Chapitre 33

27 2 7
                                    

 - Voilà. C'est fini, tu peux te lever.

- Je peux remettre mon T-shirt ?

- Surtout pas ! L'intérêt de ces tatouages c'est que les Stylis qui les voient te reconnaissent comme l'un des leurs. Donc ils ne serviraient à rien si tu les cache.

Le jeune homme laissa donc à regret son haut sur la table, non pas qu'il faisait froid, au contraire, mais torse nu, il se sentait exposé, un peu vulnérable.

- Enlève aussi tes chaussures comme tu les appelle, ajouta Anatyia en les pointant du doigt. Ces choses nous sont trop étrangères, et en troublent plus d'un. Pour eux, c'est l'un des attributs distinctifs de nos ennemis.

- D'accord, d'accord. Mais ne me demandez pas de courir sans tout de suite. Ah, et il faudra que je les récupère avant de partir, sinon j'aurais du mal à expliquer comment je les aurais perdues.

Il s'exécuta donc, et tous deux sortirent enfin de l'arhéa de l'ayutoon.

Dehors, il cligna des yeux : le soleil ne s'était effectivement pas encore couché derrière les grands arbres, et il baignait la clairière d'une chaude et éblouissante lumière dorée.

Il éclairait aussi un groupe de Stylis regroupé au pied de l'arbre. Quand ils le virent, ils se mirent à parler avec animation, pointant du doigt le torse du garçon. Car Anatyia avait trouvé sa solution : à présent, Nael arborait les lumineuses rayures blanches, qui lui striaient les abdos, et deux lignes parallèles lui barraient les pectoraux. Il avait aussi d'autres rayures plus larges dans le dos. Et pour compléter le tout, Anatyia avait orné le haut de ses avant-bras, juste au niveau des aisselles, d'une mince double ligne blanche, qui lui faisaient comme des bracelets d'avant-bras. Il eut un petit sourire. Même si il ne se voyait pas en intégralité, il aimait bien ses nouveaux tatouages, qui, soit dit en passant, ne lui causaient plus qu'une petite douleur latente. C'était juste dommage qu'il ne puisse pas les montrer à ses amis du camp.

Il se tenait donc sur les imposantes branches basses de l'arbre, pieds nus et essayant de ne pas glisser, au centre de tous les regards. Anatyia, qui se tenait à ses côtés, bondit soudain avec légèreté vers une branche fine un peu plus bas, sûrement pour être plus proche des Stylis rassemblés, qui avaient maintenant reculé à une distance craintive et respectueuse.

- Mes frères, cria-t-elle. Regardez, et constatez de vos propres yeux que Nael appartient à notre peuple !

Seul le silence accueillit ses paroles. En bas, la foule échangeait des regards indécis.

« Apparemment, le coup des tatouages ne marche pas vraiment », pensa le jeune homme.

Sur les autres arbres aussi, le reste des Stylis avait les yeux fixés sur lui, sur la réserve. Il déglutit. Sous le feux de d'autant de regards, un seul faux pas, un seul faux geste, et il pouvait dire adieu à leur confiance avant même de l'avoir gagnée.

Soudain, un cri perçant déchira le pesant silence.

- Mon fils ! Au secours ! Aidez-le !

Tous les regards se détournèrent d'un seul coup du jeune homme. Il leva les yeux et compris. Tous les Stylis n'avaient pas déserté les alentours de l'arhéa d'Anatyia. Un petit garçon aux cheveux dorés, peut-être moins farouche que les autres, d'environ 4, 5 ans, était resté sur l'une des branches hautes de l'arbre. Malheureusement, il devait avoir glissé de l'endroit où il se tenait, car il était suspendu dans le vide par les mains, le visage crispé par l'effort et la peur.

- Que quelqu'un l'aide, cria de nouveau la mère, qui se trouvait à terre, les trais transfigurés par la détresse.

- Il ne peut pas se transformer pour se rattraper tout seul ? demanda le jeune homme à sa compagne sans tourner la tête.

- Regarde son corps, lui répondit-elle précipitamment de la même façon, il n'a aucun tsîndale, cela signifie qu'il ne s'est pas encore transformé pour la première fois.

Et elle s'élança vers le tronc pour le gravir jusqu'à la branche à laquelle le petit garçon se retenait. Mais de là où il était, Nael voyait deux choses : le petit glissait et avait de plus en plus de mal à se retenir. Et Anatyia, malgré sa vitesse, n'arriverait jamais à temps pour le saisir avant qu'il ne tombe dans le vide. Sauf si... Une idée germa dans son esprit. Il avança de quelques pas, et eut le malheur de regarder sous ses pieds. Le vertige le fit immédiatement trembler et il dû reculer prudemment.

« Bon, changement de méthodes. »

- Anatyia, cria-t-il. Tu n'y arriveras jamais à temps !

- Je dois y arriver, lui répondit-elle en continuant de grimper. C'est sa seule chance !

- Non, répliqua-t-il. Il en a une autre. Redescends !

- Quoi ?

Cette fois, elle s'arrêta et regarda Nael. Et compris tout de suite en suivant son regard.

Rapide comme l'éclair, elle se lâcha pour atterrir sur la branche où se tenait le jeune homme, et aussi aisément que si elle s'était trouvée au sol, et non pas à une dizaine de mètres au-dessus, elle se mit à courir sur la branche large, les yeux fixés sur le petit Stylis qui gigotait désespérément 5 mètres plus haut pour essayer de se hisser en sécurité. Sans succès. Sa main droite dérapa, et incapable de soulever tout son poids d'une seule main, il chuta dans le vide avec un cri d'effroi. En bas, la foule y fit écho, mais Nael ne les entendit pas. Le corps tendu dans l'attente, il regarda la jeune femme accélérer encore.

« Plus vite ! Tu y es presque ! Plus vite ! »

Et au moment où l'enfant passa à sa hauteur, elle l'attrapa en plein vol, avant de s'assoir violemment sur la branche pour ne pas perdre l'équilibre.

- Je te tiens !

Sous eux, les Stylis explosèrent en exclamations de soulagement et en applaudissements.

Mais Nael ne relâcha pas ses muscles pour autant. Au contraire, il se détacha du tronc de l'arbre auquel il était adossé, et oubliant son vertige, il s'élança à son tour le plus vite possible sur la branche épaisse. Car quelque chose clochait. Anatyia s'était relevée, et l'enfant dans les bras, elle entamait le chemin de retour. Mais elle n'arrivait pas à masquer une petite grimace de douleur. A chaque pas, elle boitait un peu plus. Sans courir, Nael accéléra un peu pour les rejoindre.

Trop tard. Avec un petit cri de surprise, la jeune femme sentit sa cheville gauche se tordre, et sa jambe se déroba sous elle. Elle réussit à conserver son équilibre un bref instant, mais le poids du garçon dans ses bras la déstabilisa, et elle bascula sur le côté.

Wild CreatureOù les histoires vivent. Découvrez maintenant