition hormonale, shootées aux œstrogènes, de toute façon. Il ne leur faudra pas plus que l'apparition d'un français au sein de notre établissement pour qu'elles vénèrent le sol sur lequel il marche.

— C'est un peu le cas, mais à qui la faute ? À celui qui a décidé de s'exiler à l'autre bout du monde à l'âge de 10 ans, ironisé-je en haussant un sourcil.

Thomas rigole, puis je lui tends une cigarette. Il décline d'un geste et je décide d'écraser la mienne du talon de ma chaussure quand je remarque ses parents arriver derrière lui. Ils n'ont pas changé non plus : toujours cette peau hâlée et cette énergie débordante qui les caractérise.

Ils marchent ensemble, côte à côte. Est-ce que cela veut dire que ce qui s'est passé s'est réglé ?

— Comme tu as grandi ! s'exclame Ninon en s'avançant pour m'enlacer. Tu as le visage de Roxana, Théo, tu as bien grandi.

Mon cœur se serre à la mention de ma mère, qui repose six pieds sous terre. Elle est morte quand j'ai eu douze ans et avant qu'on s'exile, papa et moi, aux États-Unis car c'était son rêve. Son décès a laissé un trou béant dans nos poitrines que le temps a commencé à combler, mais partiellement. C'est entendre la voix de la blonde qui me fait retrouver le souvenir de ma mère et panse mes blessures.

— T'es devenu un vrai homme, plaisante son mari, Lucas, me tirant hors de mes pensées.

Sa femme m'inspecte sous toutes les coutures avec un air maternel, et je suis obligé de lui attraper les poignets pour l'arrêter. Elle rit, puis son fils demande où se trouve Laësa, sa jumelle.

Putain.

Mon cœur se serre à cette simple mention. Laësa. Mon plus grand rêve et mon pire cauchemar, tout à la fois. Je tente de masquer mes émotions pendant que son père lui explique qu'elle ne se sentait pas bien et qu'elle est restée dans la voiture, endormie, après avoir pleuré toutes les larmes de son corps dans l'avion. Un poids s'ôte de mes épaules alors que je les regarde partir vers leur maison. Je grimpe dans la mienne et les suit, mais je me gare avant eux.

Comme il fallait s'y attendre, la maison est vide, le silence uniquement rompu par le lave-vaisselle. Je clos la porte derrière moi et monte dans ma chambre, ignorant le pincement au cœur que j'éprouve en dépassant les photos de mariage de mes parents ou ceux qui affichent mon grand frère.

Je change rapidement de vêtements une fois chez moi et m'appuie à ma fenêtre pour fumer. Je sais que je devrais réduire ma consommation de nicotine, je l'ai promis la dernière fois quand je suis allé me recueillir sur la tombe de ma mère, mais avec Laësa dans les parages, cela va être difficile.

Cette fille sera, je le sais, aussi hypnotisante qu'enivrante. Elle a grandi, mûri, acquis en confiance en elle et, indéniablement, en beauté. Elle rayonne tandis que je survis, bouffé par la nostalgie et le regret.

La voix de Thomas me sort de mes pensées. Il me demande si on peut partager une cigarette. J'accepte, et il saute de sa fenêtre pour me rejoindre. Nous nous installons, chacun à notre tour, sur le rebord, échangeant quelques paroles légères, le cylindre se déplaçant entre nous tel une navette.

— Ma mère t'invite à dîner ce soir, m'annonce-t-il finalement.

Je suis sur le point d'accepter quand la perspective de revoir Laësa me freine brusquement. Avec un air désolé, je décline son invitation, prétextant une excuse bidon. Thomas me rassure en me disant que je suis toujours le bienvenu chez eux, peu importe l'heure et le motif.

Il fait le chemin inverse et je reste seul, repensant à Laësa. Putain, elle est partout dans mes pensées et la savoir à moins de cinq ou six mètres de moi emballe mon cœur. Est-ce que je pourrai continuer à l'éviter ainsi ? Est-ce qu'elle me tient toujours rigueur de notre dernière altercation ?

Je secoue la tête pour chasser ces pensées. Il est temps de faire face à mes démons, même si cela signifie affronter Laësa.

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Hey  ? 👋

Voici Theodore, qu'avez-vous pensé de son personnage ?

L'histoire se met doucement en place ... et on se retrouve bientôt pour le prochain chapitre !

N'hésitez pas à voter / commenter !

XoXo, Nina 💋

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