Chapitre 4

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Le chemin était chaotique, et entre deux soubresauts, Nael observait de tous ses yeux la forêt vierge autour de lui. Aucun animal n'était perceptible, mais en y réfléchissant, il se dit que c'était normal : Ce chemin permettait aux membres de l'expédition de venir à la piste d'atterrissage, où ils recevaient le ravitaillement, et c'était la seule chose qui les rattachait au monde extérieur. Logique donc de penser que c'était une voie très fréquentée, et donc que les animaux apeurés aient déserté cette partie de la forêt pour des endroits plus calmes. Puis, il cessa de penser à quoi que ce soit, parce que la conductrice du véhicule, qui avait sûrement l'habitude de prendre cette piste, fonçait à toute allure, projetant par la même occasion son passager et ses bagages dans tous les sens, menaçant de les éjecter hors du 4×4.

Et lorsque Nael se mit à penser qu'il pourrait tout aussi bien mourir avant d'arriver, le 4×4 pila net, le précipitant contre le tableau de bord, et il put enfin ouvrir les yeux. Il ne s'était même pas rendu compte qu'il les avait fermés. Mais maintenant il pouvait observer une immense fourmilière pleine de vie et d'individus courant en tous sens : ils étaient arrivés au camp. Kat s'écria joyeusement :

- Bienvenu à Maman Poule !

Nael se tourna vers elle, surpris :

- Maman Poule ?

- Oui, c'est le nom que nous avons donné à notre camp de base. Je t'explique : en fait nous avons un camp de base, celui-ci, qui est le plus gros et où nous disposons de tout le confort possible, et de matériel perfectionné. C'est donc là que le plus gros de l'équipe scientifique reste, pour faire leurs expériences et tout le bazar. Et après, nous avons trois autres camp, un peu plus petits, qui sont nomades et se composent juste de tentes pour que les traqueurs se reposent entre deux chasses. Et comme on trouvait que camp 1, camp 2, camp 3, etc. ça faisait un peu plouc, on a cherché un truc plus stylé ! Du coup, on a Maman Poule, Bébé Poussin, Karaté Kid et Petit Chimiste ! C'est quand même mieux, non ?

Nael sourit. Il venait de se rendre compte que sa grande compagne brune était une vraie bavarde, et qu'en plus, elle aimait parler pour tout le monde, parce qu'elle parlait tellement fort que plusieurs personnes s'étaient détournées de leurs activités et les dévisageaient.

Pour la détourner de son monologue, le jeune homme demanda donc à Kat où est-ce qu'il logerait. Elle lui répondit en descendant de voiture que pour le moment il logerait à Maman Poule, dans une tente individuelle, « La classe, monsieur ! », un peu à l'écart des autres, pour ne pas être dérangé. Et sûrement aussi pour ne pas déranger se dit-il.

Puis, dans une semaine, puisqu'il devait inspecter les travaux réalisés et rendre compte à M. Darvin père, il irai passer quelques temps dans les petits camps nomades, et participerait, quand le chef des traqueurs le dira prêt, à une traque. Ainsi Kat détailla-t-elle l'emploi du temps du jeune peintre pendant ces deux mois, tout en portant l'une de ses valises jusqu'à sa petite tente.

Elle n'avait pas exagéré en lui suggérant de ne pas emmener trop d'affaires personnelles. En effet, ce que l'on appelait une tente ici ne ressemblait pas vraiment à sa conception ingénue de la chose. S'il l'avait vu dans un autre contexte, dans un grand magasin par exemple, il l'aurait aussitôt qualifié de niche pour chien en vacances. C'était un simple triangle de toile kaki d'un mètre sur 2 et si bas de plafond qu'il devait avancer recroquevillé sur lui-même pour rentrer sans en faire tomber les murs. Il se retourna vers Kat une note de panique dans le regard.

- Ne t'inquiète pas, ça, c'est juste pour dormir, pas on ne peut pas faire quoi que ce soit là-dedans, mais il y a une salle de séjour installé au centre. Et puis les douches sont là-bas, elle pointa des compartiments bleu pétrole contrastant avec le kaki et le marron environnants, avec les toilettes, et on mange tous ensemble à 20h dans la grande tente avec l'espèce de cheminée, là, à côté de la tente de séjour. Ça te va ?

- Eh bien...

- Dis-toi déjà que tu as de la chance d'avoir une tente individuelle, moi je partage 3 mètres carrés avec deux autres personnes ! Autant dire que pour l'intimité, c'est cuit !

- OK, alors j'ai de la chance.

Kat rit.

- Merci Kat, de m'avoir guidé...Et, dit-il après une pause imperceptible, d'avoir perdu ton précieux temps pour un touriste.

Kat lui adressa un grand sourire plein de dents :

- Il n'y a pas de quoi, vraiment ! Tu sais bien que je ne pensais pas ce que j'ai dit tout à l'heure, c'est juste que j'étais en plein travail, je n'avais pas été prévenue que tu arrivais aujourd'hui, et avec cette fichue coupure de courant, le réseau est totalement déconnecté, et bien sûr, c'est à moi de m'en occuper ! C'est pas croyable, Stan pouvait très bien s'en charger...

- Excuse-moi, la coupa Nael, tu ne m'as pas dit, tu fais quoi toi comme boulot ?

- Ah je ne te l'ai pas dit ? Je suis informaticienne. On est trois sur Maman Poule. Et oui ! Le progrès avance, même dans la forêt vierge, sourit-elle. On a toujours un truc à régler, parce que l'on dispose d'un réseau interne de communication entre les 4 camps, et il a été créé ici, du coup, il n'est pas toujours parfait. Et puis il y a toujours les instruments de repérage, les radars à infrarouges, qu'il faut raccorder aux ordinateurs, et puis...OK je vois que je t'ennuie, d'accord j'arrête, fit-elle en voyant que Nael essayait vainement d'étouffer un bâillement. Bon, je te laisse t'installer, on se retrouve au repas. Si tu veux, tu peux faire le tour du campement, mais ne t'éloigne surtout pas, on n'est jamais trop prudent.
- Oui, d'accord, répondit Nael à la silhouette qui s'éloignait, en s'efforçant avec toute la peine du monde d'éviter d'ajouter « maman ».

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