Journal # 6

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Aujourd'hui encore, je suis revenu des étoiles plein les yeux de la jungle, tout juste à l'heure pour le repas. Anatyia connaît cette jungle comme sa poche, et c'est excitant de la suivre sans savoir où elle m'emmène... pour découvrir des endroits plus fabuleux les uns que les autres ! Mais il y a quand même un détail triste : certains des lieux qu'elle aimait ont été détruits par les recherches de 'mon' expédition. C'est tellement dommage de savoir que des hommes saccagent tout sur leur passage, sans se préoccuper du sort de ceux qui y vivent. D'ailleurs c'est bizarre : je me promène encore pas mal tout seul dans la forêt la journée, mais jamais je n'ai vu qui que ce soit qui ressemble à ma belle indigène. Pourtant elle ne peut pas vivre seule comme ça dans cette jungle ! Mais j'ai même demandé autour de moi, le plus subtilement possible, si quelqu'un avait déjà aperçu un être humain étranger à notre expédition dans la jungle, j'ai fait choux blanc. Personne n'a vu quoi que ce soit de ce genre de près ou de loin. Peut-être appartient-elle à un peuple timide...

C'est un peu étrange de parler avec cette fille aux cheveux argentés. C'est presque comme...parler à un animal (qui parle, parce que sinon je ne vois pas l'intérêt du truc), ou à un amnésique qui est resté dans le coma plusieurs années. Ou encore à un voyageur spatio-temporel. Non que je me sois déjà retrouver dans ces situations-là (à part quand je parle à un chien ou un chat comme s'il pouvait me répondre, oui ça m'arrive). Mais elles peuvent s'imaginer. Parler d'un monde qui pour vous est quotidien, banal, à quelqu'un pour qui une brosse à dent est un objet impossible à imaginer ! Moi, ça me chamboule un peu. Lorsque je parle avec Anatyia, je vois notre société d'un regard extérieur, et c'est vrai que je comprends que pour elle qui vit dans la simplicité et l'harmonie avec la nature, ma vie rythmée par le métro, le bitume et les buildings, est un peu dure à croire. Comme on dit : il faut le voir pour y croire. Il faudrait que j'amène ma belle étrangère à la ville pour qu'elle me croie tout à fait. Ou au moins à Bébé Poussin, il y a tout de même de la technologie là-bas. Mais vu comme elle s'enfuie dès qu'elle entend des voix quand elle me raccompagne au campement, elle ne risque pas d'accepter de sitôt ! A la rigueur je peux chercher des arguments pour essayer de la convaincre, mais je sais d'avance que ce n'est même pas la peine de lui proposer. On ne se connait pas assez, elle ne me fait pas encore vraiment confiance.

Des fois, lorsque je pars seul dans la jungle, j'ai une drôle de sensation. Comme si on m'épiait. Le plus souvent ça dure un temps, puis ça disparait, sans aucune raison visible. Peut-être que je deviens paranoïaque dans toute cette histoire, mais je dois avouer qu'il y a des moments où ça me file vraiment les jetons ! C'est une sensation impalpable, qui colle à la peau, alors que je ne vois rien ni personne autour de moi, mais qui me fait frissonner. Parfois, j'ai l'irrésistible envie de prendre mon pistolet et de tirer sur tout ce qui bouge en hurlant comme un débile. Mais je me métrise à chaque fois, parce que ce serait céder à la panique et à l'hystérie, et ça, c'est hors de question ! J'ai encore assez de dignité pour ne pas me retrouver à trouer les feuilles en criant comme une fille sous prétexte qu'elles ne sont pas transparentes et peuvent peut-être cacher quelque chose ! Et puis... quand j'analyse ce phénomène à tête reposée...je pense que ce n'est pas hostile. On me surveille, mais on ne me veut pas de mal. Pas encore.

Wild CreatureOù les histoires vivent. Découvrez maintenant