𝐂𝐇𝐀𝐏𝐈𝐓𝐑𝐄 𝟖 | 𝐋𝐀𝐄̈𝐒𝐀

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Laësa.

Sullivan, Missouri,
8:45 pm

Les mots que j'ai lâchés n'ont pas l'air de heurter Theo. Ils semblent ricocher sur son visage, lisse de toute émotion. Il s'assoit sur mon lit.

– Je suis désolé.

J'ignore s'il s'excuse pour ce qui s'est passé à Chamonix ou le comportement de Thomas. En tout cas, mon coeur se serre. Culpabilité, honte, tristesse et désarroi se mélangent dans mes veines et alimentent mon égarement affectif. Je me déteste de ressentir ça à la place de la colère qui m'habite habituellement.

– Excuse-moi, Laësa, répète-t-il. J'aurais dû intervenir.

Ma gorge se noue. Mes dents s'enfoncent dans ma lippe inférieure, me servant d'ancrage. Je comprends qu'il fait référence à ce qui s'est passé à Chamonix, au cœur de L'Hydromel, tandis que nous dormions tous paisiblement sur nos deux oreilles pendant que la catastrophe se produisait.

– Tu aurais dû.

j'ai conscience de rejeter la faute sur lui, de le rendre tout autant coupable à mes yeux que mon père. Pourtant, au lieu de se défendre, Theodore acquiesce doucement, passant une main dans ses cheveux blonds.

Avec presque tendresse, il se recule contre le pied du lit pour venir à ma hauteur. Il s'adosse à la tête de lit et exhale doucement. Quant à moi, je serre mon éléphant en peluche contre mon cœur, seule au milieu de ma tempête de souvenirs.

" – Tu as pensé une seconde aux enfants, Lucas ?"

Comme si, Papa avait balayé des années de promesses en un seul geste. Sans penser aux conséquences qui nous sont retombées sur la tête.

" – Ça ne voulait rien dire, Ninon ! Je n'ai pensé qu'à eux, et il faut que cette situation cesse, bordel ! Laë' et Thomas sont grands maintenant, ils comprendront !"

C'est dur de se détacher d'un quotidien qu'on a toujours connu. Surtout quand on s'y attendait le moins, que votre coeur se brise en milliers de petits morceaux, et qu'il ne reste que vos mains pour les recoller. Pendant que vous enchaînez les mauvais choix, les mauvaises fréquentations. Vous devenez une mauvaise personne seulement en cherchant à vous protéger.

" – On a quelque chose à vous annoncer ...
– Quoi, vous allez vous séparer ?

Oh, Thomas, si tu savais.

" – Oui."

Mon sang s'était glacé. Les larmes étaient montées toutes seules à mes yeux.  J'avais regardé mes parents, mes modèles, les gens à qui je vouais une admiration sans bornes pour eux et leur amour, attendant qu'ils éclatent de rire et nous fassent part de leur annonce.

Ça n'a jamais été une blague.

Il est difficile d'annoncer à son enfant, peu importe son âge, que, d'un commun accord, ses parents vont faire maison à part. Qu'une semaine sur deux, ils quitteront la maison de Maman pour aller chez Papa et inversement. Surtout s'il n'a jamais eu un seul signe annonciateur.

Aucune dispute, aucun cri, aucune larme. Seulement des masques d'amour et du délaissement respectif de l'un de l'autre sous-jacent. Deux hypocrites l'un envers l'autre, presque sans le savoir.

" – On va se séparer. Votre père a déjà pris un appartement."

La nouveauté. C'est quelque chose que je n'ai jamais apprécié. Être seule dans un endroit. La peur. Les nouveaux bruits auxquels il faut s'habituer. La changement de personnalité de certains, parfois.

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