Partie 2 - Le passé.

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« Quand ils ont rasé l'ancien local, ce petit magasin où on venait manger des glaces, j'étais à l'étranger. Je faisais une année de césure en Australie. Quand j'ai appris, c'était déjà trop tard. J'aurais rien pu faire contre ça. »

Il hocha la tête doucement, se demandant pourquoi Claude avait l'air de se sentir coupable de ce qui était arrivé au petit commerce de leur enfance. Pensait-il qu'il aurait pu empêcher ça s'il avait été en France à ce moment-là ?

« Je refusais de me dire que cet endroit, la seule chose vraiment qui me restait de toi après ton départ allait disparaître à son tour, expliqua alors Claude et il comprit à ce moment-là l'importance qu'avait cet endroit non seulement pour lui, mais aussi pour son ami. Tu sais, quand t'es parti vivre ailleurs, j'ai un peu déserté l'endroit car il me faisait trop penser à toi.

— Claude... dit-il tristement, se rendant compte alors à quel point son ami avait l'air d'avoir souffert de son départ de la ville, ce dont il ne se doutait pas vu que ce dernier avait strictement toujours gardé le sourire devant lui, même le jour de son départ justement où lui au contraire était en larmes à l'idée de partir et de quitter tout ce qu'il avait toujours connu.

« Eh ouais. Ça a été un coup dur mais je m'en suis remis, t'inquiète pas petite tête. Je suis parti faire cette année en Australie et là-bas, avant de savoir qu'il allait être remplacé, je me suis dit que c'était ridicule et qu'au contraire je devais me réapproprier l'endroit pour que ça reste tel que dans mes souvenirs. En faire mon QG en quelque sorte. Je m'imaginais déjà y amener tous les nouveaux amis que je me ferais dans le futur. Sauf que mes parents m'ont appris que le lieu avait fait faillite alors que j'étais encore là-bas. Donc le propriétaire a dû vendre.  Alors quand je suis rentré, près d'un mois après l'ouverture officielle du bar, je m'y suis rendu pour voir à quoi ça ressemblait. Et étrangement, ça m'a fait du bien. Ce n'était plus le même endroit, le local avait été complètement rasé pour donner vie à un autre lieu de vie... mais je m'y sentais encore chez moi alors que c'était un tout autre lieu maintenant. Et c'est là que j'ai vu sur la devanture qu'ils recherchaient quelqu'un pour faire le service.

— Donc... t'as postulé ? demanda-t-il d'un air incertain, essayant d'imaginer la scène dans sa tête.

— Ouais, aussitôt. J'ai même pas pris le temps d'y réfléchir avant. J'avais seulement mon BAC en poche et un an d'école de commerce à l'étranger, je me suis dit qu'au pire ça me ferait un petit boulot à côté de mes études même si je savais pas encore ce que je voulais faire de ma vie. Et au final, le gérant m'a tout de suite dit oui et j'en suis jamais parti. Meilleure décision de ma vie ! »

Il observa son ami d'un air hésitant, celui-ci semblant tellement heureux, avant de sourire doucement. Oui, il semblait vraiment épanoui dans ce boulot. Et il était heureux de le voir ainsi.

« C'est super, Claude. Ça me fait vraiment plaisir pour toi. Mais... tu m'avais pas dit que cet endroit t'appartenait ? Tu m'as dit en être le gérant tout à l'heure, non ? Et là... tu m'as expliqué avoir postulé auprès du gérant de l'endroit pour y travailler...

— Ah oui, bien sûr ! Mais ça, c'était il y six ans. Il y a trois ans, le proprio a eu l'opportunité de partir s'installer à la Réunion et alors, je lui ai proposé de lui racheter le bar. Il a accepté, j'ai pris un crédit sur 10 ans et me voilà propriétaire aujourd'hui !

— Je comprends mieux, dit-il en souriant doucement, fier de l'évolution de son ami. Mais du coup... tu travailles seul ? Tu étais seul à l'époque déjà ou vous étiez plusieurs ?

— Je travaillais solo, avec le gérant of course. Mais quand j'ai repris le bar, en effet, je me suis retrouvé tout seul et c'était trop compliqué pour moi de gérer tout par moi-même, alors j'ai commencé à chercher un serveur. J'ai passé des petites annonces pour en trouver un et j'ai eu plusieurs candidats. Mais y'en a un en particulier qui m'a tapé dans l'œil tellement il était bon quand je l'ai pris à l'essaie alors je l'ai gardé. Et maintenant, on est devenus meilleurs potes lui et moi ! Attends, d'ailleurs, je vais te le présenter. Eh, Guillaume ! Viens un peu par ici, tu veux ? »

Il tressaillit en entendant ce prénom sortir de la bouche de son ami, lui faisant aussitôt penser à une personne en particulier de son enfance qu'il avait essayé d'oublier en vain depuis qu'il était parti. Et quand il entendit des bruits de pas s'approcher de leur table, il n'osa pas se tourner de peur que ça soit effectivement le Guillaume auquel il pensait.

« Oui, Claude ? Tu m'as appelé ? entendit-il une voix chaude dire alors près de lui et il ferma les yeux en reconnaissant la voix du Guillaume de son enfance.

— Ouais, viens t'asseoir avec nous que je te présente Aurél. Il est de retour à Caen après sept ans d'absence.

— Aurél ?

— Mais oui, tu sais. Le garçon dont je te parlais de mon enfance. Enfin, adolescence. Mon voisin trop mignon qui est parti quand j'avais dix-sept ans. »

Un long silence prit place quand Claude dit ça et il prit alors son courage à deux mains pour se tourner vers Guillaume. Celui-ci haussa les sourcils de surprise quand leurs regards se croisèrent et il eut l'impression qu'il le reconnut de même. Oui, c'était bien son Guillaume. Celui qui était sorti avec sa sœur et dont il était tombé fou amoureux à l'instant précis où il l'avait rencontré, le jour où celle-ci l'avait ramené à la maison. Celui qui lui avait fait tant de mal en se moquant de lui quand il était venu lui parler et lui avait avoué ses sentiments après qu'il ait rompu avec sa soeur. Celui qu'il avait tellement cherché à oublier en partant mais dont il n'avait jamais réussi à oublier le visage et les mots tranchants. Et merde.

Fiction OrelxGringe - Je t'aime toujours.Où les histoires vivent. Découvrez maintenant