RENEWAL

𝐂𝐇𝐀𝐏𝐈𝐓𝐑𝐄 𝟕 | 𝐓𝐇𝐄𝐎𝐃𝐎𝐑𝐄

Theodore.

Sullivan, Missouri,
8:30 pm

Je suis encore chez les Mathieu pour dîner. C'est pathétique, comment je me réfugie chez eux pour un oui ou pour un non. Cependant, depuis le départ de mon frère pour une université en Idaho, la maison semble vide, uniquement occupée par mon père, qui vient aussi manger chez eux, enfin, plutôt chez Lucas.

Ninon ne veut plus le voir, pas après ce qui s'est passé à L'Hydromel en août dernier.

Ce soir, chez les Mathieu, c'est lasagnes, lasagnes qu'on a préparé avec Thomas en suivant scrupuleusement la recette établie par la Laësa de sept ans qui misait sur la cuisine. Son frère a bien rigolé quand nous avons dû décrypter les pattes de mouches de la concernée sans déranger la princesse cloisonnée dans sa chambre.

– On mange !

J'ai été faire un rapide aller-retour au Sonic pour chercher des boissons, qui sont maintenant posées sur la table. Thomas a mis les assiettes et a gardé une portion de notre plat pour sa mère, qui a déposé dans un coin sur le plan de travail.

Les pas de Laësa dévalent l'escalier. Elle est sublime, comme toujours, même si elle est vêtue d'un long pull gris et d'un jean de même couleur. Ses cheveux sont rassemblés en une couette haute, lui dégageant le visage.

– Je dois me méfier des ingrédients ?

Sa voix résonne en même temps qu'elle inspecte le plat que son jumeau a installé sur la table.

– Seulement si tu voulais empoisonner des gens quand t'avais quoi ... sept piges ? lui renvoie son frère en se sédentarisant autour du faux marbre.

Laësa soupire en secouant la tête, puis tire une chaise et s'installe dessus. Le souffle chaud de la climatisation nous enveloppe, nous rendant indifférents à la chaleur extérieure.

– Vous savez s'il y a des clubs de danse dans la région ? demande-t-elle après s'être servie.

Sa question me prend au dépourvu, si bien que j'en oublie de souffler sur le contenu de ma fourchette avant de l'engloutir, me brûlant la bouche au passage.

– Tu devrais demander à Jade, elle a fait de la danse, je crois, lui colporté-je en avalant une grande gorgée d'eau.

La blonde arque un sourcil.

– Ah ouais ?

– Tu penses pas qu'avec les cheers ça va être beaucoup ? s'interpose Thomas.

Laësa pousse un profond soupir, l'air de dire : « lâche-moi la grappe putain », excédée par le comportement de son frère. J'ignore de quoi Thomas cherche à protéger autant Laësa, après tout, ce ne sont pas mes oignons, mais il est tout le temps derrière elle. A l'observer. À se préparer pour intervenir alors qu'il n'y a pas de réel besoin. Agir comme son copain possessif alors qu'il n'est nul autre que son frère. Jacob, mon frère à moi, me laissait la liberté essentielle pour exister et apprendre de mes propres erreurs, en comparaison..

Sa sœur pose brutalement son verre qui émet un claquement sec contre la surface de la table, avant qu'elle ne descende des tabourets tournants. Elle se dirige vers le frigo, en sort un yaourt et une barre de céréales puis monte dans sa chambre sans un mot. Le reste de ses lasagnes subsiste dans son assiette, encore légèrement fumantes.

– Mais tu fous quoi ? la hèle Thomas depuis son siège.

Laësa fait volte-face, à mi-chemin dans les escaliers, ses yeux lançant des éclairs. Elle se comporte de la même façon avec moi qu'avec son frère. Comme si, dans son coeur, nous étions au même niveau, sans aucun traitement de faveur.