Chapitre 22

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- Alors quoi ? Tu ne me dis même pas combien je t'ai manqué ?

- Oh tais-toi Nael, répliqua Anatyia en repliant ses fines jambes nues devant elle pour les entourer de ses bras. Qu'est-ce que tu crois ? J'étais bien plus tranquille quand tu n'étais pas là ! Je n'avais pas à supporter tes bavardages inutiles.

« Menteuse » pensa le jeune homme en retenant un sourire, car il voyait bien que la jeune femme cachait ses joues rougissantes derrière ses magnifiques mèches argentés qui reflétaient la lumière. Mais il ne releva pas et préféra reporter son attention sur le spectacle qui s'offrait à lui.

Ils étaient tous les deux cachés contre un rocher humide, entourés d'une végétation luxuriante si touffue que les rayons du soleil ne devaient pas souvent caresser le sol. Silencieux, ils observaient depuis quelques minutes une mère jaguar et ses deux petits qui s'abreuvaient à un petit cours d'eau à quelques mètres d'eux. Anatyia aimait les endroits en hauteur, si bien qu'ils étaient perchés à quelques mètres du sol sur le rocher au toucher rugueux, invisibles pour qui les regardaient d'en bas. L'endroit était tranquille, le soleil jouait à cache-cache entre les feuilles des arbres en diffusant la lumière teintée de rose du soir. Un vent léger soufflait, secouant doucement les cheveux d'Anatyia, l'auréolant de mèches argentées qui lui faisait comme une aura.

Soudain, Nael sentit un changement dans l'air. Il ne fut pas le seul car la mère jaguar releva brusquement la tête vers les fourrés derrière elle. Il voulut savoir ce qu'elle voyait, mais il ne vit rien d'anormal. Pourtant, la mère poussa un feulement inquiet, rassembla ses petits, et déguerpit sans demander son reste. Le jeune peintre se redressa et jeta un coup d'œil à la belle indigène pour savoir si elle avait vu ce qui s'était passé. Mais elle s'était déjà levée, et le visage assombri par la peur, elle regardait en tous sens, et Nael cru même la voir humer l'air.

- Viens, dit-elle d'une voix pressée. Partons.

- Pourquoi ? Il se passe quelque chose de dangereux ?

Pour toute réponse elle lui empoigna le bras et commença à le tirer dans la direction opposée à celle qui avait effrayée maman jaguar. C'était la première fois qu'elle le saisissait avec autant d'énergie, révélant une force dont il ne la croyait pas capable, mais sur l'instant, il ne releva pas. Sa curiosité avait été éveillée. Quelle sorte de chose pouvait faire peur à un jaguar et à une indigène farouche ?

- Qu'est-ce qui se passe Anatyia ?

- Rien ! Contente-toi de me suivre !

Mais descendre d'un rocher prend plus de temps que d'y monter, même si on est pressé. Il cherchait son premier appui du pied quand il leva la tête. Et c'est là qu'il le vit.

Les fourrés bruissèrent violement et une petite boule rouge écarlate déboula à toute vitesse sur la berge de la rivière. Puis elle s'arrêta net, et s'écroula par terre en haletant. Et il vit ce qui avait fait peur à la femelle jaguar et à Anatyia. C'était un tigre, de toute évidence un bébé. A la fourrure rouge sang. Son regard s'attarda sur sa tête de chat, sur ses yeux d'un rouge orangé de flammes, sur ses longues moustaches vibrantes. Sur le pelage luisant de son dos, strié de rayures noires. Il remarqua qu'il ne voyait pas sa queue, mais n'y accorda pas vraiment d'importance. Puis ses yeux descendirent sur les pattes antérieures du petit tigre. Qui se terminaient par des doigts dépourvus de fourrure, indubitablement humains, garnis de longues griffes à la place des ongles. Un Arcadien.

Il ne put s'empêcher de hoqueter à cette constatation. Un représentant de l'espèce que l'expédition traquait depuis des mois se trouvait devant lui ! En entendant le hoquet de surprise qu'avait échappé le jeune peintre, Anatyia se retourna. Et son expression se teinta de désespoir.

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