𝐂𝐇𝐀𝐏𝐈𝐓𝐑𝐄 𝟏𝟕 | 𝐋𝐀𝐄̈𝐒𝐀

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Laësa.

They mistook my kindness for my weakness.

Lana Del Rey, mariners apartment
complex

*

Sullivan, Missouri,
10am

En plein cours d'US history, pendant que le prof déblatère à propos de la guerre de Sécession, je bats une nouvelle fois Castille au pendu. Cinq contre deux, mes mots longs et complexes tout droit sortis d'un dictionnaire de synonymes gagnent ses mots inscrits sur les affiches placardées aux murs de la classe à plates coutures. Elle a pouffé, glissé un oeil au tableau puis d'arranger ses mèches brunes derrière son dos, avant de prendre sa revanche sur moi avec le mot "escalier", noté sur la porte de la salle 542.

Il fait chaud dans cette salle, une sorte de moiteur ambiante, étouffante, qui malgré les températures mollement rafraîchies, passant de 31 à 27°C, les lumières allumées et les volets fermés, dans la salle la plus au sud de l'établissement, le vidéoprojecteur bourdonnant, la seule chose à rompre le silence qui s'est installé, tandis qu chacun des élèves combat son envie de chuter dans un sommeil réparateur, surtout avant le midi.

Derrière moi, je sais que Theo parle avec ses amis dont j'ignore tout. Il ne me les a jamais vraiment présentés et je ne parviens pas à retenir leurs prénoms puisqu'ils ne partagent que cette période avec nous. Seulement, un, Nathan, puisqu'il partage aussi les maths avec nous.

– Bon, je crois que vous le savez tous, mais cette année, le conseil d'administration de l'école a une nouvelle fois donné son accord pour organiser le voyage annuel de nos seniors, annonce M. Miller en se tournant vers nous, son stylo s'agitant vers ses mains jointes devant son ventre.

Je me redresse imperceptiblement, échangeant un regard intéressé avec Castille. Celle-ci pose son menton sur ses doigts préalablement joints entre eux, rivant son regard sur le prof comme s'il détenait les réponses aux plus grands mystères de l'humanité. Au même moment, un vague bourdonnement s'éleva de la classe, chacun spéculant avec son voisin de table sur la destination.

Quant à moi, mes bras sont croisés sur mon ventre, étouffant le moindre borborygme qu'il pourrait diffuser, masquant aux autres ma faim apparente. Une faim que je ne ressens pas. Mon ventre émet des bruits liés à une envie que nulle part autre dans mon corps je ne discerne. De la même manière que si ma tête et mon corps étaient déconnectés, de manière volontaire néanmoins. J'ai choisi de faire un régime et pour y arriver, j'ai décidé de ne rien manger. Je l'ai vu au regard de Linda, la prod de danse, quand j'ai pénétré dans cette salle : ses yeux sont parcouru mon corps, sceptique, avant de le juger sévèrement. Je savais que je devais perdre du poids, mais pas à ce point-là.

– Je ne vous laisse pas spéculer sur l'endroit où nous nous rendons, nous avons choisi Orlando et non pas la Nouvelle-Orléans comme les années précédentes.

Aussitôt, une vague clameur éclate dans la salle : les élèves s'agitent, tapent sur les tables, sur la moquette en produisant un bruit étouffé jusqu'à ce que tout le monde fasse du bruit. Malgré ses vaines tentatives pour retrouver le silence, il finit par s'asseoir à son bureau et se passer une main sur le visage, las.

Une fois qu'il ne fait plus attention à nous, je pivote sur ma chaise vers Castille dont les yeux brillent.

– Tu penses qu'on va tout visiter ? demandé-je.

Elle croise les doigts.

– J'espère tellement ! Je rêve d'aller en Floride depuis que je suis gamine, m'apprend-t-elle en tirant les manches de sa chemise rayée bleu et blanc. Le palmiers, la mer ...

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