RENEWAL

𝐂𝐇𝐀𝐏𝐈𝐓𝐑𝐄 𝟐𝟔 | 𝐓𝐇𝐄𝐎𝐃𝐎𝐑𝐄

Theodore.

Sullivan, Missouri,
7:20 am

Are we still friends?
Can we be friends?

Tyler, The Creator - ARE WE STILL FRIENDS?

*

Laë' est encore en retard.

Je ne devrais même plus m'en étonner, après lui avoir servi depuis plus d'un long mois de chauffeur, qu'elle sort de la maison au moment où nous sommes censés pénétrer dans le hall du lycée.

Elle a de la chance qu'il s'agisse de la prof de maths et la psychorigide prof d'anatomie qui nous aurait défoncés chaque matin sans nous accepter.

La plupart des profs sont sympas, ici. Cela change du système scolaire français où tout est sous pression. Ici, ils rigolent avec nous, s'intéressent réellement à nous, entreprennent à tisser un lien entre l'élève et le professeur. Cependant, lorsque l'on tombe sur un prof de merde, on en chie littéralement toute l'année.

J'attends les filles, assis au volant de ma voiture, mes phalanges pianotant sur le cuir du volant, tandis qu'une musique confuse passe sur l'autoradio sans que je n'y prête véritablement attention, trop occupé à scruter le moindre mouvement provenant de la fenêtre positionnée vers les escaliers qui perce la façade de la maison, les muscles de ma jambe déjà bandés pour appuyer sur la pédale d'accélération.

Les cours sont censés commencer maintenant, mais Laësa et Castille prennent cent fois plus de temps à se préparer que Laësa seule. Je ne comprends pas comment elle arrivait à faire pour ne pas écoper de la mention "retard" lorsqu'elle était à Joffre en partant à une heure aussi juste.

Elle a de la chance que le lycée ne soit pas loin...

Après l'incident d'hier, chez les jumeaux, j'ai jeté un regard presque dégoûté en direction de Thomas avant de tourner les talons et de rentrer chez moi. Une fois dans mon lit, je me suis surpris à retourner le problème dans tous les sens dans ma tête, comment Laësa est-elle arrivée à garder cette facette de son frère secrète ? Elle est tellement horrible, abjecte, ahurissante que l'on puisse encore penser ainsi alors que nous sommes les plus avancés en termes de reconnaissance que jamais auparavant ?

Alors, malgré l'heure tardive, j'ai appelé mon grand-frère, honorant nos appels semainiers, tradition à partir du jour où il a quitté le foyer familial pour ses études. Malheureusement, cette fois-ci, je l'ai dérangé lors d'une sortie avec ses amis qu'il s'est fait à Boise State University, mais Jacob s'est éloigné d'eux pendant que je lui racontais ma vie et qu'il me partageait la sienne, nullement dérangé par l'heure tardive.

J'ignore quand est-ce que ma relation avec mon frère a basculé de "bataille pour n'importe quel sujet" pour "c'est mon petit frère, regardez-le, voyez combien j'en suis fier". N'empêche, ça me fait chaud au cœur aussi drastique le changement soit-il. Bien sûr que je lui ai parlé de Laësa, de son caractère, de ces sourires qu'elle ne destine qu'à moi, de ses rires qui emplissent mon coeur de joie, l'intensité de notre complicité même si elle a été altérée à cause de mon départ, ou de la moiteur de mes paumes et de ma nervosité que j'éprouve à son contact, de ses techniques pour m'éviter tout week-end après que je l'ai embrassée à la fête de Jade et notre contact pendant le film.

Je sais que je joue gros, car si Thomas découvre que je suis dingue de sa sœur, je risque sa confiance. Et le fait de me faire défoncer par ses poings. Jacob a insisté sur ça aussi, mais tout me paraît si futile quand il s'agit d'elle.